ces hypothèſes qui préſentoient un air de ſimplicité & une apparence de vérité bien capable de faire illuſion. Telle eſt en particulier l’hypothèſe de Leibnitz dont on a lu un précis.
Leibnitz, pour expliquer la cauſe des variations du baromètre, avoit imaginé cette loi ci : un corps étranger qui eſt dans un liquide pèſe avec ce liquide, & fait partie de son poids total, tant qu’il y eſt ſoutenu ; mais il ceſſe de l’être, & tombe par conſéquent, ſon poids ne fait plus partie du poids du liquide, qui par-là vient à peſer moins ; pour la prouver il invoquoit l’expérience. « Il faut, dit-il, attacher aux deux bouts d’un fil deux corps, l’un plus peſant, l’autre plus léger que l’eau, & tel que tous deux enſemble ils flottent dans l’eau ; les mettre dans un tuyau plein d’eau, ſuſpendre ce tuyau à une balance où il ſoit exactement en équilibre avec un poids, & enſuite couper le fil où ſont attachés les deux corps de peſanteur inégale, ce qui obligera le plus peſant à tomber. Alors le tuyau ne ſera plus en équilibre, mais le poids qui lui étoit égal l’emportera & le fera monter, parce que le fond de ce tuyau le fera monter ». Cet illuſtre phyſicien appliquoit enſuite cette théorie aux variations du baromètre, ainſi qu’on l’a vu ci-dessus. On ne peut rien imaginer de plus ſéduiſant, ſur-tout ſi on se rappelle que cette expérience réuſſit auſſi entre les mains de M. de Réaumur, que l’académie avoit chargé de la répéter. Mais quelqu’ingénieuſe que ſoit cette idée, elle ne peut s’appliquer à l’objet propoſé ; & M. Leibnits s’eſt trompé en confondant la preſſion d’un liquide ſur chaque partie du vaſe qui le renferme avec la preſſion du vaſe ſur l’appui qui le ſoutient. La première de ces preſſions eſt toujours égale, quelles que ſoient la poſition & la peſanteur ſpécifique du corps étranger que le liquide renferme ; la ſeconde varie ſuivant les cas. Je ne connois rien de mieux ſur ce ſujet que la diſcuſſion très-détaillée que M. Deluc en a fait dans ſes recherches, page 97 juſqu’à 108 ; ouvrage excellent, dont nous avons tiré une partie notable de ce qui a rapport à l’objet présent.
23o. M. Deluc penſe que l’introduction des vapeurs dans l’air produit une diminution dans la peſanteur ſpécifique de ce fluide, & conſéquemment dans le poids abſolu des colonnes de l’atmoſphère, qui, malgré ce mélange, reſtent d’une hauteur égale à celle des colonnes d’air pur. En admettant ce principe, dit-il, on conçoit que le mercure doit s’élever dans le baromètre quand l’air devient ſec & ſerein, puiſqu’alors ſon poids augmente ; l’abaiſſement du mercure doit au contraire préſager la pluie, puiſqu’elle eſt produite par les vapeurs qui en même temps diminuent le poids de l’air.
La réſiſtance que l’air oppose à la ſéparation de ſes parties, fait obſtacle à l’aſcenſion des vapeurs, lorſque les molécules de celles-ci ont trop peu de légèreté ſpécifique pour ſurmonter la réſiſtance de l’air. C’eſt ce qu’on obſerve dans les particules d’air qui reſtent engagées dans le mercure & ſur-tout entre le mercure & le verre, & qu’on en fait ſortir lorſque le mercure bout. Pluſieurs bulles d’air ſe réuniſſant, & leur ſurface totale diminuant par ce moyen, elles ſe dégagent avec plus de facilité, & s’élèvent. Les vapeurs qui montent dans l’atmoſphère, éprouvant de la réſiſtance, y ſont donc auſſi arrêtées plutôt que ne l’exigeroit leur peſanteur ſpécifique conſidérée ſeule : par conſéquent l’air renferme alors un fluide ſpécifiquement moins peſant que lui ; d’où il ſuit qu’une colonne d’air qui renferme des vapeurs, doit moins peſer que les autres colonnes, & que par-tout où les vents portent une grande quantité d’air mêlé de vapeurs, le baromètre doit baiſſer.
Après une pluie forte qui a duré tout un jour, on n’a guère au-delà d’un pouce d’eau, ce qui fait à-peu-près l’équivalent d’une ligne de mercure. Par conſéquent c’étoit-là toute l’addition de poids qu’avoient reçue les colonnes d’air qui renfermoient la matière de la pluie. Mais cette petite quantité d’eau, réduite en vapeur qui augmente peu la maſſe de l’atmoſphère, augmente beaucoup le volume des colonnes où elle monte. Ces colonnes ſe verſent ſans ceſſe ſur leurs voiſines ; & comme la matière qui leur reste eſt ſpécifiquement moins peſante que l’air pur, elles pèſent moins que celles qui ſont compoſées de cet air, dont le poids augmente encore par l’addition de la matière qui leur vient des colonnes que les vapeurs pénètrent. Rech. ſur les modif. de l’athm.
24o. Cette multiplicité d’hypothèſes, imaginées pour expliquer le phénomène propoſé, ſavoir, l’élévation du mercure dans le beau temps, & ſon abaiſſement aux approches de la pluie, prouve que la cauſe n’en eſt pas connue, & qu’elle ſera long-temps difficile à aſſigner. Au milieu des obſtacles qui ſe préſentent de toutes parts, me ſeroit-il permis de rapporter ici un petit précis de l’explication que je donne de ce phénomène dans mes cours, moins pour dévoiler cette eſpèce de myſtère de la nature, que pour fixer l’imagination de ceux qui veulent apprendre la phyſique ; elle me paroît ſimple & naturelle.
La peſanteur de l’air étant la cauſe phyſique & mécanique de ce qui ſoutient en équilibre la colonne de mercure contenue dans le baromètre, il faut attribuer aux variations de cette cauſe celles des effets. L’élévation plus grande du mercure doit donc dépendre d’une plus grande peſanteur de l’air, comme ſon abaiſſement d’un poids plus petit dans la colonne d’air qui lui fait équilibre. Une obſervation conſtante ayant montré qu’en général dans