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CER CER

C’est des variétés sauvages des merisiers que proviennent toutes les variétés cultivées des cerises à chair ferme, telles que les bigarreaux, les griottes, les guignes ; mais comme, parmi ces variétés, il y en a qu’on peut considérer comme des hybrides du merisier & du cerisier commun, je les mentionnerai à la suite les unes des autres.

Quoique petit & peu fourni de chair, le fruit du merisier (les merises) est fort recherché pour la nourriture. La pointe d’amertume dont il est pourvu, laisse dans la bouche un arrière-goût agréable. C’est une manne que la nature envoie aux oiseaux qui ont des petits, & à ces petits. Des confitures, des ratafias, &c, se fabriquent avec lui. On le sèche au soleil ou au four pour le conserver pendant l’hiver. Les soupes au beurre dans lesquelles on le fait entrer en certaine abondance, à cette époque, sont très-bonnes & très-saines. Ecrasé dans l’eau, il fermente & donne un vin duquel on retire une eau-de-vie fort recherchée, appelée kirchwasse, du mot allemand kirchen-wasser (eau de cerise).

Clairegoule est le village de France qui passe pour faire le meilleur kirchwasse. Là, on ne cultive que la variété noire, on ne la récolte que quand elle est mûre à l’excès, ce qui oblige de monter trois fois sur le même arbre, & on ne distille qu’un mois après la fermentation. L’esprit retiré est d’un sixième en poids de celui des merises.

Pour faire du vin de merises, on les met dans un tonneau défoncé ; on les écrase & on les couvre avec un double drap ou une couverture. La fermentation s’établit & on remue pour la rendre plus égale. Lorsqu’il fait chaud, on peut transvaser le liquide dès le cinquième jour dans un tonneau, où il achève de se perfectionner. Ce vin est agréable, mais foible. On peut difficilement le garder, même en bouteille, jusqu’à la récolte suivante : aussi, depuis que les vignes sont devenues surabondantes, n’en met-on plus nulle part en France dans le commerce. Tout celui qui se fabrique est destiné à être distillé & faire du kirchwasse.

La distillation du kirchwasse a lieu dès que la fermentation est effectuée, & rarement très en grand, parce que chaque propriétaire veut opérer par lui-même : aussi arrive-t-il souvent que la liqueur sent l’empyreume, goût que les marchands soutiennent lui être inhérent. On concasse une petite partie des noyaux, pour que leurs amandes lui donnent leur saveur & leur odeur agréable.

C’est en Suisse, en Souabe, & sur les bords du Rhin dans les Vosges, qu’on fabrique le plus de kirchwasse. En France, on le vend toujours plus cher que la meilleure eau-de-vie de l’année, quoiqu’il dût être meilleur marché, puisque les merisiers ne demandent pas de frais de culture. Comme partout on peut en fabriquer, puisque partout on peut avoir des merisiers, ce n’est qu’à l’ignorance des cultivateurs que ce haut prix est dû.

On peut faire du kirchwasse avec toutes les espèces & les variétés de cerises, mais il est inférieur à celui des merises sauvages.

Pour terminer de suite ce qui a rapport à cet objet, j’observerai que le marasquin, cette liqueur, certainement la meilleure faite avec les fruits de l’Europe, dont la seule véritable se fabrique à Zara & autres villes de l’ancienne Macédoine, provient de la distillation des fruits du cerisier domestique, ou griottier, qui est sauvage dans ce pays comme dans l’Asie mineure, ainsi que je m’en suis assuré sur un arbre provenant de noyaux envoyés de Zara & cultivé chez Cels, & par les renseignemens pris pendant mon séjour à Venise, auprès des naturalistes de cette ville, qui fait un grand commerce de marasquin.

On tire des merises fraîches, par la distillation, une eau balsamique très-avantageuse à employer contre la toux, la coqueluche, les insomnies, & dont on ne fait pas assez usage. Elle se garde deux ou trois ans en bouteille dans la cave.

Les merises sèches & bouillies à grande eau, donnent la même propriété à cette eau, ainsi que j’ai eu occasion de m’en assurer.

La culture du merisier est très facile s & d’après cette circonstance & les avantages dont je viens de donner une légère idée, il semble qu’elle devroit être très-étendue ; mais le vrai est qu’elle n’est suivie que dans les grandes pépinières publiques & marchandes des environs de Paris. Rarement on plante des merisiers dans les bois, parce que, dit-on, les oiseaux en sèment toujours assez ; & lorsque les petits pépiniéristes des départemens, ou lorsque des particuliers en ont besoin pour greffer des variétés de cerises, soit à chair ferme, soit à chair molle, ils vont en lever dans les bois.

On pourroit tirer parti du noyau des merises pour faire de l’huile, pour fabriquer des émussions, pour servir de bases aux dragées, &c. ; mais la lenteur de leur extraction s’y oppose.

Le merisier des bois à fruit rouge pousse beaucoup plus vigoureusement que celui à fruit noir ; mais ce dernier est bien plus propre à la greffe, de sorte que c’est lui qu’on est déterminé à multiplier de préférence. La cause de cette différence n’est pas encore connue.

Quand on veut semer des merises, il faut les mettre en terre peu après qu’elles sont mûres, ou en lignes, à un pouce de profondeur, ou en masse, à un pied de profondeur. C’est ce dernier procédé qu’on suit ordinairement, & parce qu’on ne perd pas un terrain pendant six mois, & parce qu’on ne redoute pas les ravages des mulots, des campagnols, &c.

Au printemps, dans ce dernier cas, on tire les noyaux de terre, & on les sème comme il a été dit plus haut.

Le semis des merises à la volée ne doit pas

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