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AIM
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Pour donner aux deux barres ainſi trempées la vertu magnétique, on place la première horiſontalement entre deux autres barres magnétiques, ſur une ligne, en obſervant entr’elles l’oppoſition des pôles. On place de même la ſeconde barre entre deux autres, ſur une ſeconde ligne parallèle à la première, ayant ſoin de laiſſer entre ces deux lignes quelques pouces de diſtance, ſelon la groſſeur des barres, & que le pôle nord de la première de ces lignes de barres ſoit vis-à-vis le pôle ſud de la ſeconde. Après on unit ces deux lignes parallèles par deux contacts de fer, qu’on met aux deux extrémités.

Les choſes étant ainſi diſpoſées, on ſe ſert du faiſceau de barres de M. Michell, qu’on fait paſſer ſucceſſivement & pluſieurs fois, en le tenant perpendiculairement ſur les deux ſurfaces de chacune des deux lignes parallèles que, pour cet effet, on retourne pluſieurs fois, ſans néanmoins déranger l’ordre des pôles de ces barres magnétiques, & on a attention de préſenter le faiſceau ſur la ſurface des lignes, de façon que l’ordre des pôles ſe trouve d’accord avec les pôles des barres magnétiques qui compoſent les deux lignes. Enſuite, ſans déſaſſembler les lignes, on doit employer la méthode que M. Anthéaume a propoſée dans ſon mémoire. De cette manière, on parviendra à communiquer très-promptement, à ces fortes barres non recuites, la plus grande vertu magnétique. Mém. ſur les aimans artificiels, par M. Anthéaume.

Méthode de M. Trullard. Les phyſiciens ſavent qu’une barre de fer, placée dans une certaine ſituation, & dirigée à-peu-près vers le pôle du monde, dans le méridien magnétique, donne quelques ſignes d’une vertu attractive. Je pris, dit ce phyſicien, une barre de fer au haſard, d’environ ſix pieds ſur un pouce d’équarriſſage ; l’ayant fixée, par ſon centre de gravité, ſur le genou d’un graphomètre, pour pouvoir l’incliner à volonté, je la dirigeai par le moyen d’une bouſſole dans le méridien magnétique, & ſous un angle d’environ 45 degrés avec l’horiſon. Comme elle ne donnoit encore aucun ſigne de magnétiſme, j’eſſayai de varier l’inclinaiſon, & enſuite la poſition de ſon vertical, mais ce fut d’abord ſans fruit. Après un long tâtonnement, il ſe trouva enfin une ſituation dans laquelle cette barre de fer ſoutint d’elle-même environ deux livres ou la dixième partie de ſon poids, par l’attraction magnétique ; mais elle n’étoit point capable d’aimanter d’autres corps, & ſa vertu même ſe perdoit par le plus léger déplacement. Je voulus chercher le moyen de pouvoir la fixer. Je ſavois que les outils des ſerruriers, ſur leſquels on a coutume de frapper ſouvent, &c., ſemblent avoir été aimantés.

Je choiſis, pour ma nouvelle expérience, une barre d’acier d’environ quinze pouces de long, ſur ſix lignes d’équariſſage, dreſſée, polie & trempée dur ; toutes ces précautions ſont néceſſaires, & ſur-tout celle de prendre du véritable acier ; je vins à bout de lui trouver une ſituation dans laquelle cette barre portoit quatre onces. Ayant fixé une enclume de ſix ou ſept livres, à l’extrémité ſupérieure du barreau, je frappai fortement ſur l’autre extrémité avec un marteau de demi-livre ; enfin, après plus de vingt coups qui avoient paru inutiles, il y en eut un qui aimanta le barreau de maniére à lui faire porter ces quatre onces indifféremment dans toute autre poſition, & hors du méridien magnétique.

Pour augmenter la force de cette barre, M. Trullard prit pluſieurs lames de fleuret de ſolingen, qui ſont d’un bon acier, polies, trempées à bleu, d’environ onze pouces ; il les aimanta chacune ſéparément avec le barreau de la première expérience, qu’il paſſoit d’abord depuis le centre de chaque lame juſqu’à une des extrémités avec le pôle nord, & enſuite depuis le milieu juſqu’à l’autre extrémité avec le pôle ſud, & cela à pluſieurs repriſes différentes. Il forma de la ſorte ſix lames aimantées, dont le pôle nord étoit formé par le pôle ſud du barreau qui avoit été employé à cet effet : chacune de ces lames étoit capable de porter environ deux gros.

Ayant aſſemblé ces lames par faiſceaux & trois à trois, on prit un faiſceau de chaque main, & on aimanta ſix autres lames, toujours en partant du milieu, & conduiſant un faiſceau à droite & un à gauche ; l’un de ces faiſceaux frottoit par ſon pôle nord, & l’autre par ſon pôle ſud, & ils repaſſoient quatre ou cinq fois ſur les mêmes parties. Chacune de ces lames étant ainſi aimantée par ſix autres tout-à-la-fois, acquit plus de force que chacune des ſix premières n’en avoit eue. Ces ſix dernières lames, priſes trois à trois, ſervirent bientôt à aimanter de nouveau les ſix premières ſéparément, qui ſe trouvèrent acquérir chacune beaucoup plus de force qu’elles n’en avoient reçue du premier barreau.

Après une douzaine d’opérations ſemblables, dans chacune deſquelles il y avoit toujours trois lames pour agir à la fois, chaque lame aimantée portoit environ dix fois ſon poids, & ces opérations ainſi répétées conduiſirent au point de ne voir preſque plus d’augmentation de force d’une opération à la ſuivante ; ce qui fit penſer qu’on étoit parvenu au maximum de l’effet poſſible, du moins avec les pièces employées. On paſſa donc à une opération plus efficace.

Les douze lames aimantées ſéparément furent aſſemblées ſix à ſix en deux faiſceaux, qui ſervirent à aimanter onze pièces d’acier courbées en fer-à-cheval, trempées à la glace, dures & polies, de trois pouces de longueur, ſur un pouce de large ; enſorte que la demi-circonférence avoit environ ſept pouces. On commença toujours par le haut de la courbure, en conduiſant tout-à-la-fois l’un des faiſceaux à droite & l’autre à gauche, l’un