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tendues ſur une petite charpente ; au lieu de bois ils emploient ſouvent les os des poiſſons. De ces divers bateaux à un vaiſſeau de guerre du premier rang, il y a loin ; mais cependant, c’eſt la ſérie de ces eſſais imparfaits, qui a conduit par degrés les hommes à l’art ſavant du conſtructeur de vaiſſeau.

Il y a diverſes eſpèces de bateaux de différentes grandeurs, & compoſés de matières plus ou moins peſantes. Il n’eſt pas néceſſaire, pour qu’un bateau ſurnage, qu’il ſoit d’une matière plus légère, ſpécifiquement qu’un égal volume d’eau, puiſqu’en fait avec des bois plus peſants que l’eau, avec du cuivre, &c., dont ie poids ſpécifique eſt bien plus grand, comme le prouvent les gondoles de cuivre qui ſervent au paſſage de nos armées, & les bateaux de terre cuite que les Égyptiens fabriquoient, ſelon le rapport de Strabon. Afin qu’un bateau, même chargé, ſoit plus léger qu’un égal volume d’eau, il faut ſeulement que la totalité du poids de ce bateau ſoit moindre que celle du volume d’eau qui lui répond, c’eſt-à-dire, qui a été déplacé par la partie plongée du bateau. Or, c’eſt ce qui a lieu dans un bateau, une barque ou un vaiſſeau qui ſurnagent ; car le bateau, à cauſe de ſa grande capacité, répond à un grand volume d’eau dans lequel il ne peut s’enfoncer totalement, ſans être chargé d’un poids égal au poids du volume à déplacer. Mais, en chargeant de fardeaux une barque, on a ſoin de rendre ſon poids total moindre que le poids d’un volume d’eau égal au ſien. Le bateau doit donc néceſſairement ſurnager à cauſe de sa légèreté ſpécifique (Voyez l’article Hydrostatique). Par-là on voit la raiſon pour laquelle un bateau s’enfonce, lorſque l’eau y pénètre par quelque trou ou fente : dans cette circonſtance, le poids de l’eau qui s’eſt inſinué dans le bateau, à la place de l’air qui y étoit contenu, ajoute à la charge & forme un poids total ſpécifiquement plus grand que le poids d’un égal volume d’eau.

Ces principes ſuppoſés, il ne ſera pas difficile de trouver la valeur de la charge d’un bateau. Suppoſons que cette barque ait 120 pieds de longueur ſur 15 de largeur, & que la charge l’ait fait enfoncer de deux pieds, on connoîtra le poids total des marchandiſes par le poids du volume d’eau qui a été déplacé. Or, on évaluera ce dernier de la manière ſuivante, en multipliant les trois nombres l’un par l’autre, 120 par 15, dont le produit eſt 1 800 pieds qui, multipliés par 2 pieds d’enfoncement, donnent 3 600 pieds cubes d’eau déplacés par le bateau ; mais le pied cube d’eau douce étant de 70 livres, on multipliera 3 600 par 70, & le produit 251 000 livres exprimera la valeur du poids de la charge de la barque. S’il s’agiſſoit d’évaluer la charge d’une barque ſur mer, il faudroit multiplier, non par 70, mais par 72 parce que le pied cube d’eau de mer, d’eau salée, pese 72 livres.

C’eſt avec beaucoup de raiſon qu’on a remarqué que la manière de transporter par bateaux les fardeaux étoit infiniment avantageuſe, relativement à celle de voiturer par charrettes : une charge de trois mille eſt beaucoup plus forte que celle que peuvent tirer trois chevaux, en marchant pluſieurs jours de ſuite. Si donc on diviſe par 3, la charge du bateau dont nous venons de parler, & qui eſt 252 000, on trouvera 84 fois trois mille. Il faudroit donc 84 charrettes & 252 chevaux, pour tranſporter ce que quatre matelots & huit ou dix chevaux peuvent mener par eau & par bateau, preſque ſans frais.

Les bateaux vont ordinairement à rames ou à voile ; il faut conſidérer ſéparément ces deux objets. Lorſque les bateaux ſont menés par des rames, ils ſont mus par des leviers du ſecond genre, car il faut conſidérer que le point d’appui eſt ſur l’eau qui eſt frappé avec viteſſe & qui réſiſte, la puiſſance eſt la main qui tient l’autre bout de la rame, & la réſiſtance à mouvoir eſt le bateau qui eſt uni au milieu de la rame. La rame eſt donc un levier du ſecond genre, puiſque la réſiſtance eſt entre le point d’appui & la puiſſance. Ariſtote & quelques autres, ſe ſont donc trompés en regardant la rame comme un levier du premier genre ; elle ne peut l’être que lorſque le bateau eſt fixé & qu’on fait agir la rame, qui, dans ce cas, ne fait mouvoir que des maſſes d’eau.

Chaque rame étant donc un levier du ſecond genre, le bateau eſt mu par deux leviers & par deux puiſſances, dont l’une tend à diriger le bateau vers la droite & l’autre vers la gauche. Mais le bateau qui eſt le mobile, étant ſollicité en même temps à ſe mouvoir par deux forces dont les directions ſont ſeulement diſparates, doit obéir, autant qu’il eſt poſſible, à toutes les deux, & décrire la diagonale d’un parallélogramme dont les côtés expriment les directions & l’intenſité des puiſſances ; le bateau continuera ainſi à ſe mouvoir, tant que les puiſſances agiront. Si une puiſſance prévaut d’un côté, en employant une plus grande force, le mobile s’approchera davantage de la direction de cette puiſſance. Ce qu’on vient d’établir a lieu, lorſque le bateau se meut ſur une eau tranquille, ou ſuivant la direction d’un courant qui, dans ce cas, eſt une troiſième puiſſance dont la direction conſpirant avec la direction moyenne produite par l’effort des deux rames, augmente la vîteſſe du bateau.

Si la direction du courant d’une rivière eſt oppoſée en partie à la direction moyenne des rames, comme dans le cas où le batelier ſe propoſe d’aller d’un rivage à l’autre, alors il faut conſidérer le mouvement moyen imprimé par les deux rames comme n’étant produit que par une ſeule puiſſance, & le combiner avec celui du courant ; alors ce