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qu’on ſe propoſe, à une ſphère d’eau ; il ſuffit, pour cela, d’arrondir en boule un morceau de glace, & de le ſuſpendre, comme la boule de verre, vis-à-vis du ſoleil. Si on ſe place enſuite entre cet aſtre & la boule de glace, & qu’on faſſe deſcendre lentement cette boule, on apercevra ſucceſſivement dans la partie ſupérieure de cette boule, & enſuite dans l’inférieure, les mêmes couleurs, & dans le même ordre que celles que l’on obſerve dans l’arc-en-ciel extérieur & intérieur ; & les angles que les rayons émergens qui produisent ces couleurs, feront avec la ligne d’aſpect, ſeront exactement les mêmes que ceux qui ont lieu dans l’arc-en-ciel naturel, & ne différeront que de très-peu des angles que les rayons colorés émergens font avec la ligne d’aſpect, lorſqu’on fait cette expérience de la manière ordinaire avec une boule de verre pleine d’eau, cette boule de verre étant fort mince.


Cette expérience, répétée un grand nombre de fois avec un ſuccès conſtant, paroît déciſive ; car on n’imagine pas que l’on veuille chicaner ſur ce que la réfraction de la glace n’eſt peut-être pas parfaitement égale à celle de l’eau, la différence de la puiſſance réfractive de ces deux milieux étant preſque inſensible & même douteuſe, ſuivant les expériences de M. de la Hire, conſignées dans les mémoires de l’académie des ſciences.

2o. Il paroît, d’après la théorie de l’arc-en-ciel, que les couleurs provenant des gouttes de pluie, devroient être d’autant plus vives, que le nombre de ces gouttes eſt plus conſidérable ; cependant on obſerve quelquefois que, quoiqu’il pleuve fortement, l’arc-en-ciel paroît très-foible, & quelquefois au contraire il paroît très-vif, quoique la pluie qui tombe par fois ſoit médiocre.

En général, les couleurs de l’arc-en-ciel ſont d’autant plus vives, qu’il pleut plus abondamment à l’opposite du ſoleil, ainſi que cela doit être, ſuivant la théorie. Il eſt vrai que ſi en même temps il pleut fortement dans l’endroit où eſt placé le ſpectateur, ou entre le ſpectateur & le ſoleil, l’éclat de ce phénomène pourra en être fort affoibli, parce que les rayons de lumière destinés à le produire, ſeront en partie détournés ou réfléchis par les gouttes de pluie qu’ils rencontreront avant que d’arriver à l’endroit où ils doivent produire leur effet ; mais cet affoibliſſement n’eſt qu’accidentel, & n’infirme en rien la théorie.

3o. Suivant l’explication reçue, le ſpectateur, le ſoleil & le centre de l’arc-en-ciel doivent ſe trouver ſur une ſeule & même ligne ; cependant il arrive ſouvent qu’une des branches de l’arc-en-ciel paroît être extrêmement proche du ſpectateur, & l’autre fort éloignée ; enſorte que la première branche eſt fort près, & la ſeconde fort loin de la ligne d’aſpect.

Cette objection n’en eſt pas une pour quelqu’un qui eſt au fait de la théorie de l’arc-en-ciel ; car cette théorie ne ſuppoſe autre choſe que l’égalité des angles que les rayons efficaces de la même eſpèce doivent faire de toute part avec la ligne d’aſpect ; ce qui n’a rien de commun avec le plus ou le moins d’éloignement des points d’où partent ces rayons à cette ligne d’aſpect ; cependant il est bon d’expliquer ici pourquoi les branches de l’arc-en-ciel paroiſſent quelquefois ſi inégalement éloignées du ſpectateur.

Cet effet doit arriver toutes les fois que, pleuvant dans un endroit ſans pleuvoir dans l’autre, le plan qu’on peut imaginer eſt de ſéparer l’eſpace où il pleut de celui où il ne pleut pas, & qu’on peut nommer, pour abréger, plan terminant de la pluie, eſt oblique par rapport à la ligne d’aſpect ou à l’axe du cône, formé par les rayons colorés dont la pointe eſt à l’œil du ſpectateur ; car, ſoit S le ſoleil que nous ſuppoſerons (fig. 430) pour plus de ſimplicité dans le plan de l’horiſon, O l’œil du spectateur, S O la ligne d’aſpect ; ſuppoſons qu’il pleuve dans l’eſpace Α B C D, ſitué de telle manière que le plan vertical C D, en-deçà duquel il ne tombe plus de pluie, ou le plan terminant de la pluie ſoit obliquement placé par rapport à la ligne d’aſpect S O ; enſorte que l’angle D E O ſoit obtus, & que l’angle C E O ſoit aigu ; ſi par le point O on mène les lignes O F, O G, de manière que les angles E O F, E O G ſoient, par exemple, chacun de 41°, il eſt clair que l’œil O verra du rouge en F & en G, qui ſeront par conſéquent les extrémités de l’arc rouge : or, il eſt évident que l’extrémité G eſt bien plus proche de l’œil O que l’extrémité F, & conſéquemment elle paroîtra bien plus proche de la ligne d’aſpect. Cependant, puiſque les angles E O F, E O G, ſont égaux, l’œil n’en eſt pas moins au ſommet du cône H O F, dans la ſurface duquel ſont placés, ſuivant la théorie, tous les rayons émergens efficaces qui peuvent lui donner la ſenſation du rouge, & qui formeront un arc de cette couleur qui paroît à leur ſens la figure d’une portion d’ellipſe. Le même raiſonnement ayant lieu pour les rayons des autres couleurs, s’applique, comme on voit, à l’arc-en-ciel entier.

Dans le mois d’avril 1786, M. de Flaugergnes aperçut un de ces arcs-en-ciel dont l’inégalité, dans la diſtance de ces branches oppoſées, étoit frappante. Quoiqu’il vit tout de ſuite qu’elle venoit de l’obliquité du plan terminant de la pluie, il voulut cependant s’aſſurer ſi les angles que les rayons efficaces fourniſſent avec la ligne d’aſpect, étoient égaux. Dans cette vue, il plaça une eſpèce de récipiangle, compoſé de deux règles mobiles, autour d’un clou, & garnies de pinules ; de manière que le plan de cet inſtrument étant parfaitement horiſontal, le rayon viſuel qui paſſoit par les pinules d’une des branches, alloit aboutir au point de l’horiſon qui étoit l’azimuth du ſoleil.