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tre elles un espace non peint; ce défaut de la carte s’appelle une fenétre.

Dernier séparage de cartons. Pour éviter que le côté du papier-cartier ne soit taché, lorsqu’on imprime les couleurs, on laisse deux cartons ensemble, le papier-cartier en-dedans, & les côtés du papier-pot en-dehors recevant la peinture. Quand on a peint, on sépare les cartons, en déchirant un peu un des angles, afin de pouvoir insérer entre eux un couteau de bois. On exécute cette opération avec la main, si le carton est bien sec.

Un ouvrier peut séparer par jour, comme il a été dit ci-dessus, jusqu’à quatre cens cinquante mains de cartons.

Chauffage & lissage. C’est la lisse qui donne aux cartes le luisant qu’on leur voit; le lissage se fait comme on va dire.

On fait chauffer les cartons dans des chauffoirs de différentes sortes, selon l’emplacement du maître cartier.

Le carton se chauffe d’abord pardevant, c’est-à-dire du côté des couleurs, puis on le frotte avec un frottoir de lisiere ou de feutre. On a passé dessus auparavant un morceau de savon bien sec; il ne s’attache au carton qu’une portion très-légere de savon. Cette portion de savon fait couler la lisse, & l’empêche d’érafler le carton. Quand on a savonné le carton, on le lisse du côté où il a reçu cette préparation.

La lisse est composée de cinq parties essentielles.

D’une table un peu flexible, sur laquelle est posé un marbre poli, un peu plus grand que les cartons.

Ce marbre est appliqué sur la table, & il sert de soutien à la feuille qu’on lisse avec un caillou.

Le caillou s’aiguisse sur un grais; il est emboîté dans un morceau de bois à deux manches, ou, comme disent les ouvriers, à deux mancherons ou poignées. Cette boîte tient au bout d’une perche qui est bridée par son autre bout à une planche tenue au plancher verticalement au-dessus du marbre. Cette planche fait ressort & détermine le degré de pression convenable pour lisser & lustrer le carton.

Après cette premiere opération, on en use de la même maniere pour le derriere ou le dos de la carte.

Boutée. Les cartiers lissent leurs ouvrages par boutées. Une boutée est ordinairement de quarante sixains, & employe plus ou moins de cartons, selon l’espece de jeux. Le nombre des cartons ne varie jamais, par rapport aux têtes & aux valets, parce que le nombre en est toujours le même pour toutes sortes de jeux.

On subdivise les boutées par patrons. On entend par un patron une quantité de chacune des especes de cartons qui servent à former le jeu, & cette quantité est plus ou moins forte, selon le nombre & l’espece de cartons à réduire en jeux.

Il y a des patrons de têtes où les valets rouges sont compris, des patrons de gros jeux, qui sont les dix, les neuf & les huit.

Des patrons de bas jeux, qui sont les six, les cinq, les quatre, les trois & les deux.

Des patrons de sept & d’as, parce qu’ils sont peints ensemble sur le même carton.

Une boutée de quarante sixains d’entieres est composée de six mains de têtes, une main de valets rouges, huit mains de gros jeux, deux mains de sept & d’as, & dix mains de bas jeux.

On peut estimer là-dessus les boutées de quadrilles, piquets & brelans, dont il n’y a à retrancher que le gros ou le bas jeu.

Il y des maîtres cartiers qui ne composent leurs boutées que de trente ou même vingt sixains; cela dépend de leur vente. Dans tous les cas il ne s’agit que de proportionner le nombre de feuilles que chaque patron contiendra, à la quantité de sixains à fabriquer.

L’usage des cartiers est d’avoir toujours plusieurs boutées de toute espece lissées par-devant. Ils ne font lisser le derriere ou dos, qu’à mesure qu’ils réduisent en jeux, parce que l’air altere le luisant de la lisse, & qu’on ne peut trop attentivement conserver l’égalité de blancheur au côté de la carte que le joueur regarde quand il mêle ou qu’il donne.

Un bon ouvrier peut lisser par jour des deux côtés vingt à vingt-cinq mains de cartons.

