Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
AIR

Paſcal fit encore une autre expérience « avec un tube de verre de 46 pieds de haut, ouvert par un bout, & ſcellé hermétiquement par l’autre qu’il remplit d’eau, ou plutôt de vin rouge, pour être plus viſible ; & l’ayant fait élever en cet état, en bouchant l’ouverture, & poſer perpendiculairement à l’horiſon, l’ouverture en-bas étant dans un vaiſſeau plein d’eau, & enfoncée dedans environ d’un pied, en la débouchant le vin du tuyau deſcendoit juſqu’à la hauteur d’environ trente-deux pieds, depuis la ſurface de l’eau du vaiſſeau, à laquelle il demeuroit ſuſpendu, laiſſant au haut du tuyau un eſpace de treize pieds vide en apparence : & en inclinant le tuyau ; comme alors la hauteur du vin du tuyau devenoit moindre par cette inclination, le vin remontoit juſqu’à ce qu’il vînt à la hauteur de trente-deux pieds & enfin, en l’inclinant juſqu’à la hauteur de trente-deux pieds, il ſe rempliſſoit entièrement, en reſſuçant ainſi autant d’eau qu’il avoit rejeté de vin ; enſorte qu’on le voyoit plein de vin, depuis le haut juſqu’à treize pieds près du bas, & rempli d’eau dans les treize pieds inférieurs, parce que l’eau eſt plus peſante que le vin. »

Mais une des preuves les plus déciſives de la peſanteur de l’air, fut l’expérience fameuſe du Puy-de-Dôme, dont Deſcartes donna l’idée à Paſcal, comme il l’atteſte dans une lettre écrite le 11 juin à M. Caſcavi, pour lui en demander le ſuccès. Il s’y plaint de ce que Paſcal ne l’a pas informé lui-même de ſa tentative ſur les montagnes d’Auvergne, dont il dit lui avoir fourni l’idée deux ans auparavant, en l’aſſurant d’avance que le mercure baiſſeroit dans le baromètre, à meſure qu’on s’éleveroit ſur une montagne. Deſcartes attribue ce ſilence de Paſcal aux liaiſons de celui-ci avec M. de Roberval, ſon antagoniſte (R. Deſcartes Epiſtolæ. Ep. 67).

Paſcal, étant à Paris, écrivit à M. Perrier, ſon beau-frère, conſeiller en la cour des aides de Clermont en Auvergne, pour le prier de faire cette expérience. Dans cette lettre, datée du 15 novembre 1647, il lui parle de cette épreuve, comme pouvant ſeule ſuffire pour donner la lumière qu’on cherche, ſi elle peut être exécutée avec juſteſſe. « C’eſt de faire, dit-il, l’expérience ordinaire du vide pluſieurs fois en même jour, dans un même tuyau, avec le même vif-argent, tantôt au bas & tantôt au ſommet d’une montagne élevée, pour le moins, de cinq ou ſix cents toiſes, pour éprouver ſi la hauteur du vif-argent ſuſpendu dans le tuyau, ſe trouvera pareille ou différente dans ces deux ſituations. Vous voyez déjà ſans doute que cette expérience eſt déciſive de la queſtion, & que s’il arrive que la hauteur du vif-argent ſoit moindre au haut qu’au bas de la montagne (comme j’ai beaucoup de raiſons pour le croire, quoique tous ceux qui ont médité ſur cette matière ſoient contraires à ce ſentiment), il s’enſuivra néceſſairement que la peſanteur & preſſion de l’air ſont les ſeules cauſes de cette ſuſpenſion du vif-argent, & non pas l’horreur du vide, puiſqu’il eſt bien certain qu’il y a beaucoup plus d’air qui pèſe ſur le pied de la montagne, que non pas ſur le ſommet, au lieu qu’on ne ſauroit pas dire que la nature abhorre le vide, au pied de la montagne, plus que ſur ſon ſommet. »

M. Perrier étant à Moulins, ne put exécuter cette expérience que l’année ſuivante, le 19 ſeptembre 1648. On la commença ſur les huit heures du matin, dans le jardin des minimes, qui eſt le lieu le plus bas de la ville de Clermont. Premièrement on verſa dans un vaſe ſeize livres de mercure rectifié, & on en remplit deux tubes de verre d’un égal diamètre, & longs de quatre pieds chacun, ſcellés hermétiquement par un bout. L’expérience de Toricelli ayant été faite, le mercure ſe trouva à la même hauteur dans les deux tubes, ſavoir, vingt-ſix pouces trois lignes & demie au-deſſus du niveau de la ſuperficie du mercure ſtagnant dans les vaſes où les tubes avoient été plongés. Le réſultat fut encore le même, après avoir rechargé ces tubes avec le même vif-argent. Cela fait, on fixa un de ces deux tuyaux ſur ſon vaſe, en expérience continuelle, & on marqua ſur le verre la hauteur du mercure. Un obſervateur fut enſuite chargé d’examiner de moment en moment, pendant toute la journée, s’il y ſurvenoit du changement.

M. Perrier, accompagné de pluſieurs perſonnes inſtruites, prit l’autre tuyau & du mercure ; il alla enſuite au haut de la montagne du Puy-de-Dôme, élevée, au-deſſus du jardin des minimes d’environ cinq cents toiſes. Là, il fit les mêmes expériences, & le mercure ne fut trouvé ſe ſoutenir dans le tube, qu’à la hauteur de vingt-deux pouces trois lignes, tandis que, dans le jardin des minimes, il avoit reſté à 26 pouces 3 ½ lignes, la différence étant de 4 pouces ½ ligne. Cette expérience fut répétée avec le même ſuccès, pendant cinq fois, à divers endroits de la montagne, ayant à chaque fois purgé très-ſoigneuſement d’air le tuyau.

En deſcendant de la montagne, M. Perrier refit en chemin la même expérience, toujours avec le même tube, le même vif-argent ; &, dans cet endroit intermédiaire, appelé Lafon-de-l’arbre, il trouva le mercure ſuſpendu à 25 pouces. Étant revenu aux minimes, on vit le mercure du tube qui avoit été laiſſé en expérience à la même hauteur où il étoit lors du départ, ſavoir 26 pouces 3 ½ lignes ; & l’obſervateur, qui avoit continuellement demeuré à cette ſtation, certifia qu’il n’étoit ſurvenu aucun changement pendant toute la journée. L’expérience fut encore faite de nouveau avec le tube qui avoit été tranſporté au ſommet de la