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EPINGLIER,
Contenant trois Planches, dont deux doubles.
Description de la façon dont on fabrique les épingles à Laigle en Normandie.

IL y a deux sortes d'épingles; l'une qui est faite avec du cuivre nommé laiton ou laton, & l'autre avec du fil-de-fer; la premiere est beaucoup plus utile & plus en usage que la derniere, & c'est de cette sorte d'épingle dont on va parler.

Le cuivre dont on fabrique ces épingles, se tire de Suede ou d'Allemagne en gros fil, que l'on réduit à Laigle à la grosseur dont on a besoin pour chaque sorte d'épingle, en le faisant passer par différens trous de filiere, au moyen d'une machine que l'on nomme buche à dégrossir, & d'une autre nommée bobille. On ne parlera point ici de la façon dont ces opérations se font, parce qu'il en a été fait une description particuliere.

On suppose donc le fil réduit à la grosseur convenable, & tel qu'il sort de dessus la bobille en paquets d'environ six pouces de diametre. On commence par dresser ce fil de la façon suivante.

Le dresseur prend un paquet de fil de laiton (Pl. II. fig. 2.) qu'il pose sur le tourniquet G, & dont il fait passer le bout entre les clous, & de la façon figurée par le plan de l'engin, (fig. 17. n. 2. Pl. II.) Il tient ce bout avec des tenailles ordinaires, & le tire en courant sur un espace d'environ cinq toises de longueur planchéié; il quitte ce bout & revient a l'engin où il coupe le fil, après quoi il recommence la même opération, & ce successivement jusqu'à la fin de la botte de fil.

Cette fonction paroît bien simple; & si cependant elle est la plus difficile à pratiquer de toutes les autres: tout l'art consiste à placer six clous sur une planche d'environ huit pouces de long sur six de large, (fig. 17. n. 2. Pl. II.) que l'on nomme engin, de telle sorte que l'espace du vuide entre les trois premiers soit exactement de l'épaisseur de chaque sorte de fil que l'on dresse en ligne droite, & que les autres clous puissent faire prendre au fil une certaine ligne courbe qui doit changer suivant les différentes grosseurs & premieres courbures de ce fil, & dont la construction seule donneroit bien de l'ouvrage aux théoriciens.

L'intervalle de ces clous doit aussi être différent pour chaque grosseur de fil; & la fig. 17. Pl. II. représente la grandeur au naturel & la position de ces six clous, telle qu'elle doit être pour dresser le fil propre à faire les épingles, n°. 10, dont l'espace est de deux pouces quatre lignes, celle pour les épingles du n°. 6. est de quatre pouces; & ainsi à proportion des autres grosseurs en augmentant d'une ligne au-dessus du n°. 10, & en diminuant d'autant au-dessous.

Les dresseurs mêmes, ouvriers qui sont journellement dans l'usage de poser ces clous, manquent souvent de le faire dans les proportions convenables, & pour lors le fil n'est pas parfaitement droit, ou est si courbe qu'ils sont obligés de recommencer l'opération; mais comme ces différens ouvriers travaillent tous à leur tâche, le fabriquant n'y perd rien.

L'on voit qu'il faut un engin différent pour chaque sorte de fil, à l'exception néanmoins que lorsque ce fil est un peu mou, un même engin peut servir à deux grosseurs peu différentes l'une de l'autre.

L'ouvrier peut dresser dix toises de longueur de fil par minute, gros ou menu, qui font six cens toises par heure; & comme il parcourt le double de cet espace pour revenir à l'engin, lorsqu'il a dressé un bout, il suit que ce dresseur parcourt douze cens toises ou une demi-lieue par heure.

Lorsqu'il y a une botte du poids d'environ vingt-cinq livres de dressé, l'ouvrier en prend le bout du côté de l'engin, sur lequel il frappe, pour que les bouts grands & petits, ne se surpassent pas les uns les autres, & il lie le tout avec un bout de fil de laiton; il attache ensuite à sa cuisse gauche proche le genou la chausse (fig. 21. n. 2. Pl. II.). Il s'assied à terre, ayant la jambe droite ployée de façon que le bout du pié soit sous sa cuisse gauche, ce qui donne une espece de ressort à son genouil & qui est nécessaire pour couper ce fil avec la force (fig. 12. Pl. II.) dont il met le bout du bras le plus long (& qui est plat, ainsi qu'il se voit au profil joignant) sous son jarret droit; ensuite il coupe ce fil de la longueur de trois ou quatre épingles, que l'on nomme tronçons, en mettant la cueillée ou poignée de fil, liée ainsi qu'il est dit ci-devant, sur la chausse (fig. 21. n. 12. Pl. II.), & la serrant avec la crosse de fer n entre les crampons r, s, de telle sorte qu'elle excede d'environ un pouce la longueur de trois ou quatre épingles auxquelles le fil est destiné. L'on met ensuite une boîte de fer (fig. 10. Pl. II. & n. 19. fig. 21.même Pl.) au bout de la cueuillée dont la longueur est ici de quatre pouces neuf lignes pour la longueur de trois épingles du n°. 20, ou de quatre du n°. 12, laquelle le dresseur tient bien ferme de la main gauche; & de la droite il coupe la cueuillée à environ quatre lignes de cette boîtée, pour suppléer à ce dont les épingles sont raccourcies en leur faisant la pointe, & ce avec la force susdite, en appuyant sur le bras le plus court. Il met cette partie coupée dans une sebille, & après avoir ôté la crossette n, fig. 21. n. 2. il recule le lien de la cueuillée, & l'avance sur la chausse en recommençant l'opération précédente jusqu'à son bout. Et pour cette dressée de cinq toises de longueur dans la boîte ci-devant dite de quatre pouces neuf lignes, l'ouvrier a employé vingt-deux minutes de tems, & ainsi des autres, proportionnément à la raison inverse de leur longueur.

Pour dresser le fil des différentes grosseurs & couper les tronçons, le dresseur a un sol de la douzaine d'épingles, composée de douze milliers, & il fournit le treizieme millier par-dessus le marché, pour les défectueuses.

Un ouvrier peut en faire de la sorte huit ou dix douzaines par jour, & gagner par conséquent huit ou dix sols.

L'engin, le tourniquet, & la table qui les porte, peuvent valoir 6 liv.

La chausse coûte 4 liv.

La force, que l'on nomme aussi ciseaux ou cisailles, coûte 3 liv. 10 s.

Et chaque boîte à couper les tronçons coûte 10 s.

Le dresseur remet ensuite ces tronçons à l'empointeur qui fait la pointe à chaque bout avec la meule représentée par la fig. 5. de la vignette, & la fig. 16. bas de la Pl. II. composée d'une grande roue de cinq piés & demie de diametre, dont les jantes sont recreusées d'un pouce en auget pour tenir la corde, laquelle roue a sa manivelle de treize pouces de longueur, & est portée sur deux poteaux de charpente, ainsi qu'il est figuré par le dessein. A seize de distance de milieu en milieu, est une espece de billot contenant dix-huit pouces en quarré par bas, quinze pouces par le haut, lequel est recreusé, ainsi qu'il se voit. Dans la fig. 16. est représentée la meule dessinée plus en grand au-dessous, laquelle est de fer trempé, & a six pouces de diametre sur un pouce huit lignes d'épaisseur, avec un œil de deux pouces neuf lignes dans le milieu. La surface de cette meule est taillée un peu obliquement. Dans l'œil l'on place une espece de couronne de bois ou tampon quarré en dedans pour y placer le fuseau d'acier de huit pouces dix lignes de long & sept lignes de gros en quarré portant à deux pouces deux