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AIR

donc plus peſante ſpécifiquement qu’elle ne l’étoit dans l’état naturel ; & le poiſſon qui rampe au fond, ne pourra s’élever, parce que l’air ne pourra rentrer dans la veſſie. C’eſt par un mécaniſme à-peu-près ſemblable, que les poiſſons à veſſie, qui forment le grand nombre, s’élèvent ou deſcendent dans l’eau. La nature leur a donné le pouvoir de reſſerrer ou de dilater leur veſſie. Lorſqu’ils diminuent l’étendue de cette veſſie, ils ſont moins gros ſans être d’un moindre poids, & ils deſcendent au fond de l’eau ; s’ils dilatent leur veſſie, leur corps déplaçant une plus grande quantité d’eau, eſt plus ſoutenu par les colonnes d’eau qui leur répondent en plus grand nombre ; ils deviennent conſéquemment plus légers ſpécifiquement, & ils s’élèvent. Voyez Hydrostatique.

Ajoutons ici pour confirmer ces vérités, que les plantes ne croiſſent preſque plus dans le vide, & qu’elles périſſent enſuite, que leurs graines n’y germent pas. Les tranſactions philoſophiques rapportent que la même graine de laitue ayant été miſe dans deux pots dont l’un fut laiſſé à l’air libre, & l’autre ſous un récipient vide d’air, la première produiſit des plantes qui s’élevèrent à deux pouces & demi de hauteur en huit jours, tandis qu’il ne parut rien dans l’autre. L’air ayant été rendu à cette dernière, la graine germa auſſitôt & donna des plantes. Ainſi, la néceſſité de l’air a lieu pour les végétaux.

Mais quelle eſt la cauſe de la mort de l’animal dans le vide ? il n’eſt pas douteux qu’une grande privation d’air ne ſoit capable de faire périr un animal dans le vide, parce que, dans l’état naturel & ordinaire, l’air eſt néceſſaire pour la reſpiration, & celle-ci pour la circulation du ſang, fonctions eſſentielles pour les animaux : ainſi on ne peut former un doute ſous ce rapport. La queſtion doit donc s’entendre de la cauſe d’un animal qui, après les premiers coups de piſton, meurt ſous le récipient de la machine pneumatique. Ce n’eſt pas la privation abſolue de l’air qui le fait périr, car il eſt impoſſible de priver de tout air le récipient, parce que l’évacuation ne s’en fait que ſelon une progreſſion géométrique, & que d’ailleurs après le petit nombre de coups de piſton qui occaſionnent la mort d’un animal, il reſte encore beaucoup d’air ſous le récipient dans lequel il périt. Ce n’eſt pas non plus tel ou tel degré de raréfaction de l’air, car il n’y en a point de déterminé ; & au même degré où on fait mourir un animal, on peut le conſerver en vie en l’accoutumant peu-à-peu à reſpirer cet air raréfié, ainſi que l’expérience le prouve.

Suppoſons deux oiſeaux, ou deux autres animaux égaux en force ; qu’on en place un ſous le récipient de la machine pneumatique, qu’on raréfie l’air en comptant le nombre des coups de piſton, ou plutôt en examinant les degrés de raréfaction, marqués ſur l’échelle de l’éprouvette. (Voyez Éprouvette, lorſque l’animal meurt. Subſtituez enſuite l’autre animal vivant, égal en force au premier ; après avoir un peu raréfié l’air, laiſſez les choſes dans cet état pendant quelques momens, rendez un peu d’air, pompez de nouveau, & répétez la manœuvre précédente pluſieurs fois ſucceſſivement, en augmentant toujours un peu plus le degré de raréfaction de l’air du récipient. Vous verrez que l’animal vivra non-ſeulement à un degré de raréfaction où l’autre étoit mort, mais encore à un degré où l’air ſera notablement plus rare. La raiſon de cet effet vient de ce qu’en pompant l’air lentement, l’air intérieur du corps des animaux ſe met peu-à-peu en équilibre de denſité avec l’air environnant, & la différence entre le reſſort de l’air intérieur & la preſſion extérieure, devient nulle ou preſque nulle. On ne peut donc pas aſſigner un degré déterminé de raréfaction dans l’air, qui ſoit la cauſe de la mort d’un animal dans le vide, à moins que ce degré d’exhauſtion de l’air ne ſoit conſidérable. (On peut dire cependant, en général, que la plupart des animaux, ſur-tout les quadrupèdes & les oiſeaux, meurent lorſqu’on a évacué les deux tiers de l’air du récipient.) Il en eſt, à quelques égards, de l’animal qu’on accoutume peu-à-peu à vivre dans un air raréfié ſous le récipient de la machine pneumatique, comme d’un homme qui ſeroit peu-à-peu tranſporté du pied d’une montagne ſur ſon ſommet ; il ne s’apperçoit pas du changement de denſité, ou plutôt de rareté de l’air. Il en ſeroit de même s’il paſſoit inſenſiblement du fond d’une mine profonde, aux hautes régions de l’atmoſphère où peuvent atteindre les aéroſtats. Si, au contraire, ce paſſage ſe faiſoit tout-à-coup, il en ſeroit extrêmement incommodé. Le mal ſeroit encore plus grand, s’il s’élevoit rapidement à ces couches de l’atmoſphère où les aéroſtats n’ont pu encore parvenir.

On ne ſauroit douter que la cauſe dont nous venons de parler, n’influe beaucoup ſur l’économie animale, & ne puiſſe même occaſionner la mort, lorſqu’elle eſt portée à un certain point, dans un petit eſpace de temps, & qu’elle ne concoure efficacement, avec la privation de l’air reſpirable, à produire la mort d’un animal dans le vide. Pour le prouver, plaçons ſous le récipient de la machine pneumatique l’appareil repréſenté dans la figure 276, dont la pièce eſſentielle eſt un tube de verre tortueux d’un petit diamètre, contenant de l’eau ou de l’eſprit-de-vin coloré en rouge. Dès qu’on fait agir la pompe pneumatique, on obſerve que l’air, contenu intérieurement dans la liqueur colorée, ſe dilate ſucceſſivement, & fait voir des interruptions plus ou moins grandes dans la maſſe de la liqueur ; de telle ſorte que ces différentes parties d’air entremêlées parmi celles de la liqueur, forment une ſolution multipliée de continuité ; effet qui réſulte du reſſort & de l’expanſibilité de l’air de la liqueur, qui n’eſt plus