même les philoſophes, parce qu’ils ont vu dès l’enfance les effets de l’impulſion, n’ont aucune inquiétude ſur la cauſe qui les produit. Cependant, ſi tous les corps qui en rencontrent un autre s’arrêtoient ſans lui communiquer du mouvement, un philoſophe qui verroit pour la première fois un corps en pouſſer un autre, ſeroit auſſi ſurpris.
Cependant, en tirant cette conſéquence, il y auroit lieu de craindre qu’on ne ſe hâtât un peu trop : un principe ſi fécond a beſoin d’être examiné encore plus à fond ; & il ſemble qu’avant d’en faire l’application générale à tous les phénomènes, il faudroit examiner plus exactement ſes loix & ſes limites. L’attraction, en général, eſt un principe ſi complexe, qu’on peut, par ſon moyen, expliquer une infinité de phénomènes différens les uns des autres. Mais juſqu’à ce que nous en connoiſſions mieux les propriétés, il ſeroit peut-être bon de l’appliquer à moins d’effets, & de l’approfondir davantage. Il ſe peut faire que toutes les attractions ne ſe reſſemblent pas, & que quelques-unes dépendent de certaines cauſes particulières, dont nous n’avons pu nous former juſqu’à préſent aucune idée, parce que nous n’avons pas aſſez d’obſervations exactes, ou parce que les phénomènes ſont ſi peu ſenſibles, qu’ils échappent à nos ſens. Ceux qui viendront après nous, découvriront peut-être ces diverſes ſortes de phénomènes ; c’eſt pourquoi nous devons rencontrer un grand nombre de phénomènes qu’il nous eſt impoſſible de bien expliquer, ou de démontrer avant que les cauſes aient été découvertes. Quant au mot d’attraction, on peut ſe ſervir de ce terme juſqu’à ce que la cauſe ſoit mieux connue.
Pour donner un eſſai du principe d’attraction, & de la manière dont quelques philoſophes l’ont appliqué, nous joindrons ici les principales loix qui ont été données par Newton, M. Keil, M. Friend, &c.
Théorème Ier. Outre la force attractive qui retient les planètes & les comètes dans leurs orbites, il y en a une autre par laquelle les différentes parties dont les corps ſont compoſés, s’attire mutuellement les unes les autres ; & cette force décroît plus qu’en raiſon inverſe du quarré de la diſtance.
Ce théorème, comme nous l’avons déjà remarqué, peut ſe démontrer par un grand nombre de phénomènes. Nous ne rappelerons ici que les plus ſimples & les plus communs : par exemple, la figure ſphérique que les gouttes d’eau prennent, ne peut provenir que d’une pareille force. C’eſt par la même raiſon que deux boules de mercure s’uniſſent & s’incorporent en une ſeule, dès qu’elles viennent à ſe toucher, ou qu’elles ſont fort près l’une de l’autre. C’eſt encore en vertu de cette force que l’eau s’élève dans les tuyaux capillaires, &c.
À l’égard de la loi préciſe de cette attraction on ne l’a point encore déterminée. Tout ce que l’on ſait certainement, c’eſt qu’en s’éloignant du point de contact, elle décroît plus que dans la raiſon inverse du quarré de la diſtance, & que par conſéquent elle ſuit une autre loi que la gravité. En effet, ſi cette force ſuivoit la loi de la raiſon inverſe du quarré de la diſtance, elle ne ſeroit guère plus grande au point de contact que fort proche de ce point ; car M. Newton a démontré dans ſes principes mathématiques, que ſi l’attraction d’un corps eſt en raiſon inverſe du quarré de la diſtance, cette attraction eſt finie au point de contact, & qu’ainſi elle n’eſt guère plus grande au point de contact qu’à une petite diſtance de ce point ; au contraire, lorſque l’attraction décroît plus qu’en raiſon inverſe du quarré de la diſtance, par exemple, en raiſon inverſe du cube ou d’une autre puiſſance plus grande que le quarré, alors, ſelon les démonſtrations de M. Newton, l’attraction eſt infinie au point de contact, & finie à une très-petite diſtance de ce point. Ainſi l’attraction au point de contact eſt beaucoup plus grande qu’elle n’eſt à une très-petite diſtance de ce même point. Or, il eſt certain par toutes les expériences, que l’attraction qui eſt très-grande au point de contact, devient preſqu’inſenſible à une très-petite diſtance de ce point ; d’où il s’enſuit que l’attraction dont il s’agit décroît en raiſon inverſe d’une puiſſance plus grande que le quarré de la diſtance ; mais l’expérience ne nous a point encore appris ſi la diminution de cette force ſuit la raiſon inverſe du cube ou d’une autre puiſſance plus élevée.
II. La quantité de l’attraction dans tous les corps très-petits, eſt proportionnelle, toutes choses d’ailleurs égales, à la quantité de matières du corps attirant, parce qu’elle eſt en effet, ou du moins à très-peu-près, la ſomme ou le réſultat des attractions de toutes les parties dont le corps eſt compoſé ; ou, ce qui revient au même, l’attraction dans tous les corps fort petits, eſt comme leurs ſolidités, toutes choſes d’ailleurs égales.
Donc, 1o. à diſtances égales, les attractions de deux corps très-petits ſeront comme leurs maſſes, quelque différence qu’il y ait d’ailleurs entre leur figure & leur volume.
2o. À quelque diſtance que ce ſoit, l’attraction d’un corps très-petit eſt comme ſa maſſe, diviſée par le quarré de la diſtance.
Il faut obſerver que cette loi, priſe rigoureuſement, n’a lieu qu’à l’égard des atomes ou des plus petites parties compoſantes des corps, que quelques-uns appellent particules de la dernière compoſition, & non pas à l’égard des corpuſcules faits de ces atomes.
Car lorſqu’un corps eſt d’une grandeur finie, l’attraction qu’il exerce ſur un point placé à une certaine diſtance, n’eſt autre choſe que le réſultat des attractions que toutes les parties du corps