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Page:Encyclopedie Planches volume2.djvu/196

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tous les mouvemens qu’elle fera sur le papier, lequel doit être positivement en face de la tête, & que les doigts de la main gauche dirigent en le tenant par en bas. Que les jambes posent toutes deux à terre vis-à-vis le corps; qu’elles soient peu éloignées l’une de l’autre, & que leurs piés soient tournés en-dehors. Je ne répéterai point ce que j’ai dit dans les observations précédentes sur la tenue de la plume, qui est la même pour les personnes du sexe que pour les hommes; j’observerai seulement qu’elle doit être placée dans les doigts de façon qu’elle se trouve dans la même ligne du bras. Dans le cas qu’une demoiselle écrivît de l’écriture françoise, comme il s’en voit plusieurs, elle auroit attention d’écarter plus ses bras du corps que ne le demandent les autres écritures. On sentira mieux l’esprit de cette position en examinant l’attitude de la planche troisieme, où la figure se trouve mesurée par les lignes perpendiculaires A. B.

Mon intention n’est pas en donnant cette nouvelle méthode, de décréditer celle dont on s’est presque toûjours servi, mais on conviendra qu’elle est beaucoup meilleure pour les hommes dont rien ne gêne les mouvemens, que pour les demoiselles que l’on assujettit dès le bas âge à des corps de baleine ou d’autre matiere aussi peu fléxible, & pour lesquelles il faut chercher une position qui n’ajoûte point à la contrainte où elles sont déja. J’ai éprouvé plusieurs fois celle que j’annonce ici, & le succès a toujours répondu à mon attente. Ainsi les meres, qui pour conserver la taille de leurs filles, les privent la plûpart d’une connoissance utile dans quelque état qu’elles se trouvent, n’auront à craindre aucun accident, si le maître, chargé de la leur donner, la met en usage. On peut l’employer aussi pour les personnes de distinction, qui écrivant peu, peuvent se dispenser de poser le corps sur le bras gauche.

Sur la représentation d’une main qui tient la plume.

Comme la main est représentée dans le bas de la planche troisieme, ainsi que je l’avois promis ci-devant, il est juste d’expliquer ce que l’on entend par les numéros qui l’environnent. Cette double instruction, quoique peu étendue, fera mieux comprendre la vraie maniere de tenir la plume.

Le chiffre 1. fait voir l’extrémité du doigt major qui soutient la plume à côté de l’ongle & au milieu de sa grande ouverture.

Le 2. expose le pouce qui la conduit & la soutient entre la premiere jointure du doigt index & l’extrémité du même doigt.

Par en haut on voit au nombre 3. que la plume passe en-dehors, & entre la deuxieme & troisieme jointures du doigt index.

Les chiffres 4. & 5. font connoître les doigts annulaire & auriculaire, qui s’éloignent du doigt major un peu en-dessous pour venir en avant, & posent légérement sur le papier.

Le 6. fait voir le poignet posant très-foiblement sur le papier, quoique la main s’y soutienne en partie.

Le 7. exprime le jour qui doit se trouver sous la main, & entre le poignet & les deux doigts annulaire & auriculaire.

Le 8. annonce l’extrémité du doigt index qui couvre la plume dans toute sa longueur.

Le 9. enfin marque le bec de la plume sur lequel porte tout le poids de la main.

Pour accompagner la main dont je viens de parler, on a ajoûté trois instrumens convenables à l’art d’écrire. Le premier désigné par la lettre C. représente le canif ordinaire; le D. le canif fermant, & la lettre E. le gratoire.

Sur la fléxion & l’extension des doigts.

