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ANG

lorſqu’il n’y a qu’un rang d’arbres, lorſqu’on regarde une file de ſoldats, un long mur, parce que dans ces circonſtances on rapporte la ligne des arbres à une autre ligne imaginaire, qui eſt comme l’axe prolongé du globe de l’œil ; on en auroit une idée en tirant dans la figure 43 une ligne ponctuée qui fût à égales diſtances des deux rangs d’arbres, & enſuite en ſupprimant un de ces rangs. Celui qui reſteroit paroîtroit d’autant plus ſe rapprocher de la ligne imaginaire, que la diſtance ſeroit plus grande, les angles formés par les rayons viſuels, tirés de chaque arbre & de chaque point correſpondant de la ligne imaginaire à l’œil ; ces angles, dis-je étant de plus en plus petits, à meſure que la diſtance à l’œil augmente.

Dans tout ce que nous avons établi ici, nous n’avons conſidéré que les ſeuls effets optiques, nous n’avons eu égard, ni à l’intenſité de la lumière qui eſt plus ou moins grande, ſelon la diſtance des objets ni à l’interpoſition des objets connus, ni à l’habitude de juger ni à quelques autres circonſtances qui influent ſur nos jugemens, lorſqu’il s’agit de prononcer ſur les grandeurs des objets. Nous en parlerons en traitant des articles d’optique qui y ont rapport.

ANGUILLE ÉLECTRIQUE, anguille tremblante, anguille de Surinam, de Cayenne. Gymnotus electricus. Le poiſſon connu à Cayenne sous le nom d’anguille tremblante, donne des commotions beaucoup plus fortes que celles que fait reſſentir la torpille. Perrèze, dans ſon hiſtoire de la France équinoxiale, en a parlé ; Firmin, dans ſa deſcription de Surinam, en a fait auſſi mention. M. Bajon, médecin français à Cayenne, répéta avec ſuccès les expériences de M. Van-der-Lot, chirurgien de cette Colonie, & en ajouta d’autres. M. Bajon ayant d’abord touché légèrement avec le doigt une de ces anguilles de la Guiane, de deux pieds & demi de longueur, ne reſſentit d’abord aucun tremblement ; mais à peine eut-il porté le doigt ſur le dos de cet animal, qu’il éprouva de petites ſecouſſes, dont l’action s’étendit ſeulement juſqu’au corps. L’anguille étant ſortie du vaſe où elle étoit, & tombée par terre, & les nègres refuſant de la replacer, M. Bajon la prit par la queue : « À peine l’eus-je ſerrée dans mes doigts, dit-il, que je faillis à en être renverſé, & ma tête reſta quelque temps un peu étonnée. La commotion ne ſe fit pas ſeulement ſentir au bras qui avoit touché l’anguille, mais au bras du côté oppoſé, & aux deux jambes ; …… Je commençai à toucher l’anguille placée dans le vaſe à moitié plein d’eau le plus doucement qu’il me fut poſſible ; il n’y eut point de ſecouſſe, mais un fourmillement conſidérable à tous les doigts qui la touchoient, & il ſe prolongea dans tout le bras qui en devint très-engourdi. » Enſuite l’ayant touchée plus fortement, il éprouva un véritable choc & un engourdiſſement qui se diſſipa aſſez promptement ; mais comme il réïtéra ces expériences pendant toute la journée, & qu’il reçut un nombre prodigieux de commotions, ſon bras fut ſur le soir un peu douloureux & très-engourdi, la tête péſante, un mal-aiſe général dans tout le corps, le pouls plus elevé ; & il reſſentit enfin par intervalle de petites cardialgies aſſez déſagréables ; mais ces incommodités furent diſſipées par le repos de la nuit.

Ayant enſuite touché cet animal d’abord avec une tringle de fer, la commotion fut alors auſſi forte que celle qu’il avoit d’abord reſſentie en prenant ſa queue entre les doigts. Un mouchoir bien ſec fut placé à l’endroit par où il devoit tenir la tringle, & il n’y eut point de commotion. Le mouchoir fut mouillé, & la commotion devint aussi forte que les précédentes. Six perſonnes ſe tenant par la main, toutes ſentirent une commotion très-violente, lorſque l’une d’elles toucha l’anguille. Ces expériences furent répétées pluſieurs fois, avec le même ſuccès, mais ſur la fin, les commotions diminuèrent peu à peu, & l’animal en fut ſi fatigué, qu’il mourut quelque temps après.

Dans les jours ſuivans on obſerva que pluſieurs anguilles quoique petites, miſes & éprouvées, chacune ſéparément, dans un vaſe rempli d’eau très-claire, donnèrent des commotions très-fortes. On obſerva que dans ces premiers temps, à quelqu’endroit du corps qu’on les touchât, on ſentoit la commotion, mais qu’il n’en étoit pas de même, lorſqu’on les avoit gardées pluſieurs jours, & ſur-tout quand elles avoient été beaucoup fatiguées.

Le fer poli a tranſmis des commotions moins fortes que du fer non poli ; mais cette expérience a beſoin d’être répétée, pour ſavoir ſi l’effet eſt conſtant. Les commotions ont paru beaucoup moins fortes, lorſqu’au lieu d’un corps arrondi à ſon extrémité, on ſe ſert d’une pointe. Des couteaux, des clefs, ont paru agir moins que des clous ou autres morceaux de fer équivalens. Le bois même mouillé n’a pas tranſmis le choc. En employant le verre, la cire d’Eſpagne, le ſoufre & d’autres ſubſtances réſineuſes, on n’a obtenu aucune commotion. Il en a été de même avec l’ivoire, la corne & les plumes. Le linge ordinaire a communiqué la commotion pour peu qu’il fût humide, étant bien ſec il n’a pas été conducteur ; il en a été de même de la ſoie.

Une anguille miſe dans des vaſes de terre, mouillés ou non mouillés, & poſés ſur des pieds de verre, donne la commotion qui ſe fait vivement ſentir à la main avec laquelle on tient le bord de ces vaſes.

Quoiqu’il ſoit vrai qu’une anguille fatiguée & affoiblie, donne des commotions inférieures à celles d’une anguille fraiche, cependant on a obſervé