Page:Encyclopedie Methodique - Agriculture, T07, 1821.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
272
CHA CHA

Ce grand emploi de terrains, d’ailleurs géneralement impropres & par leur nature, & par leur inclinaison, & par leur élévation au-dessus de la mer, à la culture des céréales, est bien avantageusement compensé par l’immensité des récoltes des châtaignes dans les années qui leur sont favorables, récoltes qui tiennent lieu de toutes autres, presque partout, & sans lesquelles, par conséquent, les habitans ne pourroient vivre.

Mais si le châtaignier est d’une grande importance pour les habitans des montagnes, où les céréales & beaucoup d’autres objets de nos cultures ne peuvent pas croître, s’il assure leur subsistance pendant six à huit mois de l’année au moins, & par sa vente leur procure quelqu’argent pour acheter les autres articles de leurs besoins, il a une influence nuisible sur leur moral, en n’excitant pas le développement de leur industrie, puisqu’il ne demande d’autre soin de culture, après sa plantation & son émondage, que la récolte de ses fruits, & en rendant même leur corps lourd, comme peut s’en convaincre tout homme qui mangera uniquement des châtaignes pendant seulement un jour. De plus, les faire cuire, les éplucher & les manger, emploient chaque jour beaucoup de temps qui est perdu pour les travaux productifs. Aussi je ne sache pas que les habitans des pays à châtaignes soient nulle part amis du travail. Du moins tous ceux de ces pays où j’ai séjourné, ne m’ont offert que la paresse, l’ignorance & la misère. Les amis de la prospérité publique doivent donc désirer que ces habitans entremêlent la culture des pommes de terre à celle des châtaigniers, & qu’ils se livrent à quelque genre de fabrique propre à leur fournir les moyens d’acheter du blé, du vin & autres objets, au lieu d’émigrer, comme ils le font généralement, pour aller gagner quelque chose au dehors.

Comme de tout temps les habitans des montagnes granitiques se sont nourris de châtaignes, & que le châtaignier se multiplie difficilement de marcottes ou de rejetons, & jamais de boutures, il a dû fournir un grand nombre de variétés, les unes plus hâtives, les autres plus grosses, ses autres plus savoureuses, &c., variétés qui se sont conservées rigoureusement par la greffe dans quelques endroits, & qui se dégradent peu ou même s’améliorent dans quelques autres, par le soin de semer les plus belles châtaignes des variétés les plus estimées. Partout où j’en ai goûté, je les ai jugées différentes, de sorte que leur nombre doit être immense, mais se confondre par des nuances insensibles.

Souvent on a publié des nomenclatures des variétés : de châtaignes des Alpes, du Vivirais, du Perigord, du Limousin ; mais ces nomenclatures ont été prises sur un seul point des pays précités, &, considérées sous le point de vue général, ces nomenclatures n’apprennent rien aux personnes étrangères à ces pays. Cependant j’en vais transcrire une, celle des châtaignes du Périgord, que je regarde comme les meilleures de France, mais je ne les place cependant qu’au troisième rang de celles dont j’ai goûté, mettant au premier celles du royaume de Léon en Espagne, & au second celles de l’Apennin en Italie : de sorte que je crois avoir acquis la preuve, par ma propre expérience, que les châtaignes sont d’autant meilleures qu’elles préviennent de latitudes plus méridionales.

On appelle marrons toutes les grosses châtaignes qui sont l’objet d’un commerce avec Paris & le nord de l’Europe. Il n’est pas rare de voir de ces marrons qui ont près de deux pouces de diamètre & qui se vendent trois sous, terme moyen, ce qui porteroit à plus de 600 fr. le produit d’un seul arbre ; mais ces marrons monstrueux sont choisis sur toute la récolte des variétés à gros fruits. Quelque recherchés qu’ils soient par l’opulence, je les regarde comme bien inférieurs en bonté à certaines châtaignes du Périgord. On reconnoît les marrons du Luc à la largeur de leur ombilic, c’est-à-dire, de la partie qui tenoit au réceptacle du hérisson.

Ainsi que je l’ai déjà observé, les châtaignes des bois des environs de Paris sont petites, peu savoureuses & d’une garde très-difficile, même dans les années les plus chaudes. On en tire cependant un grand parti, parce qu’elles se cueillent avant maturité complète, & se vendent à Paris avant l’arrivée de celles du Midi.

Variétés des châtaignes des environs de Périgueux, suivant l’ordre de leur maturité.

« La royale blanche est la plus hâtive & donne un fruit gros, camus & très-coloré. Elle ne se conserve pas long-temps. On la récolte à la fin de septembre. L’arbre est pyramidal & a la feuille peu colorée.

» La portalone se récolte en même temps que la précédente, donne un fruit de moyenne grosseur, presque rond, de couleur jaune, à écorce fine, à goût très-savoureux. L’arbre est étendu, & la feuille petite & d’un vert foncé.

» La corise est petite & camuse. On la conserve long-temps & on la sèche avec avantage.

» La royale Hélène est lisse & gluante en sortant de son brou. Elle est assez bonne.

» La grande-épine est un peu alongée ; son brou est armé d’épines beaucoup plus longues que les autres.

» La ganebelonne est assez grosse, un peu aplatie, pointue, très-colorée. Elle se conserve longtemps & se sèche avec avantage.

» La caniande est une des plus grosses ; sa couleur est brune. Elle a un peu de duvet à sa pointe ; sèche très-bien.

» La verte. C’est la plus généralement cultivée, parce qu’elle se conserve le mieux & que l’arbre charge beaucoup.

» L’anglande