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AIR
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d’un côté, l’effet de la preſſion ſur le côté oppoſé ſe ſentira bientôt.

De la gravité & la fluidité conſidérées conjointement, s’enſuivent pluſieurs uſages & pluſieurs effets de l’air. 1o. Au moyen de ces deux qualités conjointes, il enveloppe la terre avec les corps qui ſont deſſus, les preſſe, & les unit avec une force conſidérable. Pour le prouver, nous obſerverons que dès qu’on connoît la peſanteur ſpécifique de l’air, on peut ſavoir d’abord combien pèſe un pied-cube d’air ; car ſi un pied-cube d’eau pèſe 64 liv., un pied-cube d’air pèſera environ la 800e partie de 64 livres : de-là on pourra conclure quel eſt le poids d’une certaine quantité d’air. On peut auſſi déterminer quelle eſt la force avec laquelle l’air comprime tous les corps terreſtres : car il eſt évident que cette preſſion eſt la même que ſi tout notre globe étoit couvert d’eau à la hauteur de 32 pieds environ. Or, un pied-cube d’eau peſant 64 livres, 32 pieds pèſeront 32 fois 64 livres, ou environ 2 048 livres ; & comme la ſurface de la terre contient à-peu-près 5 547 800 000 000 000 pieds quarrés ; il faudra prendre 2 048 fois ce grand nombre pour avoir à-peu-près le poids réduit en livres avec lequel l’air comprime notre globe. Or, on voit aiſément que l’effet d’une telle preſſion doit être fort conſidérable. Par exemple, elle empêche les vaiſſeaux artériels des plantes & des animaux d’être exceſſivement diſtendus par l’impétuoſité des ſucs qui y circulent, ou par la force élaſtique de l’air dont il y a une quantité conſidérable dans le ſang. Ainſi nous ne devons plus être ſurpris que par l’application des ventouſes, la preſſion de l’air étant diminuée ſur une partie du corps, cette partie s’enfle ; ce qui cauſe néceſſairement un changement à la circulation des fluides dans les vaiſſeaux capillaires, &c.

Cette même cauſe empêche les fluides de tranſpirer & de s’échapper à travers les pores des vaiſſeaux qui les contiennent. C’eſt ce qu’éprouvent les voyageurs à meſure qu’ils montent des montagnes élevées : ils ſe ſentent lâches de plus en plus à meſure qu’ils avancent vers le haut ; & à la longue, il leur vient un crachement de ſang ou d’autres hémorrhagies ; & cela parce que l’air ne preſſe pas ſuffiſamment ſur les vaiſſeaux des poumons. On voit la même choſe arriver aux animaux enfermés ſous le récipient de la machine pneumatique : à meſure qu’on en pompe l’air, ils s’enflent, vomiſſent, bavent, ſuent, lâchent leur urine & leurs autres excrémens, &c. Voyez Machine pneumatique.

2o. C’eſt à ces deux mêmes qualités de l’air, la peſanteur & la fluidité, qu’eſt dû le mélange des corps contigus les uns aux autres, & ſingulièrement des fluides. Ainſi pluſieurs liquides, comme les huiles & les ſels qui dans l’air ſe mêlent promptement & d’eux-mêmes, ne ſe mêleront point s’ils ſont dans le vide.

3o. En conſéquence de ces deux mêmes qualités, l’air détermine l’action d’un corps ſur un autre. Ainſi le feu qui brûle du bois s’éteint, & la flamme ſe diſſipe ſi l’on retire l’air, parce qu’alors il n’y a plus rien qui puiſſe appliquer les corpuſcules du feu contre ceux de la ſubſtance combuſtible, & empêcher la diſſipation de la flamme. La même choſe arrive à l’or en diſſolution dans l’eau régale. Ce menſtrue ceſſe d’agir ſur le métal dès qu’on a retiré l’air ; & c’eſt en conſéquence de cette faculté déterminante de l’air, que Papin a imaginé le digeſtoire qui porte ſon nom. Voyez Digesteur.

C’eſt auſſi pour cela que ſur les ſommets des plus hautes montagnes, comme ſur le pic de Ténériffe, les ſubſtances qui ont le plus de ſaveur, comme le poivre, le gingembre, le ſel, l’eſprit-de-vin, ſont preſque inſipides ; car, faute d’un agent ſuffiſant qui applique leurs particules ſur la langue, & qui les faſſe entrer dans ſes pores, elles ſont chaſſées & diſſipées par la chaleur même de la bouche. La ſeule ſubſtance qui y retienne ſa ſaveur, eſt le vin de Canarie ; ce qui vient de ſa qualité onctueuſe qui le fait adhérer fortement au palais, & empêche qu’il n’en puiſſe être écarté aiſément.

Ce même principe de gravité produit auſſi en partie les vents, qui ne ſont autre choſe qu’un air mis en mouvement par quelque altération dans ſon équilibre. Voyez Vent.

IV. Une autre qualité de l’air d’où réſultent un grand nombre de ſes effets, & dont nous avons déjà parlé, eſt ſon élaſticité, par laquelle il cède à l’impreſſion des autres corps, en rétréciſſant ſon volume, & ſe rétablit enſuite dans la même forme & la même étendue, en écartant ou affoibliſſant la cauſe qui l’avoit reſſerré. Cette force élaſtique eſt une des propriétés diſtinctives de l’air ; les deux autres propriétés, dont nous avons parlé plus haut, lui étant communes avec les autres fluides.

Une infinité de preuves nous convainquent que l’air a cette faculté. Si, par exemple, on preſſe avec la main une veſſie ſoufflée, on trouve une réſiſtance ſenſible dans l’air qui y eſt enfermé ; & ſi l’on ceſſe de la comprimer, la partie qui étoit comprimée ſe tend & ſe remplit auſſitôt.

C’eſt de cette propriété de l’air que dépend la ſtructure & l’uſage de la machine pneumatique. Voyez Machine pneumatique.

Chaque particule d’air fait un continuel effort pour ſe dilater, & ainſi lutte contre les particules voiſines qui en font auſſi un ſemblable ; mais ſi la réſiſtance vient à ceſſer ou à s’affoiblir, à l’inſtant la particule dégagée ſe raréfie prodigieuſement. C’eſt ce qui fait que ſi l’on enferme, ſous le récipient de la machine pneumatique de petites balles de verre minces, ou des veſſies pleines d’air & bien fermées, & qu’enſuite on pompe l’air, elles y crèvent par la force de l’air qu’elles contiennent. Si l’on met ſous le récipient une veſſie toute flaſque,