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table perfection. Si l’on admet une fois qu’une action quelconque se fait sans cause, il en résulte indispensablement que les effets & les causes n’ont ensemble aucune connexité, &, par une conséquence aussi naturelle, qu’on ne sauroit imaginer aucun cas où nous soyons déterminés nécessairement.

Argument tiré de la certitude de la prescience divine.

La considération de la certitude de la prescience divine me fournit un quatrième argument pour prouver la nécessité des actions humaines. En effet cet attribut de l’être suprême suppose que toutes les choses futures doivent certainement exister dans un tel tems, dans un tel ordre, dans de telles circonstances, & non autrement. Car si les choses futures étoient contingentes[1] ou incertaines, si elles dépendoient du libre arbitre de l’homme, si elles pouvoient aussi-bien arriver ou ne pas arriver, leur existence certaine ne pourroit être l’objet de la prescience divine, puisque la connoissance de la certitude d’un événement incertain seroit contradictoire ; & Dieu, en ce cas, ne pourroit faire autre chose, que conjecturer, deviner l’existence de ces choses. Or, si la prescience divine suppose l’existence certaine de toutes les choses futures[2], elle suppose pareillement leur existence nécessaire. En effet Dieu ne sauroit prévoir leur existence certaine, que parce que cette existence est l’effet de sa volonté suprême, ou bien parce qu’elle dépend de causes relatives à la nature même de ces choses>. S’il prévoit cette


    injustement, cruellement, c’est-à-dire, sans sagesse, que de supposer la toute-puissance renfermée dans des bornes : puisque les perfections morales de la Divinité lui sont aussi essentielles que les physiques, & sont, par conséquent, également nécessaires. Mais si c’est là une perfection dans le créateur, pourquoi seroit-ce une imperfection dans la créature ?… Voyez ibid. la seconde lettre du savant de Cambridge à Clarke, & la réponse de ce docteur.

  1. « Pour ce qui regarde (dit M. Chub, ibid.) le terme de Contingent, dont on se sert quelquefois dans la matière que nous traitons : si on l’applique seulement à ces circonstances des actions humaines, qui arrivent non-seulement sans, mais quelquefois contre la volonté & l’intention de l’agent, & qui ainsi sont parfaitement accidentelles : je crois, qu’il n’y a rien dans la nature, qui puisse être un fondement de préscience à l’égard de telles circonstances. Je vais plus loin & suis persuadé que la même vérité a lieu par rapport à toutes les actions, qui sont produites par de pareilles circonstances : car s’il n’y a pas moyen de prévoir les circonstances accidentelles des actions humaines, il ne sauroit aussi y avoir de moyen de prévoir ces actions, qui sont étroitement & inséparablement liées avec les circonstances dont nous parlons, &c ».
  2. Je ne vois pas que les raisonnemens du docteur Clarke à ce sujet détruisent le moins du monde cette démonstration. « Il est évident, dit-il, que la prescience divine ne sauroit toute seule fournir de preuve suffisante pour détruire la liberté, à moins qu’on n’appelle au secours les autres argumens dont on se sert pour prouver que la liberté des actions humaines est une chimère, une pure impossibilité. Car la prescience toute seule n’a auucune influence sur la manière de l’existence des choses. Tout ce que les plus grands ennemis de la liberté ont dit ou peuvent dire sur ce sujet, revient à ceci : que la prescience emporte la certitude & la certitude la nécessité. Mais ni l’un ni l’autre n’est vrai, (c’est ce qu’il s’agit de prouver). La certitude n’emporte pas la nécessité ». (Entendons-nous, de grace, M. Clarke ; je conviens avec vous que ce n’est pas la certitude qui cause la nécessité ; mais cela empêche-t-il que la nécessité n’emporte, ne cause la certitude ? peut-on enfin concevoir que la certitude de la prescience des événemens puisse subsister sans leur nécessité, c’est-à-dire que l’effet puisse subsister sans la cause ?) » Et la prescience ne renferme point d’autre certitude, que celle qui se rencontreroit également dans les choses : encore qu’il n’y eût point de prescience, (d’accord ; mais on ne vous dit point que ce soit la certitude qui cause la nécessité ; ainsi, qu’on prévoye les choses ou non, elles n’en sont pas moins nécessaires ; mais ce n’est qu’en conséquence de leur nécessité, qu’on peut parvenir à les prévoir). « Je dis premièrement, ajoute-t-il, que la certitude de la prescience n’est pas la cause de certitude des choses, [qui est-ce qui vous le dispute ?] mais qu’elle est fondée elle-même sur la réalité des choses. Tout ce qui existe aujourd’hui, existe certainement, & il étoit hier & de toute éternité aussi certainement vrai qu’il existeroit aujourd’hui, qu’il est maintenant certain qu’il existe. Cette certitude d’événemens est toujours la même, & la prescience n’y change rien, [mais qui vous dit qu’elle y change quelque chose ] ?… La considération de notre propre connoissance donnera peut-être quelque jour à ce que je dis sur la prescience divine. Nous savons très-certainement, que certaines choses existent. (Le saurions-nous certainement, si elles n’existoient pas de même ? Et il n’est pas possible que les choses dont nous savons ainsi l’existence, n’existent en effet. Il est pourtant de la dernière évidence que notre connoissance ne contribue en rien à leur existence, (il est tout aussi évident que la certitude de leur existence contribue beaucoup à la certitude de notre connoissance.) & qu’elle ne les rend ni plus certaines ni plus nécessaires) il est aussi très-clair que cette certitude de leur existence rend notre connoissance plus certaine & plus nécessaire.) « Or la prescience de Dieu est la même chose que la connoissance. » (Soit, je vous l’accorde) « Si vous la considerez par rapport à la connoissance & à la puissance, toutes choses lui sont également présentes. Il connoît très parfaitement tout ce qui est, & il prévoit, il sait tout ce qui sera, aussi parfaitement qu’il connoît ce qui est. (Eh pourquoi cela ?) Comme donc la connoissance n’influe en rien sur les choses qui sont actuellement, sa prescience aussi ne peut avoir aucune influence sur celles qui sont l’avenir ». Tout cela est vrai, mais voici une chose qui ne l’est pas moins ; comme la certitude de ce qui est actuellement influe nécessairement surr sa connoissance, la certitude de ce qui est à venir influe de même aussi sur la prescience). « J’avoue qu’il n’est pas possible d’expliquer comment Dieu peut prévoir les choses futures, à