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penser de lui-même. Dieu seul mérite le sacrifice de nos lumières ; parce qu’il est le seul qui ne puisse pas nous tromper, soit qu’il parle par lui-même, soit qu’il le fasse par l’organe de ceux auxquels il a confié le sacré dépôt de ses révélations.

La philosophie des Chaldéens n’étant autre chose qu’un amas de maximes & de dogmes, qu’ils transmettoient par le canal de la tradition, ils ne méritent nullement le nom de philosophes. Ce titre, dans toute la rigueur du terme, ne convient qu’aux Grecs & aux Romains, qui les ont imités en marchant sur leurs traces. Car, pour les autres nations, on doit en porter le même jugement que des Chaldéens, puisque le même esprit de servitude régnoit parmi elles ; au lieu que les Grecs & les Romains osoient penser d’après eux-mêmes. Ils ne croyoient que ce qu’ils voyoient, ou du moins que ce qu’ils s’imaginoient voir. Si l’esprit systématique les a précipités dans un grand nombre d’erreurs, c’est parce qu’il ne nous est pas donné de découvrir subitement, & comme par une espèce d’instinct, la vérité. Nous ne pouvons y parvenir, qu’en passant par bien des impertinences & des extravagances ; c’est une loi à laquelle la nature nous a assujettis. Mais en épuisant toutes les sottises qu’on peut dire sur chaque chose, les Grecs nous ont rendu un service important ; parce qu’ils nous ont comme forcés de prendre, presqu’à l’entrée de notre carrière, le chemin de la vérité.

Pour revenir aux Chaldéens, voici la doctrine qu’ils enseignoient publiquement ; savoir, que le soleil, la lune, & les autres astres, & sur-tout les planètes, étoient des divinités qu’il falloit adorer. Hérodote & Diodore sont ici nos garans.

Les étoiles qui formoient le zodiaque, étoient principalement en grande vénération parmi eux, sans préjudice du soleil & de la lune, qu’ils ont toujours regardés comme leurs premières divinités. Ils appeloient le soleil Belus, & donnoient à la lune le nom de Nebo ; quelquefois aussi ils l’appelloient Kergal.

Le peuple, qui est fait pour être la dupe de tous ceux qui ont assez d’esprit pour prendre sur lui de l’ascendant, croyoit bonnement que la divinité résidoit dans les astres, & par conséquent qu’ils étoient autant de dieux qui méritoient ses hommages. Pour les sages & les philosophes du pays, ils se contentoient d’y placer des esprits ou des dieux du second ordre, qui en dirigeoient les divers mouvemens.

Ce principe une fois établi que les astres étoient des divinités, il n’en fallut pas davantage aux Chaldéens pour persuader au peuple qu’ils avoient une grande influence sur le bonheur ou le malheur des humains. De-là est née l’astrologie judiciaire, dans laquelle les Chaldéens avoient la réputation d’exceller si fort sur les autres nations, que tous ceux qui s’y distinguoient, s’appelloient Chaldéens, quelle que fût leur patrie. Ces charlatans s’étoient fait un art de prédire l’avenir par l’inspection du cours des astres, où ils feignoient de lire l’enchaînement des destinées humaines. La crédulité des peuples faisoit toute leur science ; car quelle liaison pouvoient-ils appercevoir entre les mouvemens réglés des astres & les évènemens libres de la volonté ? L’avide curiosité des hommes pour percer dans l’avenir, & pour prévoir ce qui doit leur arriver, est une maladie aussi ancienne que le monde même. Mais elle a exercé principalement son empire chez tous les peuples de l’orient, dont on sait que l’imagination s’allume aisément. On ne sauroit dire jusqu’à quel excès elle y a été portée par les ruses & les artifices des prêtres. L’astrologie judiciaire est le puissant frein avec lequel on a de tout temps gouverné l’esprit des orientaux. Sextus-Empiricus déclame avec beaucoup de force & d’éloquence contre cet art frivole, si funeste au bonheur du genre humain, par les maux qu’il produit nécessairement. En effet, les Chaldéens retrécissoient l’esprit des peuples, & les tenoient indignement courbés sous un joug de fer, que leur imposoit leur superstition ; il ne leur étoit pas permis de faire la moindre démarche, sans avoir auparavant consulté les augures & les aruspices. Quelques crédules que fussent les peuples, il n’étoit pas possible que l’imposture de ces charlatans de Chaldée ne trahît & ne décelât très-souvent la vanité de l’astrologie judiciaire. Sous le consulat de M. Popillius, & de Cneius-Calpurnius, il fut ordonné aux Chaldéens, par un édit du préteur Cor. Hispollus, de sortir de Rome & de toute l’Italie dans l’espace de dix jours ; & la raison qu’on en donnoit, c’est qu’ils abusoient de la prétendue connoissance qu’ils se vantoient d’avoir du cours des astres, pour tromper des esprits foibles & crédules, en leur persuadant que tels & tels évènemens de leur vie étoient écrits dans le ciel. Alexandre lui-même, qui d’abord avoit été prévenu d’une grande estime pour les Chaldéens, la leur vendit bien cher par le grand mépris qu’il leur porta, depuis que le philosophe Anaxarque lui eut fait connoître toute la vanité de l’astrologie judiciaire.

Quoique l’astronomie ait été fort en honneur chez les Chaldéens, & qu’ils l’aient cultivée avec beaucoup de soin, il ne paroît pourtant pas qu’elle eût fait parmi eux des progrès considérables. Quels astronomes, que des gens qui croyoient que les éclipses de lune provenoient de ce que cet astre tournoit vers nous la partie de son disque qui était opaque ? Car ils croyoient l’autre lumineuse par elle-même, indépendamment du soleil :