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CARACTERES ET ALPHABETS
DE LANGUES MORTES ET VIVANTES,
Contenant vingt-cinq Planches.



ON ose se flater que le public verra avec plaisir le recueil d’alphabets anciens & modernes que nous lui présentons. Il n’est pas aussi ample ni aussi détaillé que nous l’eussions desiré ; mais nous pouvons au moins assurer qu’il est plus exact que tout ce qui a paru jusqu’ici en ce genre. Nous avons eu l’attention de ne tracer ces alphabets que d’après les meilleurs originaux que nous avons pû recouvrer ; & souvent nous en avons eu plusieurs sous les yeux pour nous guider dans le choix que nous en devions faire. Ceux que l’on trouve en assez grand nombre dans le tresor des langues de Duret, & dans d’autres recueils, sont mal exécutés, & sans choix ; plusieurs même sont entierement faux & imaginaires. Nous espérons que l’on ne nous fera point un pareil reproche. Nous avons mieux aimé nous contenter d’un petit nombre, que d’en hasarder un seul. La plûpart des alphabets indiens compris dans ce recueil, ont été envoyés de Pondichéri, il y a trente ans au moins. On avoit dessein alors, à la sollicitation des missionnaires françois, d’en faire graver les poinçons à Paris, pour établir plusieurs imprimeries aux Indes, à l’exemple des Danois, qui y avoient dèslors une imprimerie tamoule ou malabare. On doit juger par-là, de l’exactitude de ces alphabets, & du degré de confiance qu’on doit leur donner.

Comme il doit régner de l’ordre par-tout, il n’est point hors de propos de rendre compte ici de celuique nous avons observé par rapport à ces alphabets. Nous avons crû devoir débuter par l’hébreu & les autres alphabets qui en dérivent, comme le samaritain, le syriaque, l’arabe, l’égyptien, le phénicien, le palmyrénien, le syro-galiléen, l’éthiopien ; de-là nous passons aux anciens alphabets grecs & latins, & aux différens alphabets européens, qui dérivent manifestement des précédens ; viennent ensuite les alphabets arméniens, géorgiens, & celui de l’ancien persan, qui paroissent n’avoir aucun rapport avec les précédens, ni pour la forme des caracteres, ni pour les dénominations. Nous avons placé à la suite de ceux-ci, les alphabets indiens, le grandan, l’hanscret, le bengale, le talenga, le tamoul, le siamois, le bali, le thibétan, le tartare mouantcheou, & le japonnois ; enfin nous avons terminé notre recueil par les clés chinoises. Le chinois pourroit disputer d’antiquité avec l’hébreu & le samaritain ; mais comme c’est une écriture figurée, & dans l’origine, représentative des objets signifiés ; qu’elle n’a conséquemment aucune relation avec les caracteres alphabétiques, nous avons crû pouvoir lui assigner ce rang, sans pour cela avoir aucun dessein de contester sa haute antiquité, dont je suis très-persuadé.

PLANCHE Iere.
Hébreu & Samaritain.

Les Hébreux ont vingt-deux lettres ; leurs dénominations sont significatives. Aleph signifie bœuf, chef ; beth, maison ; ghimel, un chameau ; daleth, porte ; vav, un crochet ; zaïn, trait, glaive, massue ; cheth, un quadrupede, un sac ; theth, boue ; iod, la main ; caph, la paume de la main ; lamed, pointe pour animer le bœuf au travail ; mem, tache ou eau ; noun, poisson, race, lignée ; samech, appui ; aïn,

l’œil ; phe, la bouche, le visage ; tsade, les côtés ; coph, singe ; resch, la tête ; schin, les dents ; tav, terme, borne. Comme il y a déja beaucoup de siecles que la langue hébraïque n’est plus une langue vivante, on ne peut répondre que tous ces noms signifient précisément ce qu’on leur fait signifier ici ; mais il y en a plusieurs dont on est assuré. Ces dénominations, selon moi, prouvent deux choses, la premiere, que les caracteres alphabétiques des Hébreux avoient été empruntés des lettres sacrées ou hiérogrammes des Egyptiens ; la seconde, que ces lettres hébraïques, telles que nous les présentons ici, non plus que les samaritaines, ne sont point de la premiere antiquité, puisqu’elles devroient figurer les choses qu’elles signifient. Cependant à mettre en parallele les lettres hébraïques avec les samaritaines, & en les examinant attentivement d’après cette idée, je ne doute aucunement qu’on ne donne la prééminence aux lettres samaritaines ; elles retiennent plus de leur ancienne origine, que les lettres hébraïques ; mais je suis persuadé que les unes & les autres viennent constamment des Egyptiens, qui sans doute avoient formé leur alphabet de quelques-unes de leurs lettres sacerdotales ou hiérogrammes ; peut-être même doit-on envisager ces dénominations aleph, beth, &c. comme les anciens noms égyptiens de ces lettres.

Les Hébreux comptent quatorze points voyelles, dont cinq longs, cinq brefs, & quatre très-brefs. Les cinq longs & les cinq brefs sont appellés mélakim, ou les rois ; les cinq très-brefs sont les ministres. Les dénominations de ces points-voyelles, qui sont camets, tsere, chirek, cholem, patach, &c. ont leurs significations dans la langue hébraïque, quoi-que Capelle soutienne le contraire, & qu’il prétende que ce sont des mots étrangers à cette langue. Camets signifie le compresseur, parce qu’il faut serrer les levres pour le prononcer ; patach, apertor, parce qu’il oblige à ouvrir les levres, &c.

Outre ces points-voyelles que l’on voit dans la Planche, les Hébreux en ont encore d’autres, que je n’aurois point omis, si cette Planche n’eût point été déja gravée lorsque j’ai eu la direction de ces alphabets. Ces points sont le dagesch, qui se met dans le ventre de la lettre, & sert à la doubler ; le mappik, qui est un point qui se met dans le he finale, & le rend mobile. Les Hébreux ont aussi un grand nombre d’accens ; savoir, douze qui se mettent sous les lettres, dix-huit qui se mettent dessus, quatre qui se mettent dessus & dessous, un qui se met à côté. Ces accens servent à avertir d’élever ou de baisser la voix ; il y a les accens aigu, grave & circonflexe ; d’autres servent à distinguer les différens membres d’une phrase ; enfin il en est aussi dont on ignore l’usage, mais qu’on ne laisse pas, nonobstant cela, de marquer dans le texte hébreu de la Bible, avec la plus sévere exactitude. Les doctes hébraïsans ont eu de grandes disputes entr’eux sur l’origine & l’antiquité de ces points & de ces accens ; les uns, par un excès de zele, ont prétendu soutenir que cette quantité prodigieuse de points & d’accens étoit aussi ancienne que les lettres mêmes ; leurs adversaires, au contraire, ont soutenu qu’ils étoient nouveaux, & de l’invention des Massoretes, qui trouverent le moyen de fixer la leçon du texte sacré, par l’appo-