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guions, que nous étions entraînés par le mouvement diurne. Pluſieurs fois nous cherchâmes à nous approcher de la terre, juſqu’à diſtinguer les acclamations qu’on nous adreſſoit, & auxquelles il nous été facile de répondre à l’aide d’un porte-voix, &c. ».

Pourſuivant enſuite leur route, les aéronautes découvrirent cette forêt immenſe qui conduit à Compiegne ; mais connoiſſant peu la topographie de ce canton, ils ſe déterminèrent à mettre pied à terre dans un carrefour de la forêt de Chantilly, à 5 heures 32 minutes, diſtant de 13 lieues de Verſailles. Les veſſies qui faiſoient reſſort ſous la galerie de l’aéroſtat, rendirent la deſcente très-douce. Mais une partie de cette machine fut brûlée. Bientôt après ils ſe rendirent au  château de Chantilly, où le prince de Condé les accueillit avec empreſſement.

Afin d’éviter que dans la deſcente d’un aéroſtat à air raréfié par la chaleur, les toiles ne ſoient brûlées par le réchaud ou fourneau qui contient les matières combuſtibles en feu, on a propoſé pluſieurs moyens, mais le meilleur eſt de détacher ce fourneau quelques inſtants avant de toucher terre : alors comme l’aéroſtat, quoique ſéparé du fourneau, continue encore à s’avancer horiſontalement, il en réſulte que la machine aéroſtatique tombant ſur terre, ſe trouve fort éloignée du fourneau, & qu’elle ne peut point être conſumée. Les aéronautes n’ont rien à craindre, parce que l’air raréfié par la chaleur, la conſerve encore quelques inſtans après que le fourneau a été détaché. Ce moyen eſt préférable à celui d’un éteignoir ou étouffoir qui a été propoſé ; à celui d’injecter une grande quantité d’eau chargée d’alun, &c. &c.

11o. Voyage aérien fait à Rhodès ſur une Montgolfiere le 6 août 1784. À 8 heures 17 minutes du matin, tous les préparatifs étant faits, au ſignal d’une boîte, on allume le feu, & bientôt on vit l’aéroſtat à air raréfié ſur lequel étoient montés M. l’abbé Carnus, profeſſeur de philoſophie à Rhodès, & M. Louchet ; on le vit ſe ſoulever, s’arrondir, & ſe débaraſſer avec la plus grande facilité du crochet qui le tenoit ſuſpendu. L’air étoit calme, le ciel ſans nuage, le ſoleil très-ardent. À 8 heures 28 minutes on lâcha les cordes. Une botte de paille imbibée d’eſprit-de-vin accéléra l’aſcenſion. L’élévation étoit, à 8 heures 32 minutes, au moins 1 000 toiſes au-deſſus du niveau de la mer. Une flamme très-vive & très-claire, de 18 à 20 pieds de hauteur, les fit monter de plus de 400 toiſes. Le calme durant enſuite quelque temps, ils ne parcoururent qu’une diſtance horiſontale de deux mille toiſes. Un léger vent s’étant après élevé, ils parcoururent plus de 3 000 toiſes.

À 8 heures 58 minutes, n’ayant plus de combuſtibles, ſi on en excepte deux bottes de paille du poids de 4 livres chacune, deſtinées à rendre la deſcente douce, ces deux aéronautes réſolurent de terminer leur voyage. N’étant plus qu’à 100 toiſes de terre, les deux bottes de paille jetées dans le réchaud produiſirent l’effet qu’on en attendoit ; mais en rallentiſſant la deſcente, elles prolongèrent la marche. Au moment où pour éviter le danger du feu, ils détachèrent le réchaud à quelque diſtance de terre ; le vent, dont la force diminuoit peu à peu, porta doucement l’aéroſtat ſur la cîme d’un petit chêne iſolé, l’un des navigateurs deſcendit. Auſſi la Montgolfiere ſe dégage d’elle-même, & ſe relève rapidement dans l’air, & remonte à une hauteur de 14 à 1 500 pieds. Cet aéroſtat, après avoir parcouru un eſpace d’environ 600 toiſes, ſans éprouver d’inclinaiſon ſenſible, deſcendit lentement à 9 heures 3 minutes au-delà du village d’Inières, dans une belle prairie dépendante du domaine de Camels, appartenant à la chartreuſe de Rhodès, & à une diſtance de plus de 7 000 toiſes du lieu du départ. Quand il eut touché terre, il ſe releva de deux ou trois pieds, & redeſcendit auſſi-tôt. M. Louchet s’élança hors de la galerie, & ſaiſiſſant en même temps une des cordes, il eut beaucoup de peine à retenir la machine qui faiſoit de nouveaux efforts pour s’échapper. Il ſe trouva ſeul pendant quelques minutes ; enfin parurent quelques payſans qui n’oſoient approcher quoiqu’on les appelât. L’aéronaute « étoit à leurs yeux un vrai magicien, qu’un monſtre énorme, ſoumis & docile à ſa voix, portoit à travers les airs. Il leur fallut du temps pour ſe réſoudre à manier les cordes pendantes au globe, ils ſembloient craindre que s’ils y touchoient, le monſtre ne les dévorât. »

La machine étoit alors dans le même état qu’avant le départ : on voulut la laiſſer ſe vider d’elle-même, mais comme 36 minutes après elle n’étoit encore affaiſſée que d’un tiers, comme d’ailleurs le vent la fatiguoit, & que les navigateurs étoient expoſés à un ſoleil très-chaud, on la déſenfla à force de bras. On voit que l’idée de détacher le réchaud, quelques inſtans avant de deſcendre eſt heureuſe, & qu’elle prévient avec certitude tout danger de voir les toiles incendiées.

Cet aéroſtat, de forme ſphérique, avoit 53 pieds de diamètre, 8 980 pieds quarrés de ſurface, & 80 000 pieds cubes de capacité. Il n’étoit compoſé que de huit fuſeaux, tellement échancrés vers la partie inférieure, qu’ils laiſſoient une ouverture de 50 pieds de circonférence. Une corde d’une groſſeur ſuffiſante faiſoit le tour de cette ouverture, & lui donnoit de la ſolidité. Huit cordes