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d’Helmſtad eſt un de ceux qui vers le milieu de ce ſiècle a employé, pour expliquer les apparences de l’aurore boréale, des exhalaiſons & des vapeurs ſubtiles, de petites lames de glace qui s’élèvent de la terre.

Si les exhalaiſons terreſtres étoient la cauſe de l’aurore boréale, ce phénomène ne ſeroit pas vu conſtamment vers le nord, mais on l’appercevroit de temps en temps dans toutes les directions poſſibles. Ces molécules s’élevant de tous les points de la ſurface de la terre & les vents les diſpersant de tous côtés, l’aurore boréale paroîtroit indifféremment vers toutes les régions du ciel, ce qui eſt contraire à toutes les obſervations.

Les aurores boréales ſont à une trop grande hauteur, pour que les vapeurs & les exhalaiſons qui ſortent de la terre, puiſſent s’y élever. Les nuées qui flottent ſur nos têtes & ſont le jouet des vents ; ces nuées qui ne ſont que des amas de vapeurs, n’atteignent jamais le ſommet des plus hautes montagnes, puiſque les voyageurs qui ont été ſur leur cime, ont toujours aperçu les nuages au-deſſous d’eux, & cependant, ſur la pointe des plus hautes montagnes, comme dans les plaines, on aperçoit les aurores boréales. Elles ne ſont donc pas dans la région des nuages où on ſuppoſe que les exhalaiſons, ſe ſont élevées, mais bien au-deſſus ; car les nuages blancs qui réſultent d’un aſſemblage d’exhalaiſons, & qui ordinairement ſont plus hauts que les autres ; ne ſont jamais à une lieue de diſtance de la ſurface de la terre. Les Pères Ricccioli & Grimaldi meſurèrent en même temps la hauteur d’un nuage blanc, & ils ne la trouvèrent que de 10 885 pieds bolonois qui égalent environ 2 124 de nos toiſes ; & M. Lambert n’a trouvé la hauteur ordinaire des nuées que de 7 565 pieds du Rhin, ainſi qu’on le voit dans les nouveaux mémoires de l’Académie des ſciences de Berlin pour l’année 1773.

Il y a une différence immenſe entre les principes chimiques que l’art retire des divers mixtes, & ceux que la nature ſait en extraire, & entre la manière d’agir des uns & des autres. Quoique par le moyen d’un acide convenable on puiſſe enflammer, toutes les huiles eſſentielles & même les huiles graſſes, ainſi qu’il eſt prouvé par les expériences des Glauber, des Becher, des Borrichius, des Tournefort, des Homberg, des Geoffroy, des Hoffmann & des Rouelle, il ne faut pas néanmoins ſe perſuader que les exhalaiſons qui émanent naturellement des corps qui composent les trois règnes aient une ſemblable vertu. Les exhalaiſons oléagineuſes élevées dans l’atmoſphère diffèrent prodigieuſement des huiles eſſentielles qui ſont des réſultats chimiques.

En ſuppoſant ces exhalaiſons ſemblables aux acides & aux alkalis, ne ſe décompoſeroient-elles pas en s’élevant dans l’atmoſphère ? leur nature ne ſeroit-elle pas au moins fort alterée, en ſe mêlant avec mille corps hétérogènes qui nagent, pour ainſi dire dans la maſſe de l’air, ce qui les rendroit incapables de produire l’effet qu’on imagine. D’ailleurs pour produire des efferveſcences & des inflammations, les acides doivent être concentrés, & pour cette rectification il faut les dégager de la quantité d’eau ſurabondante qui les affoiblit. Eh ! comment peut-on ſuppoſer que ces acides exhalés dans l’air ne soient point unis & mêlés avec l’étonnante quantité de vapeurs aqueuſes dont cet élément eſt impregné.

Ajoutons que les exhalaiſons terreſtres ne peuvent point s’élever à la hauteur de 200 lieues où on a pluſieurs fois vu les aurores boréales, ainſi qu’on le prouvera bientôt, car les nuages ne vont guères qu’à une lieue tout au plus, puiſque du ſommet des hautes montagnes on voit les nuages au-deſſous ; d’un autre côté, comment ces exhalaiſons, toujours fortuitement rassemblées, formeroient-elles conſtamment un arc lumineux régulier, quelquefois deux ; un ſegment concentrique, & qui durent pluſieurs heures, paroiſſent pluſieurs jours de ſuite, &c. &c. ; en un mot, les phénomènes que préſentent les aurores boréales ſont incompatibles avec cette hypothèſe.

Je n’inſiſterai pas davantage ſur la refutation de ce ſentiment, qu’il eſt peut-être auſſi ridicule de combattre que de ſoutenir, & je regarde comme inutile de faire conſidérer que la proportion de principes & des ſubſtances fermenteſcibles & efferveſcentes ne peut avoir lieu dans l’atmoſphère comme dans nos laboratoires, & que cependant une proportion exacte eſt néceſſaire en chimie pour obtenir un réſultat certain. Or, il eſt impoſſible de la ſupposer, tandis qu’il y a un mêlange infini de ſubſtances différemment combinées entre elles qui ſont élevées & flottantes dans l’atmoſphère.

M. le Monnier, dans ſes Inſtitutions aſtronomiques, croit que la formation des aurores boréales eſt due à une matière qui s’exhale de notre terre, & qui s’élève dans l’atmoſphère à une hauteur prodigieuſe. Il obſerve, comme M. de Maupertuis, que dans la Suède il n’y a aucune nuit d’hiver où l’on n’apperçoive parmi les conſtellations ces aurores, & cela, dans toutes les régions du ciel ; circonſtance bien eſſentielle pour apprécier les explications qu’on peut donner de ce phénomène. Il croit que la matière des aurores boréales eſt aſſez analogue à celle qui forme la queue des comètes.

Muſſchenbroeck a embraſſé ce ſentiment. Selon lui, la matière de l’aurore boréale « ſort de la terre ſous forme d’exhalaiſons, & ſe répand enſuite dans l’air, où elle forme une ou pluſieurs nuées qui ſe diſperſent & vont ſe rendre en différens pays. Ces nuées ne ſe mettent en feu que lorſqu’elles rencontrent quelqu’autre matière avec