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mière expérience ſur la rivière. On place dans le milieu du vaiſſeau deux tuyaux de métal de trois ou quatre lignes de diamètre, comme ceux qu’on a décrits ci-deſſus. Leur partie ſupérieure ſera refendue pour y enchâſſer un tube de verre pour voir l’eau. Lorſque le vaiſſeau ſera arrêté, l’eau ſera à la même hauteur dans les deux tuyaux ; mais dès que le vaiſſeau fera route, le tuyau recourbé ſera dans le même cas que celui de la machine précédente dans une eau courante ; ainsi l’eau s’élèvera dans le tuyau, & ſa hauteur au-deſſus de celle de l’autre tuyau marquera la vîteſſe ou le ſillage du vaiſſeau avec beaucoup de juſteſſe. Lorſque le vaiſſeau fera trois lieues par heure, par exemple, l’eau s’élèvera dans le tuyau d’environ 41 pouces ; & lorſqu’il ne fera que deux lieues & demie par heure, l’eau s’élèvera de près de 31 pouces. Pour éviter des répétitions, nous avons cru à propos d’expoſer ici l’application de l’idée de M. Pitot au ſillage des vaiſſeaux, plutôt que de la renvoyer ailleurs.

Cette méthode de meſurer la vîteſſe courante des eaux des rivières, des canaux, des aqueducs quelconques, en un mot, eſt bien plus aiſée & plus exacte dans la pratique que celle de Mariotte. Mém. des Acad. des Sciences, ann. 1732, pag. 366.

Les petits canaux pour conduire les eaux d’un endroit quelconque à une ville, ont moins de cet éclat impoſant qui frappe l’imagination, mais ils n’en ſont pas moins utiles ; une notice de ce qui a été entrepris pour quelqu’un de ces petits canaux peut être d’autant plus avantageuſe à un physicien, que les occaſions d’en diriger ſe préſentent plus ſouvent. Nous choiſirons pour exemple le projet d’amener à Paris les rivières d’Yvette & de Bièvre.

De tout temps la ville de Paris a manqué d’une ſuffiſante quantité d’eau. 800 Pouces d’eau ſont néceſſaires à cette ville pour le beſoin intérieur des maiſons, & elle en a tout au plus 200 à 230 : ſavoir, par la pompe notre-dame, 120 à 125, par Arcueil, 40 à 50 ; par la ſamaritaine, 25 à 30, par les ſources du Pré-Saint-Gervais, 12 à 15 ; & par Belleville, 10, ainſi qu’il conſte par les mémoires de M. Deparcieux, qui a ſacrifié les vingt dernières années de ſa vie à montrer les avantages de ſon projet de l’Yvette ; ſouvent même il arrive que cette quantité d’eau est exceſſivement réduite.

Ce fut en 1762 que M. Deparcieux préſenta pour la ſeconde fois à l’académie le projet de l’Yvette ; en 1766, il lut ſur le même ſujet un ſecond mémoire, & un troiſième en 1767. Dans ces trois mémoires, cet académicien a rendu compte des différentes opérations qu’il avoit faites pour s’aſſurer de la jauge des eaux & du nivellement, & il y a tracé la route que doit ſuivre l’acqueduc qui porteroit les eaux de l’Yvette à Paris.

Pour empêcher les filtrations, & pour purifier l’eau, il veut qu’elle ſoit menée par un acqueduc en maçonnerie, que de diſtance en diſtance il y ait une grille pour arrêter les immondices ; & des repos ou les eaux puiſſent dépoſer. Il indique le percement d’une montagne entre Palaiſſeaux & Maſſi ; enfin il parle des ponts, acqueducs & autres travaux que l’exécution de ſon projet exige ; & il eſtimoit que la dépenſe de cette conduite pourroit monter à cinq ou six millions. Pour les détails, on peut conſulter les mémoires de l’académie.

Après la mort de M. Deparcieux, arrivée en 1768, le gouvernement crut devoir s’occuper du projet de cet académicien. MM. Péronnet & Chezy furent chargés de faire un travail détaillé, pour évaluer au juste la dépenſe de ſon exécution. Le 15 décembre 1775, M. Péronnet rendit compte de ſon travail dans une aſſemblée publique de l’académie ; mais l’exécution du projet fut depuis ce temps arrêtée, peut-être à cauſe de la grande dépenſe, à laquelle on la portoit, qui étoit de 7 826 209 livres. C’eſt ce qui détermina, pluſieurs années après, M. de Fer de la Nouerre à examiner ſi on ne pouvoit pas, à la rigueur, ſe procurer l’eau à moins de frais, & procurer, par ce moyen, une plus prompte exécution.

M. de Fer, dans ſon ouvrage intitulé, de la ſcience des canaux navigables, a traité du même objet dans un mémoire ſur la poſſibilité d’amener à Paris, en une ſeule campagne, les rivières d’Yvette & de Bièvre au haut de l’eſtrapade, à moins d’un million de dépenſes, au lieu de ſept millions huit cent treize mille livres, auxquelles cette dépense avoit été portée. M. de Fer y donne la carte & le détail de la route qui paſſant par Vitaires, Chatenay, & le Bourg-la-Reine, évite la dépenſe de pluſieurs acqueducs. Pour cet effet, il s’eſt contenté de propoſer une ſimple rigole, ſans revêtiſſemnent de pierres, ſemblable aux rigoles des canaux de Languedoc & de Briare. Ce mémoire fut approuvé par l’académie des ſciences après un mûr examen ; & le 3 novembre 1787, il y eut un arrêt du conſeil du roi qui autoriſa l’exécution du plan de M. de Fer.

Les pompes à feu, la machine du pont notre-dame, celle de la ſamaritaine, par leſquelles on a voulu fournir de l’eau à Paris, n’ont point par elle-mêmes la conſtance des aqueducs. La durée d’un aqueduc eſt indépendante de toutes les révolutions : ceux que l’on avoit faits autrefois pour la ville de Rome, ſervoient encore au bout de 1 200 ans ; & les reſtaurations faites par les papes, avec des dépenſes médiocres, ont ſuffi de nos jours, pour amener des fleuves d’eau ſur les montagnes de Rome moderne.

On connoît l’acqueduc de la nouvelle rivière que Hugh Midleton amena à Londres en 1608, qui fournit 400 pouces d’eau, (chaque pouce d’eau produit 13 pintes par minute.) Cet aqueduc de