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dix-huit degrés ; & ſi le verre ou le miroir eſt un ſegment d’une plus petite ſphère, ſa largeur ne doit pas être de plus de trente ; parce que le foyer contiendroit un eſpace trop grand, ſi le miroir étoit plus étendu : ce qui eſt vérifié par l’expérience.

La ſurface d’un miroir, qui eſt un ſegment d’une plus grande ſphère, reçoit plus de rayons que la ſurface d’un plus petit : donc, ſi la largeur de chacun contient un arc de dix-huit degrés, ou même plus ou moins, pourvu que le nombre de degrés ſoit égal, les effets du plus grand miroir ſeront plus grands que ceux du plus petit ; & comme le foyer eſt vers la quatrième partie du diamètre, les miroirs qui ſont des ſegmens de plus grande ſphère, brûlent à une plus grande diſtance que ceux qui ſont des ſegmens d’une plus petite ſphère : ainſi, puiſque l’action de brûler dépend de l’union des rayons, & que les rayons ſont réunis, étant réfléchis par une ſurface concave ſphérique quelle qu’elle puisse être, il n’eſt pas étonnant que même les miroirs de bois doré, ou ceux qui ſont faits d’autres matières, puiſſent brûler. Zahn rapporte, dans ſon livre intitulé, Oculus artificialis, que l’an 1699 un certain Neumann fit à Vienne un miroir ardent de carton, & que ce miroir avoit tant de force qu’il liquéfioit tous les métaux.

Les miroirs ardens d’Archimède & de Proclus ſont célèbres parmi les anciens. Par leur moyen, Archimède, dit-on, brûla la flotte des Romains qui aſſiégeoient Syracuſe, ſous la conduite de Marcellus, ſelon le rapport de Zonare, de Galien, d’Eustathe, &c. & Proclus fit la même choſe à la flotte de Vitalien qui aſſiégeoit Byſance, ſelon le rapport du même Zonare. Cependant, quelque atteſtés que ſoient ces faits, ils ne laiſſent pas d’être ſujets à de fort grandes difficultés. Car la diſtance du foyer d’un miroir concave eſt au quart de ſon diamètre : or, le père Kircher paſſant à Syracuſe, & ayant examiné la diſtance à laquelle pouvoient être les vaiſſeaux des Romains, trouva que le foyer du miroir d’Archimède étoit au moins à trente pas ; d’où il s’enſuit que le rayon du miroir devoit être fort grand. De plus, le foyer de ce miroir devoit avoir peu de largeur. Ainſi, il paroît difficile, ſelon pluſieurs auteurs, que les miroirs d’Archimède & ceux de Proclus puſſent avoir l’effet qu’on leur attribue.

L’hiſtoire d’Archimède deviendra encore difficile à croire, ſi on s’en rapporte au récit pur & ſimple que nous en ont donné les anciens. Car, ſelon Diodore, ce grand géomètre brûloit les vaiſſeaux des Romains à la diſtance de trois ſtades ; &, ſelon d’autres, à la diſtance de 3 000 pas. Le père Cavalieri, pour ſoutenir la vérité de cette hiſtoire, dit, que ſi des rayons réunis par la ſurface d’un miroir concave ſphérique, tombent ſur la concavité d’un connoïde parabolique tronqué, dont le foyer ſoit le même que celui du miroir ſphérique, ces rayons réfléchis parallèlement à l’axe de la parabole, formeront une eſpèce de foyer linéaire ou cylindrique. M. Dufay ayant voulu tenter cette expérience, y trouva de grandes difficultés ; le petit miroir parabolique s’échauffe en un moment, & il eſt preſque impoſſible de le placer où il doit être. D’ailleurs, l’éclat de ces rayons réunis qui tombent ſur le miroir parabolique, incommode extrêmement la vue.

M. Deſcartes a attaqué dans ſa dioptrique l’hiſtoire d’Archimède : il y dit poſitivement, que ſi l’éloignement du foyer eſt à la largeur du verre ou du miroir, comme la diſtance de la terre au ſoleil eſt au diamètre du ſoleil (c’eſt-à-dire environ comme 100 est à 1), quand ce miroir ſeroit travaillé par la main des anges, la chaleur n’en ſeroit pas plus ſenſible que celle des rayons du ſoleil, qui traverſeroient un verre plan. Le pere Niceron ſoutient la même opinion. Voici ſa preuve. Il convient que les rayons qui partent d’une portion du diſque du ſoleil égale au verre ou au miroir qu’on y expoſe, ſeront exactement réunis à son foyer, s’il eſt elliptique ou parabolique : mais les rayons qui partent de tous les autres points du diſque du ſoleil, ne peuvent êtres réunis dans le même point, & forment autour de ce point une image du diſque du ſoleil, proportionnée à la longueur du foyer du verre. Lorſque ce foyer eſt très-court, c’eſt-à-dire, fort près du verre, l’image du ſoleil eſt fort petite ; preſque tous les rayons paſſent ſi proche du foyer, qu’ils ſemblent ne faire qu’un point lumineux : mais à meſure que le foyer s’éloignera l’image s’agrandira par la diſperſion de tous ſes rayons qui ne partent pas du centre du ſoleil, que je ſuppoſe répondre directement au foyer du miroir, & par conſéquent cet amas de rayons, qui étant réunis dans un très-petit eſpace, faiſoient un effet conſidérable, n’en fera pas plus que les rayons directs du ſoleil, lorſque l’éloignement du foyer ſera tel qu’ils ſeront auſſi écartés les uns des autres, qu’ils l’étoient avant que de rencontrer le verre. Ainſi parle le P. Niceron.

Cela peut être vrai, dit M. Dufay ; mais eſt-il ſûr que les rayons qui viennent d’une portion du diſque du ſoleil égale à la ſurface du verre, étant réunis au foyer, ne ſuffiſent pas pour brûler indépendamment des autres ? M. Dufay reçut ſur un miroir plan d’un pied en quarré l’image du ſoleil, & la dirigea de façon qu’elle allât tomber ſur un miroir ſphérique concave aſſez éloigné, qui réuniſſoit à ſon foyer tous les rayons qu’il recevoit parallèles ou preſque parallèles ; & ces rayons devoient allumer quelque matière combuſtible ; le miroir ſphérique a été porté à la diſtance de 600 pieds, & ſon foyer a encore été brûlant. Cependant le miroir plan qui recevoit le premier les rayons du ſoleil, étoit aſſez petit pour ne recevoir