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BAL

ſurprenante, à environ 1 200 pieds ; car il fut vu de la ville, qui eſt éloignée au moins de huit milles de l’endroit d’où on avoit fait l’expérience, & la barque circulaire dans laquelle étoient les voyageurs, quoique du diamètre d’environ dix pieds, n’étoit plus viſible. On perdit enſuite de vue l’aéroſtat.

Voyant enſuite qu’un vent qui s’élevoit portoit leur machine vers les collines voiſines du mont de Brianza, qui ſont d’un difficile accès, & s’appercevant d’un autre côté que la proviſion de matières combuſtibles manquoit, ils jugèrent qu’il étoit convenable de deſcendre : c’eſt pourquoi ils diminuèrent le feu, & au moyen d’un porte voix, ils avertirent la multitude d’approcher, pour faciliter leur deſcente ; la machine en deſcendant vint ſe repoſer ſur un gros arbre ; mais le feu ayant été ranimé, & la machine s’étant ſuffiſamment relevée au-deſſus de cet arbre, on ſaiſit enſuite les cordes qui pendoient de l’aéroſtat pour l’abaiſſer juſqu’à terre. MM. Andreani & Gerli étant deſcendus, la machine ſe trouva allégée d’un poids conſidérable, & l’on fut obligé d’employer des forces pour la retenir, & on la conduiſit ainſi juſqu’au lieu même d’où on étoit parti.

Cet aéroſtat demeura en l’air environ vingt minutes, l’eſpace qu’il parcourut horiſontalement ne fut que d’un quart de mille, & il n’éprouva pas le plus léger dommage. Il auroit été à déſirer que cette machine eût eu au moins 80 pieds de diamètre, & qu’on eût ſupprimé l’encadrement ſolide qu’on reconnut n’avoir preſque aucun avantage, & ſurcharger de beaucoup la machine. Le poids total de cet aéroſtat étoit d’environ 1 500 livres, gros poids de Milan ; la toile avec le papier collé, les cordes qui la défendoient en dehors peſoient 680 livres ; le bois du chapiteau, la zône du milieu, & l’encadrement de l’embouchure 246 livres ; la barque 110 livres ; la proviſion de bitume & de bois 120 livres ; le réchaud 30 ; les autres acceſſoires 168 livres, & les trois voyageurs 254 livres. Ainſi, comme la force ou le poids de l’air déplacé par la machine étoit de 5 378 livres, il en réſultoit, ſelon M. Caſtelli, que la raréfaction cauſée par la vive chaleur, ne pouvoit être au plus que du tiers de l’air commun ; le réchaud étoit porté ſur un pivot à la cardan, tel que ceux employés pour les bouſſoles des vaiſſeaux.

8o. Expérience faite à Paris au champ de Mars, lemars 1784, avec un globe en taffetas de 26 pieds de diamètre, plein d’air inflammable. M. Blanchard s’étoit occupé depuis un grand nombre d’années d’un projet qui parut ridicule aux yeux des gens éclairés, celui de faire un bateau volant par le ſeul ſecours de la mécanique. Voyez l’article Voler dans l’air. Car il eſt reconnu que le poids d’un homme & celui du vaiſeau qui devoit le porter, étoit de nature à exiger des ailes d’une étendue & d’un développement ſi conſidérables, que l’uſage & la manœuvre en devenoient impraticables. Écoutons M. Joſeph Mongolfier. « Pluſieurs, dit-il, ont eſſayé de naviger dans l’air ; mais comme la réſiſtance qu’oppoſe ce dernier fluide esſ environ huit cent fois moins conſidérable que celle de l’eau, ces moyens ont dû paroître plus difficiles. On avoit bien l’exemple des oiſeaux, mais en comparant leur force & leur peſanteur à la force & à la peſanteur de l’homme, il réſulte de ce calcul que le moyen employé par ces animaux n’est pas en notre pouvoir, le créateur ne nous ayant pas pourvus d’une force phyſique ſuffisante, pour nous néceſſiter peut-être à faire un plus grand uſage de l’intelligence dont il nous a doués. En effet la force de l’homme le plus robuſte ne s’étend pas à plus de cent livres, avec une vîteſſe d’un pied par ſeconde & encore ne pourroit-il pas continuer cet effort au-delà de quelques minutes. Or une pareille force ne peut balancer celle de ſa peſanteur, qui l’attirera vers la terre avec une force de cent cinquante livres, parcourant près de quinze pieds dans la première ſeconde ; & ſi l’on ajoute le poids des ailes qui ſeroit néceſſairement très-conſidérable, vu la grande envergure à laquelle néceſſite le peu de réſiſtance de l’air, l’épaiſſeur des leviers à raiſon de leur longueur & de l’effort qu’ils subiſſent, on n’a pu enviſager cette navigation aérienne que sous un point de vue bien décourageant. » Diſcours à l’Académie de Lyon.

M. Blanchard, forcé d’abandonner ſes anciens projets, ſe détermina à répéter les expériences qu’on avoit faites quelques mois auparavant, ſoit au champ de Mars, ſoit aux Tuileries. L’expérience eut lieu le 2 mars 1784 au milieu d’un concours immenſe de ſpectateurs, & ce voyageur partit avec une intrépidité ſans égale. Son globe, vu de l’obſervatoire royal, parut, à midi 35 minutes, avoir 16 degrés & demi de hauteur, ſelon M. Caſſini. À 1 heure trois minutes ſon diamètre ſuppoſé de 26 pieds paroiſſoit ſous un angle de 11 minutes 50 ſecondes, ce qui ſuppoſe sa diſtance de 1 259 toiſes, & ſa hauteur étoit de 52 degrés, ce qui donne 992 toiſes d’élévation. À une heure trois quarts il deſcendit dans la plaine de Billancourt, après avoir traverſé pluſieurs fois la riviere, eſſuyé pendant quelque temps des calmes & s’être trouvé dans divers courans à différentes hauteurs qui le pouſſoient tantôt dans un ſens, tantôt dans un autre. La réponſe que M. Blanchard fit le 12 mars 1784, nous paroît trop peu conformes aux principes de la phyſique pour en rapporter aucun détail.