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grand respect pour le feu, vénérant encore l’Air & l’Eau, célébrant la Terre dans leurs hymnes. Ils n’adoroient cependant & n’appeloient Dieu, que celui qui a fait le Ciel & la Terre. C’est à ce dieu, qu’ils immoloient des chevaux, des bœufs, des brebis, se servant pour cela du ministère de leurs sacrificateurs, auxquels ils attribuoient le don de prédire l’avenir ».

Les idées & le culte dont je viens de parler étoient aussi reçus dans tout l’occident. Les gaulois regardoient Mercure comme le plus grand des dieux ; mais ils adoroient avec lui Apollon & Jupiter, c’est à dire, le Soleil, & un Dieu qui présidoit à l’Air.

Canut, roi d’Angleterre, défendant par un Édit l’idolatrie payenne, qui n’étoit pas entièrement détruite dans ses états, la définit de cette manière,[1] Ce que nous entendons par l’idolatrie payenne c’est lorsqu’on sert les idoles (c’est à dire, les dieux des gentils) comme sont le soleil, la lune, le feu, une eau courante, des fontaines, des pierres, avec toute sorte d’arbres & de forêts. On voit là que le culte, ou l’idolatrie des anciens bretons, avoit précisément le même objet que celle des scythes, des perses & des turcs.

Jules Cesar assure aussi, que les germains ne reconnoissoient point d’autres dieux, que ceux qu’ils voyoient, & dont ils éprouvoient manifestement le secours, le soleil, la lune, Vulcain. Ils ne connoissoient point les autres, non pas même par la renommée. Quoique Jules Cesar ne connut guères ni les germains, ni leur religion, il est vrai cependant qu’ils rendoient un culte religieux au soleil, à la lune, & au feu.

Agathias, qui écrivoit dans le VI. siecle, sur de très bons mémoires, remarque[2] que les allemans, bien qu’ils fussent soumis aux francs, servoient encore des arbres, des Eaux courantes, des côteaux, des vallées, leur offrant des chevaux, d’autres victimes, auxquelles ils coupoient la tête.

Les germains étoient si prévenus en faveur de ce culte, qu’il fallut des siecles entiers pour leur arracher.[3] Cette génération, disoit Grégoire de Tours, en parlant des francs, a toujours été attachée à des cultes fanatiques, & n’a point connu Dieu. Ils se sont imaginés des forêts, des eaux, des oiseaux, des animaux, ou des formes d’autres élémens, & se sont accoutumés à les servir, & à leur offrir des sacrifices, comme s’ils étoient Dieu. De là tant de capitulaires[4] des empereurs, & de canons[5] des conciles, qui défendent de s’assembler autour des arbres, des rochers, des Fontaines, des carrefours, d’y allumer des chandelles & des flambeaux, ou d’y pratiquer quelque autre superstition. Les saxons, qui demeuroient au delà de l’Elbe, n’étoient pas encore revenus de ces abus dans le douzieme siecle. C’est la remarque d’Helmoldus qui dit[6] qu’ils donnoient dans beaucoup d’égaremens, & de superstitions, par rapport au culte des forêts & des fontaines.

Ce culte des élémens étoit commun aux anciens grecs avec les autres habitans de l’Europe. Autant que je puis en juger[7], disoit Platon, les


    immolant, habentque sacerdotes in quibus inesse vaticinanci facultatem arbitrantur. Theophyl. Simoc. lib. 7. cap. 8. p. 176.

  1. Adorationem gentilem p’enissime veramus. Gentilis est autem adoratio, sive quis idola, (pata gentium divus) solem, lunam, ignem, profluentem, fontem, saxa, cujusque generis arbores, lignave coluerit. L. L. Politic. Canuti Regis cap. 5. apud Lindenbrog. in Glossar. p. 1473.
  2. Arbores quasdam colunt, & fluminum lapsus ??? & colles & valles, atque his tanquam justa facientes, equos alia que quamplurima refectis capitibus immolant. Agathias lib’’. 1. p. 18.
  3. Sed hæc generatio fanaticis semper cultibus visa est obsequium præbuisse, nec prorsus agnovere Deum ; sibique sylvarum atque aquarum, avium, bestiarumque, & aliorum quoque elementorum finxere formas, ipsas que ut Deum colere, eisque sacrificia delibare consueti. Greg. Tur lib 2. p. 278.

    Il semble que ces mots sibi finxere formes signifient que les Francs représentoient dans des images, des forêts, des eaux, & qu’ils rendoient à ces images un culte religieux ; mais ce n’étoit point là la pratique des Francs, non plus que des autres peuples germains.

  4. De arboribus,vel petris, vel fontibus, ubi aliqui flulti luminaria, vel alias observationes faciunt, omnino mandamus ut site pessimus usus & Deo execrabilis ubicunque invenitur, tollatur & destruatur. Capitul. Karol. Mag. lib. 1. tit. 64. p. 239. Si in alicujus presbyteri parochia, infideles, aut faculas accederint, aut arbores, aux fontes, aut saxa venerentur, si hoc eruere neglexerit, sacrilegum se esse cognoscat. Capit. Karol. Mag. lib. 7. tit. 236. p. 1093.
  5. Venisti ad aliquem locum, id est ad fontes, vel ad lapides, vel ad arbores, vel ad bivia, & ibi aut candelam, aut faculam pro veneratione loci incendisti. Burchard. collect. canon. lib. 10. cap. 32. lib. 19. p. 270. apud Lindenbrog. in Glossar. p. 1300. Voyez les canons cités dans le même glossaire p. 1357. & 1370.
  6. Lucorum & fontium ceterarumque superstitionum multiplex apud eos error habetur. De Saxonibus Nordalbingis, Helmoldus Chron. Slav. cap. 48. p. 106.
  7. Qui græciam primi incoluere, ii videntur mihi solum illos Deos existimasse, quos nunc etiam barbari multi pro Diis habent, solem, lutam, terram, astra, cœlum. Plato in Cratylo, & ex illo Euseb. Prœp. Evang. lib. 3. cap. II