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AIR

il tombe auſſitôt en cendres blanches. Il faut dire la même choſe de toutes les ſubſtances animales & végétales, qu’on ne ſauroit calciner qu’à feu ouvert, & qui, dans des vaiſſeaux fermés, ne peuvent être réduits qu’en charbons noirs.

L’air peut produire une infinité de changemens dans les ſubſtances, non-ſeulement par rapport à ſes propriétés mécaniques, ſa gravité, ſa denſité, &c. mais auſſi à cauſe des ſubſtances hétérogènes qui y ſont mêlées. Par exemple, dans un endroit où il y a beaucoup de marcaſſites, l’air eſt imprégné d’un ſel vitriolique mordicant, qui gâte tout ce qui eſt ſur terre en cet endroit, & ſe voit ſouvent à terre en forme d’effloreſcence blanchâtre. À Fahlun en Suède, ville connue par ſes mines de cuivre, qui lui ont fait auſſi donner le nom de Copperberg, les exhalaiſons minérales affectent l’air ſi ſenſiblement, que la monnoie d’argent & de cuivre qu’on a dans la poche, en change de couleur. M. Boyle apprit d’un bourgeois qui avoit du bien dans cet endroit, qu’au-deſſus des veines de métaux & de minéraux qui y ſont, on voyoit ſouvent s’élever des eſpèces de colonnes de fumée, dont quelques-unes n’avoient point-du-tout d’odeur, d’autres en avoient une très-mauvaiſe, & quelques-unes en avoient une agréable. Dans la Carniole, & ailleurs, où il y a des mines, l’air devient de temps en temps fort mal-ſain ; d’où il arrive de fréquentes maladies épidémiques, &c. Ajoutons que les mines qui ſont voiſines du cap de Bonne-Eſpérance, envoient de ſi horribles vapeurs d’arſenic, dont il y a quantité, qu’aucun animal ne ſauroit vivre dans le voiſinage ; & que dès qu’on les a tenues quelque temps ouvertes, on eſt obligé de les refermer.

On obſerve la même choſe dans les végétaux : ainſi lorſque les Hollandois eurent fait abattre tous les girofliers dont l’île de Ternate étoit toute remplie, afin de porter plus haut le prix des clous de girofle, il en réſulta un changement dans l’air qui fit bien voir combien étoient ſalutaires dans cette île les corpuſcules qui s’échappoient de l’arbre & de ſes fleurs : car auſſitôt après que les girofliers eurent été coupés, on ne vit plus que maladies dans toute l’île. Un médecin qui étoit ſur les lieux, & qui a rapporté ce fait à M. Boyle, attribue ces maladies aux exhalaiſons nuiſibles d’un volcan qui eſt dans cette île, leſquelles vraiſemblablement étoient corrigées par les corpuſcules aromatiques que répandoient dans l’air les girofliers.

L’air contribue auſſi aux changemens qui arrivent d’une ſaiſon à l’autre dans le cours de l’année. Ainſi dans l’hiver, la terre n’envoie guere d’émanations au-deſſus de ſa ſurface, par la raiſon que ſes pores ſont bouchés par la gelée ou couverts de neige. Or, pendant tout ce temps la chaleur ſouterraine ne laiſſe pas d’agir au-dedans, & d’y faire un fond dont elle ſe décharge au printemps. C’eſt pour cela que la même graine ſemée dans l’automne & dans le printemps, dans un même ſol & par un même temps également chaud, viendra pourtant tout différemment. C’eſt encore pour cette raiſon que l’eau de la pluie ramaſſée dans le printemps, a une vertu particulière pour le froment, qui y ayant trempé, en produit une beaucoup plus grande quantité qu’il n’auroit fait ſans cela. C’eſt auſſi pourquoi il arrive d’ordinaire, comme on l’obſerve aſſez conſtamment, qu’un hiver rude eſt ſuivi d’un printemps humide & d’un bon été.

De plus, depuis le ſolſtice d’hiver juſqu’à celui d’été, les rayons de ſoleil donnant toujours de plus en plus perpendiculairement, leur action ſur la ſurface de la terre acquiert de jour en jour une nouvelle force, au moyen de laquelle ils relâchent, amoliſſent & putréfient de plus en plus la glèbe ou le ſol, juſqu’à ce que le ſoleil ſoit arrivé au tropique, où avec la force d’un agent chimique, il réſout les parties ſuperficielles de la terre en leurs principes, c’eſt-à-dire en eau, en huile, en ſels, &c. qui s’élèvent dans l’atmoſphère. Voyez Chaleur.

Voilà comme ſe forment les météores, qui ne ſont que des émanations de ces corpuſcules répandus dans l’air. Voyez Météore.

Ces météores ont des effets très-conſidérables ſur l’air. Ainſi, comme on ſait, le tonnerre fait fermenter les liqueurs. Voyez Tonnerre.

En effet, tout ce qui produit du changement dans le degré de chaleur de l’atmoſphère, doit auſſi en produire dans la matière de l’air. M. Boyle va plus loin ſur cet article, & prétend que les ſels & autres ſubſtances mêlées dans l’air, ſont maintenus par le chaud dans un état de fluidité, qui fait qu’étant mêlés enſemble, ils agiſſent conjointement ; & que par le froid ils perdent leur fluidité & leur mouvement, ſe mettent en cryſtaux, & ſe ſéparent les uns des autres. Si les colonnes d’air ſont plus ou moins hautes, cette différence peut cauſer auſſi des changemens, y ayant peu d’exhalaiſons qui s’élèvent au-deſſus des plus hautes montagnes. On en a eu la preuve par certaines maladies peſtilentielles, qui ont emporté tous les habitans qui peuploient un côté d’une montagne, ſans que ceux qui peuploient l’autre côté, s’en ſoient aucunement ſentis.

On ne ſauroit nier non plus que la ſéchereſſe & l’humidité ne produiſent de grands changemens dans l’atmoſphère. En Guinée, la chaleur jointe à l’humidité, cauſe une telle putréfaction, que les meilleures drogues perdent en peu de temps toutes leurs vertus, & que les vers s’y mettent. Dans l’île de Saint-Jago, on eſt obligé d’expoſer le jour les confitures au ſoleil, pour en faire exhaler l’humidité qu’elles ont contractée pendant la nuit, ſans quoi elles ſeroient bien-tôt gâtées.