La fléxion & l’extension sont positivement les deux facultés des doigts, qui sont la base de l’écriture; c’est de leur agilité, de leur souplesse, qu’elle emprunte sa beauté & son élégance. J’ai consulté la nature pour en connoître la véritable source. Sans recourir à des observations anatomiques, l’expérience d’accord avec la raison m’a fait reconnoître une liqueur onctueuse appellée par les Anatomistes sinoviale, qui se filtrant par des

glandes qui portent son nom, arose, pénetre, humecte les ligamens, les nerfs, & leur donne le jeu, le ressort que demande l’articulation la plus facile & la plus complette. Si cette liqueur pénetre avec trop d’abondance, elle amollit, dilate les nerfs; de-là naissent les tremblemens & les foiblesses. Si au contraire elle passe avec trop de lenteur, ce qui peut arriver par l’âge ou par un vice caché ou apparent, elle desseche, appauvrit les nerfs; de-là l’irritation, la pénible contrainte dans le mouvement des doigts. Il faut donc, pour que la main soit adaptée (pour parler le langage de l’art) à l’écriture, que cette substance onctueuse ne coule qu’autant qu’il en faut, pour que la fléxion & l’extension soient libres. En partant d’un tel principe, qui me paroît clair & convaincant, il ne faut pas s’étonner si les mains soit dures ou foibles, se corrigent à la longue. Dans le premier cas, il faut faire des fléxions & extensions longues & fréquentes sans trop serrer la plume; la raison en est qu’en facilitant le cours de la liqueur sinoviale, elle rendra le mouvement des doigts plus libre & plus régulier. Dans le second cas on doit appuyer & serrer davantage la plume, parce que la fléxion étant plus roide & moins précipitée, la liqueur coule avec moins de vîtesse, & laisse aux nerfs une force, une consistance plus ménagée, par conséquent plus analogue à l’écriture.
PLANCHE IV.
Sur la taille de la Plume.

Si la position du corps & la tenue de la plume sont les premieres choses auxquelles on doive s’attacher lorsque l’on veut parvenir à une écriture aisée & méthodique, il en est encore une qui n’est pas moins importante. C’est celle de bien tailler la plume. Tout ce que j’ai à dire sur ce sujet se réduit à trois articles: sur la maniere de tenir la plume & le canif pour la tailler; sur les coupes différentes par où elle passe avant d’arriver à sa taille parfaite; enfin sur les proportions qu’elle doit avoir lorsqu’elle est taillée.

Sur la maniere de tenir la plume & le canif.

La plume se tient par les trois premiers doigts de la main gauche, & le canif se trouve dans la main droite. Il n’est guere possible d’expliquer la position de l’un & l’autre instrument; il faut se conformer à ce que la quatrieme planche expose à la vue. On observera pourtant que la plume doit être droite vis-à-vis le corps pour commencer sa taille; que les doigts index & major de la main gauche la soutiennent par-dessous, pendant que le pouce en-dessus lui fait faire tous les viremens que sa taille exige. La lame du canif déborde la main droite pour pouvoir couper la plume qui pose sur le pouce droit. Le canif ne se meut que par les quatre derniers doigts de la main droite, qui enveloppe le manche.

Sur les coupes différentes de la plume.

Comme la taille de la plume renferme des termes qui lui sont propres, il est nécessaire pour l’intelligence de toutes ses coupes, de les connoître même sur la plume. La figure A. qui représente une plume sur le côté les démontre. Le chiffre 1. fait voir le côté du ventre; le 2. le côté du dos; le 3. le commencement de la grande ouverture; le 4. la carne du pouce; le 5. la carne des doigts; le 6. la fente & l’extrémité du bec; le 7. l’angle du pouce, & le 8. l’angle des doigts. Instruit par ces légeres notions, il est d’usage avant de tailler la plume de la redresser lorsqu’elle n’est pas droite; après cela on commence par couper obliquement un peu du bout de la plume du côté du ventre, en tirant devant soi; on en fait autant du côté du dos; ces deux premiers degrés de la coupe se voyent aux figures B. & C. Ils servent à la préparer pour recevoir la fente. Cette fente qui se fait du côté du dos est le canal par où s’écoule l’encre; elle se commence avec le tranchant du canif que l’on souleve un peu dans le tuyau, & elle se continue avec le bout du manche du même canif que l’on souleve aussi pour allonger cette fente, ayant soin de mettre le pouce gauche à l’endroit où l’on veut l’arrêter. La figure D. exprime cette fente. Ensuite on retourne la plume, & on lui fait une grande ouverture sur le ventre, ainsi