Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/486

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48.*
BAL

ils n’obtinrent avec deux rames que 22 degrés de déclinaiſon. « Il eſt cependant ſûr que ſi nous avions eu la jouiſſance de nos quatre rames, nous en aurions pu obtenir environ 40 ; & comme notre machine auroit été aſſez conſidérable pour porter ſept perſonnes, il auroit donc été facile de monter cinq, de faire agir 8 rames, & d’obtenir à peu près 80 degrés. Nous obſervons que ſi nous avons dérivé de 22 degrés, c’eſt parce que le vent ne nous faiſoit faire que 8 lieues par heure ; & il eſt naturel de juger que ſi la vîteſſe du vent eût été double, nous n’aurions décliné que de la moitié. Par la raiſon inverſe, ſi le vent eût eu le double moins de vîteſſe, notre déclinaiſon eût été plus grande en raiſon proportionnelle… Quoique nos machines aéroſtatiques aient paru très-grandes, elles ne ſont cependant pas la moitié de ce qu’elles devroient être relativement à l’avantage qu’il en réſulteroit. Par exemple, une machine double de la nôtre, qui auroit par conſéquent 86 pieds de long ſur 52 de petit diamètre, n’offriroit que le quadruple de ſurface réſiſtante ; & au lieu de ſept perſonnes que pouvoit porter notre machine, elle en porteroit 56 ; or on peut juger quel ſeroit leur force employée ».

Euler a trouvé qu’un grand globe de 100 pieds devoit s’élever avec une vîteſſe de 41 pieds par ſeconde.

13o. Aéroſtat de Dijon. Les préparatifs pour un voyage aéroſtatique ayant été faits à Dijon depuis quelques temps, ainſi que différentes expériences relatives à cet art, par M. de Morveau & pluſieurs autres académiciens de cette ville, le 25 avril 1784 fut choiſi pour celui du départ. Le vent étant devenu ſi fort & tourbillonnant, preſque à l’inſtant où M. de Morveau & l’abbé Bertrand montèrent dans le char, qu’ils furent obligés de jeter une grande partie du leſt, pour vaincre la réſiſtance que ce vent leur oppoſoit, & pour obtenir une force d’aſcenſion ſuffiſante. À peine ces aéronautes eurent-ils dépaſſé la hauteur des toits de l’égliſe près de laquelle ils s’étoient élevés, que leur aſcenſion devint ſi rapide, qu’ils ne virent plus le clocher qu’en plongeant, & fort au-deſſous d’eux.

La forme de leur ballon ne leur annonçant alors qu’une très-forte dilatation occaſionée à la fois par la chaleur du ſoleil & la diminution de denſité de l’air environnant, ils firent jouer les deux ſoupapes ; mais elles ne ſuffirent pas à écouler le fluide, & le ballon s’ouvrit de la longueur de 7 à 8 pouces dans la partie inférieure, tout près de l’appendice : ils ſe trouvèrent enſuite dans un calme au point de ſe regarder comme ſtationnaires ; mais peu après, ils s’apperçurent bientôt qu’ils étoient déjà loin de la ville.

Ils étoient partis à 4 heures 58 minutes, & le baromètre, lorſqu’ils quittèrent terre, étoit à 27 pouces 6 lignes, & le thermomètre à 11 degrés au-deſſus de zéro ; le vent à l’oueſt. Mais à cinq heures cinq minutes ils paſsèrent ſur un village, qu’ils ne connurent pas, où ils laiſsèrent tomber un billet attaché à une pelotte remplie de ſon, portant banderole, lequel annonçoit qu’ils ſe trouvoient très-bien, que le baromètre étoit à 20 pouces 9 lignes, le thermomètre à 1 degré au-deſſous de zéro ; l’hygromètre à 24 degrés de l’échelle de l’abbé Copineau. Ces navigateurs laiſsèrent tomber deux autres billets, mais écrits au crayon, le froid ne leur permettant plus de tenir la plume : à 5 heures 11 minutes il étoit à 3 degrés au-deſſous de zéro, c’eſt-à-dire, qu’il étoit deſcendu de 14 degrés depuis le départ. Cette augmentation de froid eſt un preuve qu’ils s’étoient beaucoup élevés depuis la dernière obſervation du baromètre ; en effet, ils le virent à 18 pouces 10 lignes. En comptant avec MM. Caſſini & Maraldi dix toiſes pour chaque ligne d’abaiſſement au bord de la mer, avec la progreſſion d’un pied par ligne, on trouve que cet aéroſtat s’eſt élevé à 2 106 toiſes au-deſſus du niveau de la mer ; & ſuivant la règle de M. de Luc, cet abaiſſement du mercure indique ſeulement une élévation de 1 644 toiſes, dont il faut en retrancher neuf pour la correction de l’effet de la chaleur.

On obſerva à une montre à ſecondes la chute d’un des billets dont on vient de parler ; il fut ſans doute ſoutenu par le ruban flottant ; car quoi qu’il tombât aſſez perpendiculairement, 57 ſecondes s’écoulèrent avant qu’il touchât terre. Il eſt poſſible que les aéronautes l’aient perdu de vue avant qu’il ait réellement touché terre ; mais cela devient aſſez indifférent, puiſqu’il n’eſt pas question d’appliquer ici la règle de la chute des graves, qui donneroit déjà 48 735 pieds pour les 57 ſecondes.

Le froid vif leur ſaiſit les oreilles, & c’eſt la ſeule incommodité qu’ils éprouvèrent, effet qui eſt arrivé à d’autres voyageurs aériens. Ils virent une mer de nuages qui couloient au-deſſous d’eux ; le ſoleil commençant à baiſſer, ils eurent le ſpectacle d’une ſuperbe parélie ; c’eſt à ſix heures que le ſoleil n’étant qu’à la hauteur de dix degrés au-deſſus de l’horiſon, un ſecond ſoleil vint ſe placer tout à coup à 6 degrés à peu près du premier ; il étoit compoſé de pluſieurs cercles concentriques, diſpoſés ſur un fond d’une blancheur éblouiſſante, & les circonférences de ces cercles étoient nuancées de pluſieurs couleurs foibles comme un arc-en-ciel qui s’efface.

S’appercevant dans ce temps-là que la partie inférieure du ballon s’applatiſſoit, & qu’il étoit à propos de choiſir le lieu de deſcente, ils jugèrent qu’ils n’étoient pas loin de la ville d’Auxonne. Alors ils prirent la réſolution de faire