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ARC

le même plan vertical, paſſant par ce point E, par l’œil du ſpectateur & par le centre du ſoleil ; puiſque par la loi de la reflexion le rayon réfléchi & le rayon incident doivent toujours être dans un même plan perpendiculaire à la ſurface réfléchiſſante ; par conſéquent ce troiſième arc doit couper les deux premiers arcs en deux endroits différens. On voit de plus qu’à meſure que le ſoleil s’abaiſſera vers l’horiſon, l’angle S, I L qui eſt toujours égal à l’angle S l L, diminuera, de ſorte que le centre M du troiſième arc s’abaiſſant, tandis que le centre E des deux arcs ordinaires Α B, C D s’élève, les arcs C D & F G H, ſe rapprocheront & pourront même ſe confondre enſemble dans leur partie ſupérieure ; ce qui eſt parfaitement conforme à ce qu’a obſervé M. Halley, comme on l’a dit.

À l’égard des arcs-en-ciel excentriques de la ſeconde eſpèce, dont le centre ſe trouve hors du plan vertical qui paſſe par la ligne d’aſpect, & qui par conſéquent ne peuvent être produits, comme les précédens, par la réflexion des rayons du ſoleil sur la ſurface de quelque rivière ou de quelque lac, ils ſont extrêmement rares. M. Flaugergnes a eu le bonheur, il y a quelques années, d’en voir un aſſez bien marqué, & ce qui lui fit encore plus de plaiſir, de voir évidemment la cauſe qui le produiſoit. On va rapporter ici ſon obſervation, avec d’autant plus de ſatisfaction, qu’on ne ſache pas qu’aucun phyſicien ait découvert la vraie cauſe de ces arcs-en-ciel excentriques.

Un jour de printemps de l’année 1783, ſur les cinq heures du ſoir, le ciel, après une forte ondée de pluie, s’étant découvert du côté du couchant, tandis qu’il pleuvoit encore fortement du côté du levant, les deux arcs-en-ciel ordinaires parurent avec beaucoup d’éclat. Comme ce ſavant étoit occupé à les conſidérer, il aperçut en dehors & au nord du ſecond arc, une portion d’environ dix à douze degrés d’un troiſième arc dont les couleurs étoient ſemblables à celles de l’arc intérieur & dans le même ordre, le violet en dedans & le rouge en dehors, mais plus foibles & plus confuſes. Cet arc étant auſſi plus large que l’arc intérieur, & autant qu’il en peut juger par ſa courbure, il appartenoit à un cercle d’un diamètre égal à celui de l’arc intérieur, mais dont le centre étoit placé à une vingtaine de degrés au nord du centre de l’arc intérieur, & un peu au-deſſus de la ligne horiſontale qui paſſoit par ce dernier centre. Ce phénomène le ſurprit beaucoup, & il ne ſavoit abſolument à quoi l’attribuer, lorſque s’étant retourné du côté du ſoleil, il vit à une vingtaine de degrés au-deſſus de cet aſtre, un petit nuage blanc reſplendiſſant, d’une lumière ſi vive, qu’on l’auroit pris pour un parhélie, s’il eût été arrondi plus régulièrement. Il penſa auſſitôt que ce pouvoit être là la cause du troiſième arc, & il ne put en douter lorſque, quelque temps après, la lumière que refléchiſſoit le nuage s’étant affoiblie, ce troiſième arc diſparut totalement.

D’après cette obſervation, il paroît que les arcs-en-ciel excentriques, dont les centres ne ſont pas placés dans le plan vertical qui paſſe par la ligne d’aſpect, ont pour cauſe la lumière réfléchie sur les gouttes de pluie par quelque nuage qui ſe trouve dans des circonſtances favorables pour en réfléchir ainſi une quantité ſuffisante, & produire par là l’effet d’un ſecond ſoleil.

7o. Comment expliquer dans la théorie newtonienne de l’arc-en-ciel, les quatre ou cinq arcs colorés qui paroiſſent en dedans de l’arc intérieur, & qui ſont concentriques & contigus à cet arc ?

C’eſt ici le point le plus délicat de la théorie de l’arc-en-ciel, & aucun phyſicien ne paroît avoir tenté d’expliquer la production de ces arcs colorés, concentriques intérieurs, & contigus à l’arc-en-ciel interne, quoique leur apparition ſoit conſtante, toutes les fois que les circonſtances ſont favorables pour que ce phénomène puiſſe paroître dans tout ſon éclat. On va expoſer ici quelques conjectures que M. Flaugergnes a formées ſur ce ſujet, après avoir expoſé exactement le fait.

Toutes les fois que l’arc-en-ciel paroît avec éclat, on obſerve dans l’arc intérieur, & tout contre, d’autres arcs intérieurs contigus & concentriques à cet arc : ces arcs ſont colorés, mais leurs couleurs ſont d’autant plus foibles, & ces arcs sont d’autant plus étroits, qu’ils s’éloignent de l’arc principal en s’approchant vers le centre. Il a une fois diſtingué juſqu’à cinq de ces arcs ; le premier étoit coloré de rouge, de jaune, de vert & de bleu, dans le même ordre que l’arc intérieur & les derniers ſeulement de vert & de rouge. Je penſe que ces arcs ſont produits par les rayons qui émergent des gouttes d’eau, convergens entr’eux, & qui, arrivant ainſi fort ſerrés à l’œil, peuvent être efficaces de même que les rayons qui émergent parallèles entr’eux. Pour bien entendre ceci, il faut ſe rappeler, ce qu’il eſt bien facile de démontrer, que ſi deux rayons R S r ſ émergent de la demi-ſphère tranſparente Α B, fig. 432, en faiſant leurs angles de réfraction S R D ſ r d du même côté, & que l’angle de réfraction ſ r d, ou rayons r ſ, dont le point d’émergence eſt le plus éloigné du point Α, ſoit plus grand que l’angle de refraction S R D du rayon S R, ces deux rayons émergens ſeront convergens, parallèles ou divergens entr’eux au ſortir de la ſphère, ſuivant que l’angle R C r au centre de la ſphère ſera plus petit, égal ou plus grand que la différence des angles de réfraction ; & ſi, au contraire, l’angle de réfraction du rayon dont le point d’émergence eſt le plus éloigné du point Α, eſt le plus petit, les deux rayons émergens ſeront toujours divergens entr’eux. D’où il s’enſuit que ſi des rayons parallèles tombent ſur