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de rayons parallèles que d’une petite partie de ſa ſurface ou de ſon diſque ; les inégalités inévitables de la ſurface du miroir faiſoient perdre beaucoup de rayons ; ceux qui portoient l’image du ſoleil du miroir plan ſur le miroir concave étoient ſi divergens, que cette image étoit peut-être dix fois plus grande & plus foible ſur le concave que ſur le plan ; & par conſéquent ces rayons étoient fort éloignés du paralléliſme ; enfin, ils étoient affaiblis par deux réflexions conſécutives. Il paroît par-là que les rayons du ſoleil, tels qu’ils ſont répandus dans l’air, conſervent une grande force, malgré un grand nombre de circonſtances déſavantageuſes ; & peut-être, ajoute M. Dufay, ſeroit-il permis d’appeler du jugement que Deſcartes a porté contre l’hiſtoire d’Archimède. Il est vrai qu’afin qu’un miroir fût capable de brûler à une grande diſtance, il faudroit, s’il étoit parabolique, que la parabole fût d’une grandeur énorme & impraticable, puiſque la paramètre de cette parabole devroit être quadruple de cette diſtance ; & ſi le miroir étoit ſphérique, ſon rayon devroit être double de cette diſtance ; & de plus, ſon foyer auroit beaucoup d’étendue. Mais l’expérience de M. Dufay prouve qu’on peut porter avec un miroir plan à une aſſez grande diſtance l’image du ſoleil, dont les rayons ſeront peu affoiblis ; & ſi pluſieurs miroirs plans étoient poſés ou tournés de façon qu’ils portaſſent cette image vers un même point, il ſe pourroit faire en ce point une eſpèce de foyer artificiel qui auroit de la force. Ce fut ainſi, au rapport de Tzetzès, poète Grec, mais fort poſtérieur à Archimède, que ce célèbre mathématicien brûla les vaiſſeaux des Romains. Ce poète fait une deſcription fort détaillée de la manière dont Archimède s’y prit pour cela. Il dit que ce grand géomètre diſpoſa les uns auprès des autres pluſieurs miroirs plans, dont il forma une eſpèce de miroir polygone à pluſieurs faces ; & que par le moyen des charnières qui uniſſoient ces miroirs, il pouvoit leur faire faire tels angles qu’il vouloit ; qu’il les diſposa donc de manière qu’ils renvoyaſſent tous vers un même lieu l’image du ſoleil, & que ce fut ainſi qu’il brûla les vaiſſeaux des Romains. Tzetzès vivoit dans le douzième ſiècle ; & il pourroit ſe faire que Proclus, qui vivoit dans le cinquième, eût employé une méthode ſemblable pour détruire la flotte de Vitalien. M. de Buffon, de l’académie royale des ſciences de Paris, vient d’exécuter ce que Tzetzès n’avoit fait que raconter ; ou plutôt, comme il n’en avoit aucune connoiſſance, il l’a exécuté d’une manière différente. Il a formé un grand miroir compoſé de pluſieurs miroirs plans d’environ un demi-pied en quarré ; chacun de ces miroirs eſt garni par derrière de trois vis, par le moyen deſquelles on peut, en moins d’un quart d’heure, les diſposer tous de manière qu’ils renvoyent vers un ſeul endroit l’image du ſoleil. M. de Buffon, par le moyen de ce miroir compoſé, a brûlé à 200 pieds de diſtance ; & par cette belle expérience, a donné un nouveau degré de vraiſemblance à l’hiſtoire d’Archimède, dont la plupart des mathématiciens doutoient depuis le jugement de Deſcartes. On pourra, ſelon toutes les apparences, brûler, encore plus loin avec des glaces plus polies, & perfectionner de plus en plus une invention ſi curieuſe, ſi utile même, & à laquelle les phyſiciens ne ſauroient trop s’intéreſſer. Voyez les Mémoires de l’Acad. 1747.

Les plus célèbres miroirs ardens parmi les modernes, ſont ceux de Septala, de Villette, de Tſchirnhauſen. Le miroir ardent de Manfredus Septala, chanoine de Milan, étoit un miroir parabolique, qui, ſelon Schot, mettoit le feu à des morceaux de bois, à la diſtance de 15 à 16 pas. Le miroir ardent de Tſchirnhauſen égale au moins le miroir de Septala pour la grandeur & pour l’effet. Voici ce qu’on trouve ſur ce ſujet dans les Acta eruditorum de Leipſic.

Ce miroir allume du bois vert en un moment ; enſorte qu’on ne peut éteindre le feu en ſoufflant violemment deſſus.

2o. Il fait bouillir l’eau, enſorte qu’on peut très-promptement y faire cuire des œufs ; & ſi on laiſſe cette eau un peu de temps au foyer, elle s’évapore.

3o. Il fait fondre en un moment un mélange d’étain & de plomb de trois pouces d’épais : ces métaux commencent à fondre goutte à goutte, enſuite ils coulent continuellement, & en deux ou trois minutes la maſſe eſt entièrement percée. Il fait auſſi rougir promptement des morceaux de fer ou d’acier, & peu après il s’y forme des trous par la force du feu. Une lame de ces métaux fut percée de trois trous en ſix minutes. Le cuivre, l’argent, &c. ſe liquéfient auſſi quand on les approche du foyer.

4o. Il fait auſſi rougir, comme le fer, les matières qui ne peuvent fondre, comme la pierre, la brique, &c.

5o. Il blanchit l’ardoiſe en un moment, & enſuite il la rend comme un verre noir aſſez beau ; & ſi on tire avec une tenaille une partie de l’ardoiſe lorſqu’elle eſt blanchie, elle ſe change en filets de verre.

6o. Il change les tuiles en verre jaune, & les écailles en verre d’un jaune noirâtre.

7o. Il fond en verre blanc une pierre ponce, tirée d’un volcan.

8o. Il vitrifie en huit minutes un morceau de creuſet.

9o. Il change promptement des os en un verre opaque, & de la terre en verre noir.