Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50.*
BAL
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

ſans y laiſſer appercevoir aucune trace ſenſible. Ces alternatives preſque ſubites de condenſation & de raréfaction, nous paroiſſent mériter la plus grande attention. M. Champy, notre confrère, avoit placé dans la gondole, au moment de notre départ, un inſtrument deſtiné à nous en avertir ; c’eſt un ſyphon à trois branches, dont la première, preſque capillaire, communique, par le moyen d’un robinet à une veſſie pleine d’air ; la ſeconde, bien plus groſſe, contient une liqueur colorée, qui s’élève & s’abaiſſe à meſure que l’air de la veſſie eſt raréfié ou condenſé, & la planche ſur laquelle elle eſt fixée, porte des diviſions en lignes & pouces cubes, ou parties aliquotes de la capacité connue de la veſſie. Cet inſtrument très-ſenſible peut devenir très-avantageux ; mais nous croyons que, pour ſuivre exactement les variations du ballon, il faut le placer de manière qu’il ſoit dans la même poſition par rapport à l’impreſſion des rayons du ſoleil, & ſur-tout que l’air ſoit de même nature & renfermé dans la même matière ». Il fut impoſſible aux navigateurs de manœuvrer pendant tout le temps que dura cette nouvelle dilatation.

Arrivés ſur les carrières de Dromont, on laiſſa tomber un billet attaché à une pelotte, qui pouvoit peſer deux onces, portant banderole ; il étoit 9 heures 17 minutes, le baromètre à 23 pouces 5 lignes, & le thermomètre à 18 degrés ; la chute de la pelote juſqu’à terre, où on la revit après qu’elle fut arrêtée, fut de 37 ſecondes ; à 9 heures 45 minutes ils deſcendirent près du village d’Étevaux : ils étoient alors tellement en équilibre, que le moindre ſouffle les auroit fait courir à terre comme s’ils euſſent gliſſé. Pour ſe fixer, on pria un des habitants qui étoient accourus, & qui avoit en bandoulière une groſſe chaîne de fer, de la prêter pour charger quelques inſtans la gondole ; d’autres donnèrent leurs ſabots, & on commença à gagner aſſez de poids pour reſter immobile ; une perſonne prit le cordeau de l’ancre, & on remorqua la machine qui reſtoit élevée à quelques pieds de terre. À peine eurent-ils mis pied à terre, qu’ils eurent la ſatisfaction de voir arriver ſucceſſivement pluſieurs de leurs amis de Dijon qui les avoient ſuivi à cheval à travers les champs & les bois, & qui furent bien étonnés d’apprendre qu’ils n’étoient qu’à quatre lieues & demie de Dijon, en ayant fait neuf ou dix : la machine revint enſuite à la remorque dans cette ville. Voyez le procès verbal de ces expériences contenu dans l’ouvrage intitulé : Deſcription de l’aéroſtat de l’académie de Dijon.

L’aéroſtat de Dijon avoit un diamètre de 27 pieds ſur la ligne verticale, & de 27 pieds 4 pouces de diamètre pris horiſontalement. Ainſi le grand cercle moyen de ce ſphéroïde

étoit de 85 347 pieds.carrés
ſa ſurface de 2 318 593 pieds carrés.
& ſa capacité de 10 498 074 pieds cubes.

On employa du meilleur taffetas, qu’on nomme gros de Florence ou taffetas d’Italie à trois bouts ; on le couvrit d’un vernis, dont on a donné la compoſition dans cet article aéroſtat, paragraphe de la conſtruction de ces machines.

15o. De l’aéroſtat de Boulogne. Comme un françois avoit déjà fait, par la route des airs, un voyage d’Angleterre en France, M. Pilatre de Rozier voulut en faire un ſecond de Boulogne à Londres avec un aéroſtat. Mais après s’être élevé à une aſſez grande hauteur avec M. Romain, on les vit bientôt tomber, & faire ainſi naufrage preſque ſans être ſorti du port. Cet événement terrible & malheureux jeta la conſternation dans tous les eſprits, & ceux qui n’étaient pas phyſiciens l’attribuèrent aux principes aéroſtatiques, qu’ils ne regardoient pas comme ſûrs, plutôt qu’à une fauſſe combinaiſon de moyens peu faits pour être aſſociés. Arrêtons-nous un inſtant ſur cet objet.

Quelle eſt la cauſe qui a fait périr, non comme Icare dans les flots de la mer, mais ſur la terre où la gloire l’attendoit, Pilatre de Rozier, cet aéronaute, qui le premier avoit oſé, ſoutenu par les aîles puiſſantes des Montgolfier, ſe frayer une route dans les plaines de l’air ? Après trois voyages faits avec le plus grand ſuccès, il périt victime de ſon zèle & digne d’un meilleur ſort. Ce funeſte événement ne doit point être attribué à l’art aéronautique, dont les moyens ſont ſûrs par eux-mêmes, ainſi que l’atteſtent plus de ſoixante voyages aériens exécutés ſans accident.

M. Pilatre de Rozier, ce premier martyr de la ſcience aéronautique, avoit imaginé de réunir dans une ſeule expérience les deux moyens employés juſqu’alors ſéparément pour naviguer dans les airs. Il ſuſpendit donc à un aéroſtat à gaz inflammable une montgolfière ou aéroſtat à air raréfié : la gondole qui le portoit avec M. Romain, ou plutôt la galerie dans laquelle ils étoient, avoit été fixée en bas à l’ordinaire.

Quelle pouvoit avoir été l’idée de cet aéronaute, en combinant ainſi deux aéroſtats d’eſpèce différente ? Il eſt aſſez difficile de le ſavoir avec certitude, parce qu’il avoit fait une eſpèce de myſtère de ſes motifs, & de la conſtruction particulière qu’il avoit employée. Je préſume qu’il avoit voulu, en faiſant du feu dans la montgolfière, en l’augmentant plus ou moins, ou en le diminuant dans différentes proportions, s’élever à une hauteur plus conſidérable par l’addition d’une nouvelle force aſcenſionnelle, ou s’abaiſſer à volonté ; de cette manière, il n’étoit pas obligé de jeter du leſt pour s’élever, ni de laiſſer échapper du gaz inflammable pour deſcendre : car ces deux moyens, qui ſont d’un uſage facile, ſont très-vicieux en eux mêmes, comme on s’en apercevroit bientôt dans un voyage qui ne ſeroit pas très-court, ainſi que l’ont été