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ARC

le ſoleil & les boules, les rayons du ſoleil y éprouvent les mêmes réfraction, réflexion & décompoſition que dans les gouttes de pluie. Ce phénomène devient encore permanent lorſque, tournant le dos au ſoleil, on fait jaillir de l’eau en l’air, afin qu’elle retombe en petite pluie, & que les poſitions reſpectives de l’aſtre, de l’obſervateur & des gouttes d’eau ſont analogues à celles qui ont lieu dans les arcs-en-ciel ordinaires. Ce phénomène eſt plus brillant lorſqu’on met un corps noir derrière les gouttes d’eau.

L’arc-en-ciel de la caſcade de Terni, en Ombrie, eſt un des plus beaux de ce genre : comme il a été ſouvent obſervé, nous allons entrer dans quelque détail, d’après M. l’abbé Richard, qui paroît avoir ſuivi ce phénomène avec attention. La rivière de Vélino, qui forme la magnifique caſcade de Terni, après être ſortie du lac de Luco, prend un cours précipité ſur un niveau penchant, juſqu’à ce qu’elle ſoit arrivée à l’extrémité de la montagne del Marmore, d’où elle fait un ſaut perpendiculaire d’environ deux cents pieds de hauteur ſur des rochers, où elle ſe briſe avec tant d’efforts, qu’il s’en élève un nuage que l’on peut comparer à une pouſſière humide, (un polverino d’aqua, diſent les Italiens) & qui ſe ſoutient toujours à quelques toiſes au-deſſus du niveau de la montagne ; de ſorte que tous les environs ſont enveloppés d’un brouillard continuel, aſſez épais pour intercepter les rayons directs de la lumière, ſi léger, qu’il ne détrempe point le terrain qu’il arroſe ſans ceſſe.

Ce brouillard, vu du côté oppoſé à la caſcade, reçoit les rayons du ſoleil qui s’y réfractent & s’y réfléchiſſent de manière à former, tantôt pluſieurs arcs-en-ciel qui ſe croiſent, changent de place, s’élèvent ou s’abaiſſent relativement à la force que le mouvement inférieur de l’eau imprime au brouillard qu’ils colorent, & à la direction des vents qui diſperſent plus ou moins d’un côté ou d’un autre, les gouttelettes d’eau. Lorſque le vent du midi raſſemble le brouillard contre la montagne, on ne voit qu’un ſeul grand arc qui couronne toute la caſcade & ſes environs. Il y a des circonſtances où les couleurs de ces iris ſe confondent les unes dans les autres ; néanmoins, dans ces cas, on y remarque toujours trois zônes bien prononcées. On obſerve auſſi que toutes les particules aqueuſes ſont fort agités ; & ce mouvement continuel de molécules colorées qui ſe ſondent inſenſiblement les unes dans les autres, ajoutent à la ſingularité de ce beau ſpectacle.

La caſcade du fleuve St.-Laurent, en Canada, préſente également un arc-en-ciel pérenne, toujours fixé dans le même endroit, & par le temps le plus ſerein. Cet arc ſe forme auſſi ſur une eſpèce de brouillard, & dépend auſſi des poſitions reſpectives du ſoleil, de l’obſervateur, & des gouttes d’eau, de même que des pouvoirs réfractif & réflectif de ces gouttes, & des différens degrés de réfrangibilité des rayons ſolaires. L’eau du fleuve Saint-Laurent tombant de plus de deux cents pieds de hauteur, fait rejaillir dans l’air une quantité prodigieuſe de petites gouttes d’eau qui forment un nuage, ou, ſi l’on veut, une bruine viſible, même à la diſtance de cinq lieues, & où le ſoleil peint toujours un arc-en-ciel avec ſes plus belles couleurs, plus étendu & plus majestueux que celui de la caſcade de Terni.

V. On a fait en divers temps, & notamment depuis peu, des efforts pour renverſer la théorie newtonienne ſur l’arc-en-ciel : on va voir avec quel ſuccès M. l’abbé P… ayant publié, il y a deux ou trois ans, un petit ouvrage dans cette vue, M. de Plaugergnes en fit la réfutation, qui fut lue dans un memoire adreſſé à l’académie de Montpellier ; c’eſt de ce dernier qu’on a extrait ce qui ſuit :

On a objecté contre la théorie de Newton ſur l’arc-en ciel : 1o. Que l’expérience qu’on fait avec la boule de verre pleine d’eau, qui ſert de preuve à cette théorie, n’eſt pas concluante, parce que cette boule étant compoſée de verre & d’eau & non pas ſimplement d’eau, comme il faudroit qu’elle le fût pour repréſenter exactement ce qui ſe paſſe dans les gouttes de pluie, les réfractions qui s’opèrent dans cette boule, ſont différentes de celles qui ont lieu dans les gouttes de pluie ; & l’on ne doit pas par conſéquent prétendre que la réfraction de la lumière, dans ces gouttes, doive produire les mêmes effets que dans la boule de verre employée dans cette expérience.

On peut répondre à cela qu’il eſt très-vrai que la réfraction de la lumière à travers de deux milieux différens, tels que le verre & l’eau dont eſt compoſée la boule qu’on emploie dans l’expérience, qui ſert de preuve à la théorie de l’arc-en-ciel, eſt un peu différente de celle qui auroit lieu dans une ſimple boule d’eau ; mais cette différence n’en apporte aucune dans l’ordre & la nature du phénomène en général, & elle n’influe que ſur la valeur des angles que les rayons émergens efficaces font avec la ligne d’aspect. Ces angles ſont plus petits lorſque les rayons émergent de la boule après une ſeule réflexion, & au contraire plus grands lorſqu’ils émergent de la boule après deux réflexions dans la boule de verre remplie d’eau, que dans une ſphère compoſée ſeulement de ce fluide. Cette différence qui ſeroit conſidérable ſi la boule de verre, qui renferme l’eau, étoit fort épaiſſe, ſe réduit à quelques minutes, lorſqu’on emploie, pour cette expérience, une boule de verre fort mince : c’eſt ce qu’il eſt aiſé de prouver par le calcul.

Mais on peut couper court à l’objection, en répétant l’expérience d’Antoine de Dominis avec une ſphère abſolument identique, relativement au but