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BAL
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pouvoit porter que quatre ; on ne put, par aucun moyen, déterminer perſonne à deſcendre. La machine partit donc, se dirigeant du côté du Rhône ; mais étant en mauvais état, et y ayant du danger de s’approcher trop du fleuve, on augmenta de nouveau le feu : l’aéroſtat s’éleva alors avec vîteſſe, & pouſſé par un air de vent, il tourna ſubitement de l’eſt à l’oueſt ; faiſant route enſuite du côté de l’eſt-ſud-eſt ; il s’éleva au moins à plus de 500 toiſes ; là il offrit à une foule immenſe de ſpectateurs étonnés le plus frappant & le plus nouveau de tous les ſpectacles. Le vent changea une troiſième fois, & devint ſud ſud oueſt ; mais il étoit ſi foible, que la machine ne dépaſſa pas le bâtiment connu sous le nom de la Loge de la bienfaiſance, au-deſſus duquel elle reſta en ſtation à une grande hauteur, pendant environ quatre minutes, éclairée par les rayons du ſoleil. Ce fut dans cette poſition, & après 15 minutes de marche, qu’une déchirure verticale de 50 pieds dans l’hémiſphère ſupérieure, occaſionnée d’abord par l’effort des cordes qui retenoit la machine, lorſqu’elle partit, enſuite conſidérablement augmentée par le nombre des voyageurs, par le grand poids du leſt, & par le mauvais état des toiles, força l’aéroſtat de deſcendre aſſez rapidement, pour faire craindre ſur le ſort des braves navigateurs aériens ; mais heureuſement que tout ſe paſſa ſans accident.

Les noms de ces voyageurs ſont M. Joſeph de Montgolfier, M. Pilatre de Rozier, M. le comte de Laurencin, M. le comte de Dampierre, M. le prince Charles de Ligne, M. le comte de la Porte d’Anglefort, M. Fontaine. Ces perſonnes, avec le leſt & la machine, formoient un poids de 156 quintaux ; elles reſtèrent en l’air environ quarante minutes. Cette machine contenoit 540 000 pieds cubes de gaz ignée, produit par la combuſtion de 500 livres de bois d’aulne ; il ne fallut que 17 minutes pour remplir parfaitement cette machine énorme, qui préſenta dans l’air, aux yeux de cent mille ſpectateurs, la maſſe la plus impoſante & la plus majeſtueuſe qu’on puiſſe jamais voir.

Qu’il eût été à ſouhaiter qu’on eût exécuté le projet de M. Joſeph de Montgolfier, d’exécuter un aéroſtat de 100 pieds de diamètre en taffetas !

7o. Le quatrième voyage aérien a été fait à Milan. Ce nouvel aéroſtat fut conſtruit aux frais & ſous la direction du chevalier don Paul Andreani, qui s’étoit aſſocié comme coopérateur les frères Auguſtin & Charles-Joſeph Gerli. M. l’abbé Charles Caſtelli en a fait une deſcription dans une lettre, dont nous extrairons ce qu’il y a d’eſſentiel. Cette machine, exécutée ſuivant les principes de MM. de Montgolfier, c’eſt-à-dire, avec l’air raréfié, étoit de forme ſphérique, d’un diamètre de 66 pieds de Paris ; l’enveloppe étoit compoſée d’une ſimple toile (tela rovana), revêtue en dedans d’un papier à lettre très-fin.

Les parties ſolides qui entroient dans la conſtruction de la machine, conſiſtoient en une ſimple zône en bois, établie horiſontalement au milieu & dans l’intérieur du globe, en un cercle de bois du diamètre de 13 pieds, poſé vers l’orifice qui terminoit la ſphère, & en un chapiteau de bois établi dans la partie ſupérieure auquel on avoit fixé un anneau de fer ; du haut du chapiteau, & le long des coutures qui compoſoient les fuſeaux de la ſphêre, deſcendoient pluſieurs groſſes cordes deſtinées à ſoutenir l’encadrement de la bouche inférieure ; & de ces cordes, qui étoient unies aux toiles mêmes, partoient d’autres cordes moins conſidérables, croiſées en forme de filet dans l’intention de tenir le globe dilaté, & ces cordes étoient couſues à la toile même.

Le braſier ou le récipient deſtiné à recevoir les matières combuſtibles, étoit placé à l’embouchure de l’ouverture ; il étoit en cuivre, du diamètre d’environ ſix pieds, & il étoit ſoutenu par quelques traverſes de bois qui partoient du dehors de l’encadrement de l’embouchure. M. Andreani crut ne devoir placer le réchaud, contre l’uſage ordinaire, que très-peu au-deſſus de l’ouverture du globe ; il s’étoit apperçu, conformément à la théorie, que l’activité du feu étoit proportionnée à celle de l’air qui pouvoit entrer pour l’alimenter ; au lieu d’une galerie, on ſubſtitua une ample corbeille circulaire, qui fut ſuſpendue par des cordes à l’encadrement de l’orifice du globe, à une telle diſtance cependant, qu’on pouvoit fournir avec la main les matières combuſtibles, ſans trop reſſentir l’effet de la chaleur.

Après quelques eſſais faits en particulier, le 25 février 1784, vers environ midi, on alluma de nouveau le feu ſous la machine, d’abord avec du bois de bouleau bien ſec, enſuite avec une pâte de matières bitumineuſes, ingénieuſement combinée par un des frères Gerli ; en moins de 4 minutes, la machine fut entièrement gonflée, & les perſonnes qui tenoient quelques-uns des gros cables, s’apperçurent auſſi-tôt qu’elle faiſoit effort pour s’élever ; on ſouleva enſuite ſuffiſamment l’aéroſtat pour donner une plus grande liberté à l’air, & augmenter la force d’aſcenſion. Alors les trois voyageurs montèrent dans leur barque circulaire.

La machine fut à peine abandonnée, qu’elle s’éleva avec lenteur en ſe dirigeant horiſontalement du côté d’un palais voiſin ; mais le feu ayant été augmenté à deſſein d’éviter cet obſtacle, l’aéroſtat s’éleva avec une grande rapidité à une hauteur