prouvé qu’une des formes les plus avantageuſes au mouvement qu’on puiſſe donner à un aéroſtat étoit celle du ſphéroïde, dont le plus long axe eſt dans la direction horiſontale. M. Joſeph de Montgolfier m’a dit que c’étoit ſon avis, & ſon jugement eſt ici d’un grand poids.
Ce n’eſt pas aſſez d’avoir déterminé la forme la plus avantageuſe de l’aéroſtat, il faut encore, pour aſſurer ſa direction, pouvoir lui imprimer à volonté un mouvement capable de changer ſa poſition, & même de le porter en avant ſur la ligne donnée. On y parviendra ſur-tout en y appliquant des forces mécaniques. Car, dit M. de Morveau, la force de recul de la fuſée, ainſi que la force des vapeurs ſortant de l’œolipile, & tous les autres moyens de ce genre ne peuvent être conſidérés, dans le cas particulier, que comme prenant ſur l’air un point d’appui plus réſiſtant à raiſon de leur extrême vîteſſe. Or, la vîteſſe imprimée par quelque cauſe que ce ſoit, eſt un élément qui entre néceſſairement dans le calcul des forces méchaniques. « Ces moyens (pour le dire en paſſant) ne nous paroiſſent pas pouvoir être jamais d’une grande utilité, ſur-tout pour une navigation un peu longue, non ſeulement à cauſe de la néceſſité de les entretenir ou de les renouveler d’inſtant en inſtant, de la dépenſe, de l’embarras qui en réſulteroient, & même du danger de la communication du feu, mais encore parce qu’on ne ſeroit jamais aſſuré d’appliquer ces forces à l’extrémité de la ligne qui partageroit l’aéroſtat dans la direction qu’on voudroit lui donner ; que toutes les fois que l’on manqueroit ce point, leur action ne ſerviroit qu’à lui imprimer un mouvement de rotation ſur lui-même, & qu’ainſi on ſeroit obligé de porter l’action de ces forces motrices en avant de la ligne que l’on voudroit faire ſuivre à l’aéroſtat, ce qui compliqueroit la machine, & en rendroit l’exécution encore plus difficile. Il ne reſte donc réellement que l’application des léviers, de l’eſpèce de ceux qui prennent leur point d’appui ſur un fluide, c’eſt-à-dire, un gouvernail & des rames ».
Les voiles ſont inutiles, dit M. de Morveau, & peuvent même être dangereuſes dans quelques circonſtances. En effet, comme on le remarqua bientôt, le grand obſtacle à la direction des machines aéroſtatiques, eſt qu’elles ſont par elles-mêmes & de leur nature déjà trop fortes de voiles ; car ce mot n’exprime qu’une grande ſurface deſtinée à recevoir l’impulſion du vent. M. le chevalier de Borda a fait voir dans les Mémoires de l’Académie des Sciences pour l’année 1763, que la réſiſtance d’une ſphére étoit à l’un de ſes grands cercles comme 1 eſt à 2,44. Un globe de 27 pieds ſeulement de diamètre, éprouve donc de toutes parts la réſiſtance ou l’action d’un fluide comme s’il lui préſentoit réellement une ſurface plane de 241,87 pieds carrés. Que l’on demande maintenant quel pourroit être l’objet pour lequel on armeroit un pareil globe de nouvelles voiles ; ſeroit-ce pour prendre le vent dans la ligne directe de ſon impulſion ? Elles ſont inutiles, il en a plus qu’il ne lui en faut pour décider ſa marche, & même pour l’expoſer déjà à une agitation violente, pour peu que les vents ſoient irréguliers ou impétueux. Eſt-ce pour avoir la faculté de recevoir cette impulſion ſur un plan oblique ; mais la percuſſion qu’un corps reçoit obliquement, ſe décompoſe en deux mouvemens, dont l’un eſt parallèle au plan, & dont il ne faut plus faire état ; ſi l’aîle d’un moulin à vent ſe meut, étant frappée ſur un plan qui fait angle d’environ 55 degrés avec la ligne du vent, c’eſt que des deux mouvemens dans leſquels ſe décompoſe l’impulſion oblique qu’elle reçoit, il y en a un détruit par la force qui la tient ſolidement infixée dans l’arbre. D’ailleurs le globe préſentera toujours un de ces hémiſphéres à l’action directe du vent, il faudra par conſéquent un voile du double de ſurface, ſeulement pour faire équilibre à cette puiſſance contraire ; & quand on pourroit tenir & diſposer à volonté ſur une auſſi frêle machine, des voiles de 7 à 800 pieds de ſurface, on n’auroit encore qu’une déviation de quelques degrés ſur la vraie ligne du vent. Il n’en eſt pas de même des forces méchaniques, qui, agiſſant directement par des léviers dont la vîteſſe n’eſt pas bornée, peuvent produire plus de mouvement avec moins de ſurface.
Il y en a qui ont cru pouvoir douter de la poſſibilité de diriger dans un ſeul fluide, ou de prendre point d’appui pour la direction, ſur le fluide même dans lequel on eſt plongé ; l’exemple des poiſſons nageant dans l’eau, des oiſeaux volant dans l’air, leur démontre journellement leur erreur, ainſi qu’on l’a dit plus haut. La faculté que ces animaux ont de mouvoir à volonté leurs queues, leurs nageoires, leurs aîles, qui ſont proprement des léviers mis en mouvement par la force muſculaire, & prenant point d’appui ſur le fluide environnant, leur ſuffit pour décider & accélérer leur marche ; les moyens qu’ils emploient pour s’y diriger horiſontalement, ſont abſolument indépendans de l’organisation qui les diſpoſe à ſe mettre en équilibre avec ſes fluides ; ils font même bien plus, ſur-tout les oiſeaux, que ce qui ſera déſormais néceſſaire à l’homme placé dans l’aéroſtat, puiſqu’ils ſont obligés d’appliquer une parties de ces forces à ſuppléer ce qui leur manque de légéreté reſpective pour s’élever ſans ſe mouvoir.
La navigation, à force de rames & ſans voiles, nous offre encore un exemple bien frappant de cette puiſſance mécanique. La liberté de ſortir la rame de l’eau pour éprouver moins de réſiſ-