déterminé les épaisseurs de verre qui devoient produire les autres anneaux jaunes successifs, ainsi que les angles sous lesquels ils devoient être réfléchis ; & il trouva que les diamètres des anneaux de jaune brillant reçus sur le carton, à la distance de six pieds, devoient être 1 pouce , 2 pouces , 2 pouces , 3 pouces , ce qui s’accordoit avec l’observation.
« Donc, dit Newton, la théorie qui déduit ces anneaux de l’épaisseur de la plaque de verre dont le miroir étoit composé, & de l’obliquite des rayons émergens, s’accorde avec l’observation. Dans ce calcul j’ai égalé les diamètres des anneaux brillans, formés par une lumière composée de toutes les couleurs, aux diamètres des anneaux formés par le jaune brillant ; car ce jaune fait la partie la plus brillante des anneaux composés de toutes les couleurs. Si l’on veut avoir les diamètres des anneaux formés par la lumière de toutes les autres couleurs simples, on les trouvera aisément en posant que ces diamètres sont aux diamètres formés par le jaune éclatant, en proportion sous-doublée des intervalles des accès des rayons donnés de ces couleurs, lorsque les rayons sont également inclinés à la surface réfringente ou réfléchissante qui a produit ces accès, c’est-à-dire, en posant que les diamètres des anneaux que les rayons forment dans les dernières bornes de ces sept couleurs, le rouge, l’orangé, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo & le violet, sont proportionnels aux racines cubiques des nombres qui expriment les longueurs d’un monocorde dans lequel sont produites les notes d’une octave ; car, par ce moyen, les diamètres des anneaux de ces couleurs se trouveront entr’eux, à fort peu près, dans la même proportion où ils doivent être en faisant tomber les couleurs du prisme sur le miroir. »
C’est ainsi que Newton s’est convaincu que ces anneaux étoient de la même espèce, & procédoient de la même cause que les anneaux des plaques minces ; & par conséquent, que les dispositions alternatives des rayons à être réfléchis & transmis, sont propagées de chaque surface réfléchissante & réfringente, à de grandes distances.
Pour mettre ce point hors de doute, l’illustre opticien fit usage d’un miroir d’un foyer égal, mais dont l’épaisseur du verre n’étoit que de de pouce : concluant alors quels devoient être les diamètres de cercle jaune successifs, il trouva 3 pouces, 4 pouces , 5 pouces : ces grandeurs se trouvoient conformes à l’expérience.
En écartant peu à peu le centre des rayons réfléchis du point par lequel la lumière entre dans la chambre obscure, les anneaux s’affoiblissent constamment, jusqu’à ce que la distance entre les deux centres soit de 8 pouces ; alors les anneaux disparoissent. Cette nouvelle expérience présentoit deux observations remarquables : la première, que le centre des anneaux est placé entre les centres des deux points lumineux, & à égale distance de chaque côté ; la seconde, que les couleurs des anneaux étoient dans un ordre opposé à celui qui avoit lieu lorsque les trois centres coïncidoient.
Si l’on étame un objectif lenticulaire d’un côté, & qu’on l’expose à l’action des rayons solaires, on produit des anneaux colorés de la même manière que les miroirs concaves. Cette observation fit présumer à Newton que les gouttes d’eau devoient produire un effet semblable : d’où il conclut que les halos ou couronnes colorées que l’on distingue quelquefois autour du soleil, ainsi que les anneaux colorés que l’on remarque sur les glaces recouvertes de gouttelettes d’eau, lorsque l’on place une lumière derrière, doivent être formés par des séries d’accès de facile réflexion & de facile réfraction des molécules de lumière colorées en passant par ces gouttelettes. Voyez Halo.
Parmi les savans qui se sont refusés d’admettre d’abord la belle théorie de Newton sur la formation des anneaux colorés, lesquels étoient en très-grand nombre, on distingue Mazeas : celui-ci a présenté à l’Académie des Sciences une série d’observations[1] qui portent à croire que les couleurs des anneaux ne dépendent point, comme l’a pensé Newton, des différentes épaisseurs de lames d’air qui se trouvent renfermées dans les deux verres, mais de quelques autres matières plus subtiles qui s’y trouvent comme renfermées, & que le frottement ou la pression semble faire sortir des pores mêmes du verre. Voici en quoi consistent ces expériences, que l’on doit en quelque sorte au hasard.
Si l’on fait glisser l’un sur l’autre deux morceaux de glace de miroir, avant soin de les presser également, on voit bientôt naître quelques lignes courbes colorées, en même temps que l’on voit naître une résistance dans le mouvement & dans la séparation des glaces : en continuant le frottement, les lignes colorées se multiplient ; elles forment des cercles ou des ellipses concentriques, qui ont quelquefois jusqu’à douze à quinze lignes de diamètre. Alors les glaces adhèrent fortement, & les couleurs sont en quelque sorte inaltérables ; le plus souvent la surface courbe du cercle est d’un beau jaune d’or, ayant au centre une tache noire. Si l’on sépare subitement les deux verres, en les faisant glisser l’un sur l’autre, ou en les chauffant, & qu’on les replace immédiatement, les couleurs reparoissent par l’action de la pression seule. En pressant graduellement, il se forme
- ↑ Mémoire de Mathématique & de Physique, présenté à l’Académie des Sciences, tom, II, pag. 27.