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Mais les réfractions que les rayons du ſoleil peuvent éprouver dans les nuages produiroient des arcs ornés des ſept couleurs de l’arc-en-ciel, on n’y verroit pas un arc obsſcur ; on ne remarqueroit pas des jets de lumière ; on n’appercevroit pas la lumière boréale de divers endroits fort éloignés ; les nuages qui en ſeroient le ſiège étant fort près de la terre ; enfin l’apparition des aurores boréales devroit avoir lieu conſtamment toutes les fois que le ciel ſeroit clair & ſerein. Mais les obſervations prouvant le contraire, on doit en conclure que l’aurore boréale ne dépend pas des réfractions priſmatiques & ſucceſſives faites dans les nuages.

6o. De l’hypothèſe qui attribue la formation de l’aurore boréale à la matière magnétique. L’illuſtre M. Halley, à qui les ſciences & ſur-tout l’aſtronomie ont tant d’obligations, a cru que l’aurore boréale devoit ſon origine à la matière magnétique. Tranſact. philoſ an. 1717. Selon cet auteur, le globe terreſtre eſt comme une ſphère creuſe au centre de laquelle eſt une petite terre magnétique. C’eſt de cet aimant central qu’émane le fluide magnétique qui, s’échappant par le pôle boréal de la croûte ſupérieure que nous habitons, circule autour de la ſurface de la terre. Cette lumière éclatante, ces feux étincelans que nous voyons briller dans l’atmoſphère pendant les aurores boréales ſont, ſelon lui un effet du fluide magnétique qui s’enflamme comme la limaille de fer. Pluſieurs phyſiciens, & entr’autres M. Plantade, de la ſociété royale des ſciences de Montpelier, ont été de ce ſentiment.

Cette opinion a pu paroître un inſtant ſéduisante, parce qu’elle ſembloit expliquer pourquoi l’aurore boréale ſe montre toujours vers le nord, & en décline de quelques degrés, mais elle n’eſt aucunement ſatisfaiſante, parce que, 1o. cette eſpèce d’organiſation, ſi je puis parler ainſi, qu’on prête au globe terreſtre eſt auſſi composée que précaire. 2o. La déclinaiſon de l’aiguille aimantée étoit en 1580 de 11 degrés 30 minutes ; en 1610 de 8 degrés ; en 1640 de 3 degrés vers l’eſt ; en 1666 elle étoit nulle ; en 1670 de 1 degré & demi vers l’oueſt, & depuis cette époque elle a toujours été en augmentant ſucceſſivement ; de telle ſorte qu’elle étoit de 5 degrés 50 minutes en 1692 ; de 8 degrés 10 minutes en 1699 ; de 10 degrés 10 minutes en 1707 ; de 14 degrés en 1727 ; de 17 degrés 15 minutes en 1750 ; de plus de 19 degrés en 1777.

Or, on n’a point remarqué que la déclinaiſon de l’aurore boréale fut en rapport avec celle de l’aimant ; que la première fut vers l’eſt au commencement du ſiècle dernier, & dans les ſiècles précedens, lorſque l’aiguille aimantée ſe tournoit vers cette partie du ciel, ni que ſes variations euſſent une marche correſpondante & des périodes réglées, comme le fluide magnétique. On a vu au contraire que dans la même année & dans le même mois l’aurore boréale étoit tantôt dirigée vers l’oueſt, tantôt vers l’eſt, & quelquefois directement au pôle. J’ai fait pluſieurs fois ces obſervations. 3o. L’aurore boréale devroit paroître perpétuellement, le fluide magnétique circulant ſans interruption autour du globe de la terre. 4o. Ce fluide devroit être ſuſceptible d’inflammation & de lumière ; & cependant il n’a jamais été poſſible de produire aucune déflagration ni même la plus petite ſcintillaton dans ſes molécules. Approcher du tourbillon magnétique qui circule autour d’un aimant quelconque, le fer rouge le plus ardent, la flamme la plus vive d’une lampe d’émailleur, le foyer de la loupe la plus forte ou du meilleur miroir expoſés aux rayons du ſoleil, & vous ne viendrez jamais à bout de produire ni lumière, ni ſcintillation dans les particules du fluide électrique, comme il eſt facile de s’en aſſſurer par voie d’expériences. Bien plus l’aimant, lui-même rougi ſur des charbons ardens, ne préſente pas la moindre apparence de lumière, ni de corruſcation ce qui devroit néceſſairement arriver dans l’hypothèſe que nous réfutons.

La plupart des ſentimens qu’on vient d’expoſer ont été abandonnés preſqu’auſſi-tôt que les phénomènes électriques furent connus. On ſentit bientôt que le fluide électrique devoit être l’agent principal qui formoit les aurores boréales, mais on n’en donna aucune explication particulière ; c’étoit alors un mot vague dont-on ſe ſervoit.

7o. Premier ſentiment de Franklin ſur l’aurore boréale. Le phyſicien de Philadelphie, dans ſa cinquième lettre à M. Collinſon, intitulé obſervations & ſuppoſitions qui tendent à former une hypothèſe pour expliquer les différens phénomènes des coups de tonnerre & les aurores boréales ; le phyſicien de Philadelphie s’exprime ainſi.

« C’eſt une chose ordinaire de voir des nuages à différentes hauteurs, tenir différens chemins, ce qui prouve différens courans d’air, l’un au-deſſus de l’autre. Comme l’air entre les tropiques eſt raréfié par le ſoleil, il s’élève ; l’air du nord & du ſud plus denſe accourt à ſa place ; l’air ainſi raréfié & contraint de monter, paſſe au nord & au ſud, & eſt forcé de deſcendre dans les régions polaires, s’il ne trouve quelque iſſue en deça ; afin que la circulation puiſſe être continuée ». Cet auteur a ſuppoſé plus haut que l’océan eſt un compoſé d’eau, corps non électrique, & de ſel, corps originairement électrique. Lorſqu’il y a du frottement le feu électrique eſt raſſemblé, auſſi eſt il viſible la nuit, à la poupe & dans le ſillage de chaque vaiſſeau qui fait route, on l’apperçoit à chaque coup de rame, dans l’écume des vagues ; dans une tempête la mer paroît tout en feu. Les particules d’eau s’élèvent auſſi en vapeurs, s’attachent aux particules d’air ; & les vapeurs qui ont du feu électrique, & du feu commun ſont mieux ſoutenues que celles qui n’ont que du feu commun ; car lorſque les vapeurs s’élèvent