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royaume de Naples vinrent à bout d’y établir leur religion ; mais ce ne fut qu’après avoir soutenu, de la part des habitans naturels, de longues & de violentes oppositions, qui furent quelquefois portées jusqu’à une guerre ouverte.

Pour finir avec les grecs, on trouve dans Hérodote quelques passages remarquables sur l’ancienne religion de ces peuples. Il dit, par exemple, [1] que les noms de la plûpart des dieux (il s’agit de ceux dont le culte étoit établi de son tems) avoient passé de l’Égypte en Grece. Il ajoute un peu plus bas [2] que les Pélasges, qui étoient les plus anciens habitans de la Grece, ne donnoient ni nom, ni surnom aux dieux, & qu’ils n’en avoient même pas entendu parler. Ils les ont appellés dieux, parce qu’ils avoient disposé, & qu’ils conduisoient toutes choses avec ordre. Cela ne signifie pas que les Pélasges étoient des Athées. L’historien avoit remarqué, quelques lignes auparavant, [3] qu’ils immoloient des victimes, & qu’ils faisoient consister l’essence du sacrifice dans la priere dont il étoit accompagné. Il veut dire que les Pélasges ne se servoient que du nom de θιος dieu, au lieu que les noms de Jupiter, de Junon, de Neptune, de Bacchus, & les différents surnoms, que l’on donnoit à ces divinités, leur étoient parfaitement inconnus. Hérodote reconnoit donc que le mot de θιος vient des Pélasges ; mais il lui donne une Etymologie tirée du grec que l’on parloit de son tems, langue qui ne s’étoit formée que depuis l’expulsion des Pélasges. D’autres ont dérivé le mot de θιος du verbe θε ? je cours, ou de celui de θεα ? μεαι je contemple. On a dit encore que le mot de Zευς ou de Δευς Jupiter, d’ou l’on a fait le génitif Δ? ος vient de Δ? υς j’arrose. Je me mets peu en peine de ces étymologies, qui, selon les apparences, sont toutes fausses. Mais je suis persuadé que les divers noms de Zευς, Δευς, θιος, sont une corruption de celui de Teut, ou de Tis, & je ne doute point, par conséquent, de la solidité de la remarque de Paul Diacre, qui dit que le mercure des germains étoit adoré autrefois jusques dans la Grece. De là vient qu’on trouve dans ce pays, comme dans tout le reste de l’Europe, des [4] Titans, & des princes dont le nom est dérivé de celui de Teut. Je trouve encore que la coutume des thraces, qui donnoient à leurs princes le nom du dieu dont ils se croyoient issus, s’étendoit anciennement jusqu’aux [5] Grecs. On prétend même, que ce fut l’une des causes de la grossière idolâtrie ou ces peuples tomberent dans la suite. Donnant à des hommes le nom de dieu, ils s’accoutumèrent insensiblement à leur rendre des honneurs divins.

Il ne sera pas inutile de faire encore ici une remarque qui appartient naturellement au sujet que je traite, & qui servira d’ailleurs à montrer jusqu’a quel point les grecs étoient capables de prendre le change, lorsqu’il s’agissoit des divinités étrangères. La religion des pélasges avoit été bannie de la [6] Grece par la défaite des Titans.

Plusieurs siècles après, vers le tems des poëtes, [7] Eschyle & Aristophane, quelques grecs, qui avoient été dans le pays des thraces appellés Edoniens, en rapportèrent le culte du dieu Cotys, qui trouva quelques partisans à Corinthe & à Athènes. Mais comme les assemblées se tenoient de nuit, & qu’on y commettoit des excès de boisson, qui conduisent quelquefois à d’autres débauches, comme la danse de Cotys, [8] dont j’ai parlé plus haut, imitoit d’ailleurs celles des bacchantes, on fit non seulement de Cotys, une déesse, mais encore une Venus, qui présidoit à l’impureté, & à la prostitution. C’est

  1. Omnia fere deorum nomina ex Ægypto in Græciam pervenerunt. Herodot. 2. 50.
  2. Pelasgi nulle deorum cognomen aut nomen imponebant, quippe quod nondum audissent. Deos autem vocarunt ; propter eam causam, quod res omnes omnesque regiones disposuerunt ordine. Muito deinde progressa temporis, aliorum deorum nomina audiverunt, ex Ægypto allata, post quos diu nomen Dionysii acceperunt. Herodot. 2. 52.
  3. Iidem antea in deorum invocatione omnia immorabant. Herodot. ibid.
  4. Τιτανιδιωγῆν Titanum terram nonnulli aiunt Atticam dictam, a Titenio uno ex antiquis Titanibus qui circa Marathonem habitabant. Suidas Tom. 3. p. 479. Titanes quosdam in Græcia ferunt fuisse robustos & excellentes viribus populos. Isidor. orig. lib. 9, cap. 2. p. 1045. On peut voir aussi Pezron ; Antiquité de la nation, &c. p. 133. 140.
  5. Δι ? ς antiqui omnes reges vocabant. Tzerz. ad Lycophr. p. 13. Διες omnes reges, ac dii dicuntur, ibid. p. 123.
  6. Cotyos deæ apud Edonos cultæ, meminit Æschylus, Veneranda Cotys in Edonis montana instrumenta habent. Strabo. lib. 10. p. 470.
  7. Thiasotès Kotus (lisez Kotuos) Dæmon quem Corinthii colunt, qui turpibus præest. Suidas, T. 2. p. 197. & in voce Kotus Tom. 2. p. 357. Le mot de Thiasotès ou de Thiasos signifie une danse sacrée, surtout une danse bacchique.
  8. Talia secreta coluerunt orgia tæda

    Cecropiam soliti Baptæ lassare cotytto. Juvenal, Satyr. 2. vs. 91.

    Inultus ut tu riseris Cottytia

    Vulgata, sacrum liberi cupidinis. Horat. Epod. 18. vs. 4.