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ABU 99

Quel rapport peuvent avoir ces horreurs avec les principes de l’Évangile et la morale de Jésus-Christ ? Et si l’on abuse à ce point des choses les plus sacrées, de quoi n’abusera-t-on pas sur la terre ?

Princes et nobles ont-ils fait mieux ? Il fut un temps à Rome où avec de l’or on se faisait empereur ; qu’était l’autorité du sénat, et celle du peuple lui-même, lorsqu’un seul homme, dont les largesses avaient séduit le soldat, était à la fois tribun, proconsul, censeur, grand pontife et consul, s’il le voulait encore ? Lorsque, pouvant à lui seul accuser, juger, faire traîner au supplice l’innocent et le coupable, il s’embarrassait peu que sa puissance parût injuste et oppressive ?

Sage et économe, un empereur redoutait les soldats avides qui juraient sa mort et désignaient son successeur parmi les plus riches. Oppresseur et cruel, les conspirations, les arrêts du sénat le menaçaient à toute heure. Un tel état de choses troublait Rome et ne cessait d’épouvanter l’univers.

L’or et la corruption avaient aussi perdu la Grèce, et depuis long-temps la tribune de Démosthène n’était occupée que par les lâches flatteurs des tyrans. En France, depuis le supplice de Brunehaut, les maires avaient gouverné sous les rois, mais la famille des Pépin s’éleva, et les princes furent esclaves. La seconde race tendit à détruire ce pouvoir immense usurpé par les maires, et à réduire ces grands vassaux trop indépendants du trône ; mais, dans ces débats, rien ne fut fait pour la nation, et elle parut seule rester neutre dans sa propre cause. Longtemps elle ignora à qui resterait le pouvoir, mais elle n’était que trop sûre d’être opprimée par le vainqueur, quel qu’il fût.

C’était de bonne foi qu’un roi considérait alors son peuple comme une propriété dont il pouvait user et abuser à son gré ; et l’ordre de succession sembla toujours établi moins dans l’intérêt de l’état que pour la seule commodité de la famille régnante. (Montesq.)