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ATT

il eſt forcé de s’éloigner de l’autre corps, comme s’il en étoit repouſſé. Cette apparence de répulſion eſt donc l’effet d’une inégalité de preſſion de la part du liquide environnant. Il en eſt de même de deux corps ſubmergés.

D’après l’explication des trois loix que ſuivent les corps flottans ou ſubmergés, en s’approchant ou en fuyant, ſelon qu’ils ſont ou ne ſont pas mouillés par le liquide environnant, il eſt facile de rendre raiſon de toutes les circonſtances des trois expériences principales qu’on a rapportées avant d’exposer ces loix.

On peut voir, dans le mémoire dont nous avons extrait ce qui précède, des phénomènes analogues que préſentent pluſieurs lames de verre polies, mouillées & ſuſpendues de manière que leurs faces ſoient parallèles entr’elles, & écartées à la distance d’une ou deux lignes, & qu’on les plonge dans l’eau par le bas, l’eau s’élève dabord entr’elles au deſſus du niveau ; cette eau ſoulevée attire l’une vers l’autre les lames voiſines ; & ces lames, en ſe rapprochant en effet, rendent plus capillaires les intervalles qui les ſéparent. M. Monge penſe encore que, ce qui arrive entre ces lames de verre, repréſente aſſez exactement ce qui ſe paſſe entre les élémens des criſtaux des ſe|s neutres, qui ſe forment au dedans d’une diſſolution trop rapprochée, & que l’adhérence, obſervée entre les élémens de ces criſtaux, n’eſt pas l’effet d’une attraction directe que ces élémens exercent les uns ſur les autres ; qu’elle n’eſt que la ſuite de la loi par laquelle deux corps voiſins ſemblent s’attirer, lorſqu’ils ſont tous deux ſuſceptibles d’être mouillés par le liquide environnant. Cependant, ajoute-t-il, il ne faudroit pas abuſer de cette concluſion, & il eſt probable que pour les ſubſtances qui comme l’eau, le ſoufre, les métaux, &c., ſe fondent par l’action ſeule de la chaleur, & paſſent à l’état ſolide par le ſimple refroidiſſement, la criſtalliſation eſt produite par l’attraction immédiate des molécules ; du moins l’on ne connoît juſqu’à préſent aucun liquide interpoſé entre ces molécules, & l’action duquel on puiſſe raiſonnablement attribuer ce phénomène.

L’opinion aſſez générale étant que deux gouttes d’eau s’attirent à une petite diſtance, on n’aura pas de peine, d’après tout ce qu’on vient de voir, de porter un jugement ſur cet objet. Néanmoins il eſt à propos de faire connoître ici quelques expériences directes. Si, après avoir mis de l’eſprit-de-vin dans une ſoucoupe, on y fait tomber du même liquide goutte à goutte & de quelques lignes de hauteur, au moyen d’un chalumeau capillaire légèrement incliné, les gouttes, en choquant la ſurface du liquide, ne ſe confondent pas avec la maſſe, elles conſervent leur forme à-peu-près ſphérique ; elles roulent ſur la ſurface avec une très-grande liberté, comme des billes ſur le tapis d’un billard ; & lorſque quelques-unes d’elles ſe rencontrent dans leur mouvement, elles ſe choquent, elles changent de figure par la percuſſion, elles ſe réfléchiſſent, & continuent enſuite de rouler après le choc, ſans ſe réunir les unes avec les autres ; enfin, malgré leur contact continuel avec la ſurface du liquide, elles ne ſe confondent avec lui que très-tard. Ce phénomène peut avoir lieu avec toute autre liqueur.

On obſervera que les gouttes, formées avec le chalumeau & autres globules de liqueurs dans des circonſtances ſemblables, ſont de petites ſphères maſſives de liqueur & non pas des ampoules véſiculaires, comme celles qui ſe forment ſur la ſurface de l’eau pendant les groſſes pluies, comme on peut s’en convaincre, 1o. par le défaut d’accès à l’air qui devroit alors remplir ces gouttes ; 2o. par la forme même des gouttes qui eſt globuleuſe, & qui ſeroit hémiſphérique, ſi elles étoient véſiculaires ; 3o. par leur grande mobilité ; car ſi en ſoufflant avec le chalumeau dans la liqueur, on donne lieu à la formation d’ampoules vraiment véſiculaires, il eſt facile de reconnoître celles-ci à leur aspect, à leur mobilité, incomparablement moindre, & à leur durée généralement plus grande. Il en eſt de même des petits globules que l’on apperçoit ſur le café chaud, on ſe convaincra qu’ils ſont pareillement maſſifs & non véſiculaires, par leur grande mobilité. La moindre agitation dans l’air, le ſouffle le plus léger, ſuffiſent pour les diſperſer, & les ranger avec rapidité ſur les bords du vaſe. Enfin, les iris que M. de Sauſſure a remarquées, en examinant ees globules au microſcope, ne ſont point une preuve de leur cavité, puiſque l’arc-en-ciel que l’on obſerve, lorſque les gouttes de pluie sont éclairées par le ſoleil, n’auroit, comme on ſait, au contraire, pas lieu, ſi les gouttes étoient concaves, c’eſt-à-dire, véſiculaires.

M. de Sauſſure s’eſt donc trompé dans ſes Eſſais ſur l’Hygrométrie, lorſqu’il a cru que des gouttes du même liquide ne pouvoient être pouſſées les unes contre les autres, ni même être ſimplement en contact ſans ſe réunir ſur le champ ; & lorſqu’il a conclu que des globules ne peuvent flotter ſur la ſurface de leurs propres liquides, ſans être concaves ; ainſi la théorie des vapeurs véſiculaires que cet auteur n’a établie que ſur de ſemblables obſervations, eſt abſolument ſans fondement ; & il reſte toujours démontré par des expériences directes, & confirmé par tous les phénomènes de météorologie, que l’air atmoſphérique diſſout d’autant plus d’eau, qu’il eſt plus chaud & plus comprimé.

Des expériences & obſervations qu’on vient de voir, on doit donc conclure, que deux gouttes d’eau n’exercent aucune action l’une ſur l’autre, tant qu’elles ſont à une diſtance ſenſible ; qu’elles