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pas donner à l’atmoſphère solaire ? Près de ſoixante-huit millions de lieues en diamètre ; & la diſtance qu’il y a de la terre au ſoleil, ne ſeroit preſque que le rayon de cette atmoſphère. Ces particules qui forment l’atmoſphère du ſoleil, en tombant dans l’air que nous reſpirons ne devroient-elles pas y occaſionner le plus violent incendie, ou du moins produire quelque petite dilatation dans le mercure du thermomètre le plus ſenſible.

Cette matière, qui devoit être lumineuſe par elle-même, puisqu’elle eſt la lumière elle-même, ou le feu ſolaire, eſt néanmoins ſombre, obſcure, & fumeuſe ; cette matière, pour s’enflammer, a besoin d’un mélange avec celle de l’atmoſphère terreſtre ; & cette inflammation n’arrive pas au moment du contact, ce qui paroîtroit naturel ; mais après qu’elle eſt parvenue à une certaine profondeur ; & afin qu’on ne penſe point que je prête & ce ſyſtême une certaine tournure défavorable, je vais rapporter ſes propres paroles, tirées des éclairciſſemens mêmes de M. de Mairan.

« J’imagine donc, dit-il, que la matière de l’atmoſphère ſolaire dont réſulte l’aurore boréale & tout ce qui la compoſe, ne s’enflamme, en ſe mêlant avec celle de l’atmoſphère terreſtre, qu’après y être tombée à une certaine profondeur, & y avoir ſéjourné un certain temps ; qu’elle s’y enflamme plus ou moins par une eſpèce de fermentation, de la manière dont certains phoſphores s’allument étant expoſés à l’air ; & s’y éteint enſuite plus tôt ou plus tard, ſelon la quantité & la qualité de cette matière. » Éclairciſſ. XI, pag. 400, 1754.

Cette matière n’eſt donc pas lumineuſe comme elle devroit l’être, puiſque c’eſt celle qui compoſe l’atmoſphère du ſoleil ; elle a beſoin du mélange des particules terreſtres pour briller, il faut qu’elle s’enfonce à une certaine profondeur où celles-ci ſont plus groſſières afin de pouvoir s’enflammer ; elles s’éteignent enſuite, parce que cela eſt néceſſaire pour le ſyſtême ; combien de ſuppoſition purement gratuites dans cette hypothèſe !

3o. Le célèbre Euler, ce grand géomètre, à qui aucune ſcience n’étoit étrangère, a prétendu que l’aurore boréale devoit ſon exiſtence à l’impulſion des rayons ſolaires, capables d’agir aſſez fortement ſur l’air, ſur les exhalaiſons terreſtres ; en un mot, ſur l’atmoſphère propre de la terre, pour en chaſſer les parties, à une très-grande diſtance de notre globe, de telle ſorte que la matière de ce phénomène n’eſt que l’amas des particules très-ſuhtiles de l’atmoſphère terreſtre, chaſſée par l’impulſion des rayons ſolaires à des diſtances immenſes de la terre, c’eſt-à-dire à la diſtance où l’on obſerve ce phénomène. L’effet de cette impulſion doit être très-grand, & il l’eſt réellement, dit-il, parce qu’autour des pôles de la terre, le ſoleil, pendant pluſieurs jours conſécutifs, eſt viſible près de l’horiſon. L’aurore boréale par conſéquent ne réſide pas dans l’atmoſphère terreſtre, dont la hauteur, ſelon M. Euler, ne va pas au-delà d’un mille d’Allemagne, tandis que la matière de ce phénomène eſt placé à des milliers de milles. Ce ſentiment eſt expoſé dans les Recherches phyſiques ſur la cauſe de la queue des comètes, de la lumière boréale & de la lumière zodiacale, inſérées dans le ſecond volume de l’Académie de Berlin, année 1746. Ce grand géomètre remarque qu’il y a beaucoup d’aſſinités entre les queues des comètes & la lumière boréale, & qu’en effet la queue d’une comète doit offrir à un ſpectateur placé ſur ſa ſurface dans l’hémiſphère oppoſé au ſoleil, un phénomène preſque ſemblable à celui de la lumière boréale. Mais malgré la haute célébrité de ſon illuſtre auteur, il ne paroît pas avoir produit une certaine ſenſation dans le monde ſavant, probablement parce qu’il paroît réunir preſque tous les inconvéniens propres aux théories déja expoſées.

En effet, il eſt difficile de concevoir comment les exhalaiſons terreſtres pourroient parvenir à la grande élévation que M. Euler aſſigne pour le ſiége de l’aurore boréale, & qui n’eſt rien moins que de deux ou trois mille lieues, puiſque cette diſtance ſurpaſſe quelquefois le diamètre entier de la terre, ainſi qú’il l’aſſure à l’article XIII, page 135 de ſes Recherches. Il n’eſt pas plus aiſé de comprendre par quel moyen ces particules deviennent lumineuſes à cette grande hauteur. Il ſemble qu’elles devroient l’être auſſi près de la ſurface de la terre, ce qui eſt contraire à l’obſervation. D’ailleurs la grande ténuité des molécules, dont les rayons du ſoleil ſont compoſées, ne paroît guère pouvoir ſe concilier avec cette forte impulſion qu’on leur attribue pour chaſſer à trois mille lieues de la terre une partie de l’atmoſphère de notre globe. On devroit de plus éprouver un grand trouble, une grande agitation dans la maſſe d’air qui environne la terre, ſuite néceſſaire d’une forte impulſion, d’un prodigieux déplacement, d’une quantité conſidérable de parties ; cependant on n’obſerve ni ouragans, ni tempêtes, ni bouleverſement pendant l’apparition des aurores boréales.

4o. Opinion de ceux qui attribuent l’aurore boréale aux glaces dont les terres polaires ſont couvertes. Quelques auteurs ont penſé que les neiges & les glaces qui ſont perpétuellement dans les régions circon-polaires réfléchiſſoient comme autant de miroirs vers la ſurface des couches ſupérieures de l’atmoſphère les rayons du ſoleil, qui s’abaiſſe très-peu au-deſſous de l’horiſon de ces climats, pendant le peu de temps qu’ils ſont privés de ſa préſence, & que les molécules dont ces couches ſont compoſées, occaſionnant une ſeconde réflexion, les renvoyoient vers la ſurface de la terre & produiſoient par ce moyen, les apparences de l’aurore boréale.