Le carton est plus ou moins luisant, selon le nombre de coups de lisse qu’il reçoit; l’ordinaire est de vingt-quatre coups de lisse sur chaque côté.

Ceux qui ne donnent au carton que seize coups de lisse, doivent faire un tiers plus d’ouvrage.

Mener aux ciseaux. Lorsqu’une boutée de cartons est lissée par-devant & par-derriere, on la réduit en cartes.

Cette opération se fait avec deux paires de ciseaux, l’une grande, & l’autre petite.

Les grands ciseaux ont environ vingt pouces de longueur de tranchant; les petits, onze pouces aussi de tranchant.

Ils sont montés & attachés sur des tables qui sont exprès faites, & où des vis & des écrous les arrêtent solidement, & les placent à la distance convenable de leurs estos qui sontscellés à ces tables. Il y a deux aiguilles piquées vis-à-vis le tranchant; ces aiguilles servent à diriger & guider le carton.

Rogner & traverser. On commence par rogner aux grands ciseaux le bout d’en-haut du carton, puis son côté droit, ensuite on le divise en quatre coupeaux, c’est-à-dire en autant de portions qu’il contient de cartes de hauteur; & cela s’appelle traverser.

Trancher. On corrompt le coupeau, c’est-à-dire qu’on le rend concave sur sa longueur du côté de la peinture, pour le mener plus facilement aux petits ciseaux, ou le trancher.

Un bon ouvrier peut dans quatre heures mener aux grands & petits ciseaux une boutée de quarante sixains d’entieres. On peut régler là-dessus le tems qu’il employe pour les boutées de piquets & de brelans.

Des tables. Les cartes coupées sont portées à la table où elles doivent être assorties, triées, recoulées, jettées & enveloppées par jeux & par sixains.

Triage & recoulage. Ces opérations consistent à enlever avec une pointe d’acier les ordures qui se trouvent sur le devant & le dos de la carte; séparer les blanches des brunes, & les défectueuses des bonnes, &c.

Par ce travail chaque sorte se trouve composée de quatre especes différentes, 1. des belles qu’on appelle la fleur, ce sont les plus blanches & les plus nettes; 2. des brunes qui se nomment fonds, la qualité du papier en est inférieur à celle du papier des belles; 3. les communes qui ont des défauts, & qu’on appelle maîtresses; 4. les cassées qu’on vend à la livre.

Il y a ordinairement sur une boutée de quarante sixains, deux sixains de fonds, deux ou trois sixains de maîtresses, deux ou trois sixains de cassées, & le reste de fleur.

D’où il s’ensuit que les déchets du maître cartier peuvent être évalués à cinq ou six pour cent.

Assortissage. L’assortissage consiste à rassembler par sorte les cartes menées aux ciseaux, c’est-à-dire à réunir les rois de carreau ensemble, les dames de carreau ensemble, & ainsi des autres especes de cartes.

Jetter. Les cartes assorties sont mises en jeux; c’est ce qui s’appelle jetter.

La premiere carte placée dessus la table pour former un jeu, s’appelle la couche.

Envelopper. Lorsque les jeux sont complets, on les enveloppe dans des papiers à l’enseigne du fabriquant; cela s’appelle plier en jeux. On fait ensuite la couche, c’est-à-dire que l’on met la fleur des cartes de maniere qu’en composant les sixains, il se trouve à chaque bout du sixain un jeu de fleur.

Un bon ouvrier peut par jour assortir, trier, recouler, jetter ou réduire & envelopper en jeux & sixains une boutée de quarante sixains d’entieres; mais comme cette boutée est plus forte pour le travail que celle des autres especes de jeux, il y a peu d’ouvriers qui puissent en venir à bout.

Par le détail précédent de la fabrication des cartes, & du tems qu’un ouvrier employe à chaque opération, il est facile d’estimer l’ouvrage d’un maitre cartier, selon le nombre des ouvriers qu’il occupe.

D’ailleurs avec un peu d’attention à suivre le travail,