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ADHÉRENCE ou ADHÉSION. Ce terme vient du mot latin adhœrentia, adhœrere, ad hœrere, être attaché à quelque choſe ; c’eſt l’état de deux corps qui ſont joints & tiennent l’un à l’autre, ſoit par leur propre action, ſoit par la compreſſion de quelques fluides extérieurs. On confond ordinairement l’adhérence avec la cohérence ou cohéſion ; cependant il me paroît qu’on doit les diſtinguer. L’adhérence déſigne une force d’union qui s’exerce par les ſurfaces des corps de différente ou de même nature, & la cohérence a plus de rapport à une force d’union qui a lieu entre les diverſes parties d’une même ſubſtance. C’eſt par l’adhérence que des particules d’air s’attachent à la ſurface de la plupart des corps ; c’eſt par la cohérence que des parties du bois, des pierres & des métaux, ſont jointes entr’elles. La force, par laquelle des corps adhèrent entr’eux, eſt moins conſidérable que celle qui fait cohérer les parties des ſubſtances entr’elles. Un corps, compoſé d’un grand nombre de parties, ne peut exiſter ſans cohérence ; mais il peut être ſans adhérence avec un autre corps : une de ces forces paroît donc eſſentielle & l’autre accidentelle. Nous parlerons de la Cohérence ou Cohésion, à l’article de ce nom, auquel nous renvoyons ; nous traiterons ici de l’adhérence ou adhéſion.

Il eſt peu de corps, à la ſurface deſquels l’humidité qui eſt toujours répandue dans l’air, n’adhère plus ou moins ; leur ſuperficie eſt conſtamment couverte d’une vapeur aqueuſe, très-foible dans les temps ſecs, & très-marquée dans les temps humides : l’air même, pendant les vents les plus ſecs, contient de l’humidité, & en communique néceſſairement à tout ce qui eſt plongé dans l’atmoſphère ; car les obſervations faites avec l’hygromètre ne permettent pas de douter que l’air, ſur-tout celui qui eſt près de la ſurface de la terre, ne contienne une aſſez grande quantité d’eau. Voyez l’article eau contenue dans l’air, au mot Air. Ainſi on ne peut point douter que tous les corps plongés dans l’atmoſphère, & l’humidité qui y eſt répandue, ne ſoient ſoumis entr’eux à une force d’adhérence, quelle qu’en ſoit la cauſe. Cette eau même, celle ſur-tout qui eſt ſuſpendue dans l’air, ne lui eſt-elle pas adhérente ?

L’air lui même adhère à tous les corps ; quelque ſurprenante que paroiſſe d’abord cette vérité, il eſt facile de la démontrer par pluſieurs expériences. Une aiguille d’acier ſe ſoutient ſur l’eau, quoique le fer dont elle eſt compoſée ſoit environ huit fois plus peſant. On ſait que pour réuſſir dans cette expérience, il faut coucher horizontalement l’aiguille ſur la ſurface de l’eau, & l’y abandonner avec dextérité. Selon les lois de l’hydroſtatique, la peſanteur ſpécifique de l’aiguille, beaucoup plus grande que celle de l’eau, devroit la faire tomber ; mais pluſieurs particules d’air adhérant à la ſuperficie de cette aiguille, l’enveloppant en grande partie, forment une eſpèce de bateau, & la rendent ſpécifiquement plus légère qu’un égal volume d’eau auquel l’aiguille avec ſon bateau d’air répond : ainſi l’aiguille doit ſurnager. C’eſt à-peu-près la même choſe que ſi on avoit fait adhérer tout le long de l’aiguille de petites parcelles de liège. La preuve de la bonté de cette explication eſt que ſi on mouille l’aiguille, avant de la placer ſur l’eau, l’expérience ne réuſſit plus, parce que le frottement de l’eau a détaché les parcelles d’air de la ſuperficie de l’aiguille, & lui a enlevé conſéquemment un corps environ 850 fois plus léger qu’elle, dont l’union la rendoit ſpécifiquement moins peſante que l’eau.

Cette explication me paroît claire & ſimple ; elle diffère en quelque ſorte de celle que M. Petit a donnée dans les mémoires de l’académie en 1731 ; car il a voulu aſſocier à la cauſe de ce phénomène l’adhérence des parties de l’eau entr’elles, qui empêche l’aiguille de les diviſer, en ajoutant que ſi on chauffe l’eau, ce qui diminue l’adhérence de ſes parties entr’elles, le phénomène n’a pas lieu. Ce dernier effet nous paroît évidemment réſulter de l’expulſion de l’air adhérent à l’aiguille ; émigration cauſée par la chaleur, communiquée à l’eau, & enſuite aux molécules de l’air, qui forme une petite gondole autour de l’aiguille. On ne ſera pas tenté de révoquer en doute ce que nous venons de dire, ſi on ſe rappelle que l’air, à un même degré de chaleur que l’eau, eſt bien plus dilatable & expanſible. L’air étant ainſi chaſſé en partie, l’eau adhère à la ſurface de l’aiguille ; &, privée de ſon ſupport, il eſt de toute néceſſité qu’elle ſe précipite au fond de l’eau. Je ne nie cependant pas qu’il n’y ait une adhérence entre les parties de l’eau ; mais je ne penſe pas qu’elle ſoit capable de produire un effet ſenſible dans le phénomène dont on parle.

On donne encore de l’adhérence de l’air avec les corps, la preuve ſuivante : « des feuilles de différens métaux très-minces, & d’une aſſez grande ſuperficie, ſe ſoutiennent ſur l’eau ; &, pour les faire enfoncer, il faut les charger de quelque poids ; elles en portent ſouvent plus qu’on n’auroit cru, Cet effet ne vient pas du grand nombre des parties d’eau qui réſiſtent en même temps à ſe laiſſer diviſer par une ſurface très-grande reſpectivement à la maſſe ; car ſi cela étoit, pourquoi ces mêmes feuilles, miſes au fond de l’eau, remonteroient-elles auſſitôt, en ſurmontant cette même réſiſtance de l’eau à ſa diviſion, que rien ne les oblige à vaincre, puiſqu’au contraire leur propre peſanteur & celle de toute l’eau qu’elles portent, ne tendent qu’à les tenir où elles étoient ? Il eſt néceſſaire qu’il y ait entr’elles un principe de légèreté par rapport à l’eau, dont elles doivent vaincre l’oppoſition ; & ce principe ne peut être que l’air qui leur eſt adhérent en une quantité d’autant plus grande qu’elles ont plus de ſurface. M. Petit s’en eſt aſſuré par un moyen fort ſimple : il lui a ſuffi de chiffonner ces feuilles entre ſes doigts, pour diminuer leur ſurface, & elles ne ſe ſont plus ſoutenues ſur l’eau. L’air