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fréquentes que le mercure éprouva dans le baromètre, pendant tout le mois de février & celui de mars : il faut excepter Padoue, & l’autre côté de l’Apennin. La ſecouſſe de ce tremblement de terre fut ſi grande, qu’elle donna lieu à l’apparition d’une nouvelle iſle dans le voiſinage de l’Iſlande. Obſervat. ſur la phyſ. l’hiſt. nat. 1783.

Ce brouillard ſingulier ne faiſoit point entrer les ſels en déliqueſcence, ni monter l’hygromètre ; il n’empêchoit pas l’évaporation d’être abondante & ne terniſſoit pas même les glaces qui y étoient expoſées. Les ſalines d’Hyères en Provence, au rapport de M. de Lamanon, crystalliſèrent, par l’effet du brouillard, quinze jours plutôt qu’à l’ordinaire. J’ajouterai ici en paſſant que l’électricité accélère la crystalliſation, comme nous le prouverons bientôt.

L’odeur de ce brouillard a été quelquefois ſulfureuſe. Le 26, le 27 & le 28 Juin, au rapport de M. Marcorelle, ce brouillard dépoſa dans la nuit, ſur les végétaux, une eau épaiſſe & gluante, d’un goût déſagréable & un peu fétide. Cette liqueur laiſſa des traces de la plus grande cauſticité. Les fleurs dont la vigne & les oliviers des environs de Narbonne étoient chargés, furent brûlées & tombèrent en grande partie. Dans d’autres endroits, on a obſervé que ce brouillard avoit mûri les bleds & favoriſé les moiſſons, comme le font les météores électriques. Voyez cette vérité prouvée dans l’Électricité des Végétaux.

Afin de juger de la qualité de ce brouillard extraordinaire, pluſieurs phyſiciens ont entrepris des expériences. De celles que M. Maret a faites comparativement avec de l’air atmoſphérique chargé de ces vapeurs, pris en quatre endroits différens, il réſulte que cet air ne contenoit point d’acide méphitique, ni aucun autre acide, ni de phlogiſtique libre, & qu’enfin il ne différoit preſque pas de l’air atmoſphérique ordinaire. On a tenté à Grenoble des expériences de ce genre. Quatre meſures de brouillard ayant été mêlées avec deux meſures d’air nitreux, l’abſorption a été d’un quart, & il ne reſta plus qu’un gaz dans lequel la lumière s’éteignit pluſieurs fois : (l’air atmoſphérique tient ordinairement un quart d’air pur, & trois quarts d’air méphitique ou phlogiſtiqué ; ce quart fut abſorbé par l’air nitreux.) L’air inflammable mêlé avec l’air des brouillards, ne l’a point empêché de détonner, lorſqu’on a présenté une bougie allumée.

Quelque extraordinaire qu’ait paru ce brouillard, il n’eſt pas un phénomène unique, on en a vu autrefois de ſemblables. L’année de la mort de Céſar, v. g. le ſoleil fut obſcurci, & ne donna pendant pluſieurs mois qu’une lumière pâle & languiſſante ; il parut rouge & environné de couronnes. L’an 264 de l’Ère chrétienne ; il y eut tremblement de terre & ténèbres pendant pluſieurs jours, &c.

À peine ce ſingulier météore parut-il, qu’on fut curieux d’en connoître la cauſe. Il eſt peu de phénomènes ſur leſquels on ſe ſoit plus exercé. Quelques perſonnes peu inſtruites attribuèrent la cauſe de ces brouillards à l’apparition d’une comète, & d’autres à la perturbation du cours des planètes, occaſionnée, diſoit-on, par la nouvelle planète Herſchel.

Mais le premier ſavant qui paroît avoir écrit ſur le brouillard ſec de l’année 1783, eſt M. Lapi, lecteur en botanique. Il lut le réſultat de ſes recherches dans une aſſemblée de l’Académie des Georgiphiles de Florence. Cet auteur regarde les éruptions des volcans comme les cauſes qui remplirent l’atmoſphère d’air fixe, d’air inflammable, d’air déphlogiſtiqué, &c. Les éruptions des volcans, les tremblemens de terre, l’électricité excitée, les déſaſtres de la Calabre & d’autres endroits du globe, ſont les principales cauſes auxquelles M. Lapi attribue la formation des brouillards, dont nous parlons. Les ſels, les ſoufres, les bitumes qui s’élèvent, le feu électrique qui ſe réveille, l’air fixe, phlogiſtiqué, inflammable, dont le développement ſe fait en pareilles circonſtances, rendent raiſon ſuivant ce phyſicien de la prodigieuſe fertilité qui eut lieu cette année. Dès le mois de juillet 1783, Dom Robert Hickmann diſoit : c’eſt à ces bouleverſemens (volcaniques) de l’Iſlande & des pays voiſins que j’attribue ce brouillard ſec & ſulfureux. Sulla Caligine, & Florence, &c.

M. Toaldo penſoit, dès le 11 juillet 1783, que les vapeurs qui ont cauſé le phénomène dont nous venons d’expoſer les circonſtances, étoient venues de la Sicile & de la Calabre, où il y avoit des tremblemens de terre depuis le 5 février. On a ſu qu’au mois de juin, on y avoit vu, après de violentes ſecouſſes, des exhalaiſons immenſes dans l’atmoſphère. Le vent de ſud-ſud-eſt, qui dominoit à Padoue, paſſoit ſur la Calabre, & pouvoit apporter cette masse d’exhalaiſons, ou, pour mieux dire, cette eſpèce de pouſſière qui a couvert toute l’Italie, & partie de l’Allemagne, mais qui, arrêtée principalement par la chaîne des Alpes, faiſoit paroître ces montagnes rouges à tous les habitans de la Lombardie. Ces exhalaiſons, ſelon ce ſavant, ne venoient point généralement des terres où le phénomène étoit obſervé : car on ne les voyoit point fumer comme dans les brouillards ordinaires. C’étoient au contraire des vapeurs élevées & venues d’en-haut, comme ſi elles étoient tombées dans l’atmoſphère ; elles ne paroiſſoient pas toucher la terre : auſſi ne firent-elles point de tort aux productions ; ſeulement, dans les collines