Page:Encyclopedie Planches volume 3.djvu/53

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quet avec un seau d'eau, dans laquelle on a fait bouillir pendant une demi-heure à gros bouillons une demi-livre de tartre-de-vin: ce baquet a vingt-un pouces de diametre par le haut & quatorze pouces de hauteur, avec une anse de fer & un crampon au haut suspendu à une piece de bois stable; un homme remue le tout pendant une demi-heure sans relâche, en tenant le baquet à deux mains, l'une au bord de dessus, & l'autre aux peignes d'en-bas, ce qui jaunit & décrasse l'épingle. Ensuite on jette l'eau, & on en remet deux ou trois fois jusqu'à ce que l'on connoisse par la netteté de l'eau que les épingles auront été bien décrassées; cette derniere opération dure environ un quart-d'heure, & elle est faite ainsi que la précédente par le tourneur de la roue de l'empointeur, ainsi qu'il a été dit dans son lieu.

Ce baquet coûte 5 liv. avec sa ferrure.

Ensuite on jette l'eau pour bien égoutter les épingles qui sont pour lors jaunes, & on les fait blanchir de la façon suivante.

On met un demi-pouce d'épaisseur d'épingles sur les plaques rondes d'étain le plus fin d'Angleterre de seize pouces de diametre; l'on pose les plaques l'une sur l'autre au nombre de vingt sur une croisée ou gril de fer où sont attachées quatre cordes, en observant de mettre la même sorte d'épingles ensemble; deux hommes portent ces plaques dans une chaudiere de cuivre rouge qui a été mise auparavant sur le feu, laquelle a dix-huit pouces de diametre & deux piés & demi de hauteur; l'on continue de mettre plusieurs de ces croisées de fer, chargées chacune de vingt plats jusqu'à la hauteur du bord de la chaudiere, en observant de mettre dehors les bouts des cordes attachées aux croisées qui portent ces plats; l'on emplit ensuite cette chaudiere de l'eau la plus claire que l'on peut avoir avec quatre livres de tartre-de-vin le plus blanc & le meilleur; on laisse le tout bouillir ensemble pendant quatre heures de tems à gros bouillons; ensuite quatre hommes enlevent la chaudiere de dessus le feu avec deux galons ou leviers de bois qu'ils passent dans des crochets mis aux boucles de fer qui sont de chaque côté au haut de la chaudiere, & on retire les croisées avec leurs cordes que l'on met séparément dans un baquet d'eau fraîche & nette. En retirant les plaques d'étain, & ne mettant ensemble que les mêmes sortes d'épingles, on les lave bien; après quoi on verse l'eau des baquets, & on met les épingles de chacun sur une serpiliere de grosse toile: cette fonction a été faite par le jaunisseur qui est aussi le tourneur de la roue à empointer.

Ensuite les entêteurs d'épingles sont tenus, sur le prix ci-devant dit, de frotter & faire sécher les épingles; ce qui se fait en mettant environ quatorze livres d'une même sorte avec du son dans un sac de cuir composé de deux peaux de mouton cousues ensemble, à quoi sont employés deux hommes pendant un quart-d'heure, qui tiennnent chacun le bout du sac & se renvoient les épingles mutuellement environ cinq cens coups à chaque bout du sac à frotter, ce qui fait mille coups en tout. Ce sac a trois piés de long, dix-huit pouces de large par un bout, & dix par l'autre.

Ensuite on met six ou sept livres pesant d'épingles dans un plat de bois de dix-huit pouces de diametre & trois pouces & demi de profondeur, nommé plat à vanner, dans lequel on vanne les épingles pour en faire sortir le son, lorsqu'elles sont séches; un demi quart-d'heure suffit pour faire cette fonction, & ce sont pareillement les entêteurs qui le font sur les prix ci-devant dits.

Les plaques d'étain pesent chacune une livre & demie, & coûtent vingt-huit sols la livre en lingots, que les marchands de Laigle fondent eux-mêmes: il en faut une soixantaine pour emplir la chaudiere, cette chaudiere coûte 80 liv.

La gravelle ou tartre-de-vin se tire de la Rochelle, de la Saintonge, de Château-du-Loir, &c. & coûte, rendu à Laigle, 25 liv. le cent pesant de cent quatre livres.

Lorsque les épingles out été vannées, on en met chaque sorte dans des demi-boisseaux ou quarts; on les donne aux bouteuses qui les placent dans les papiers.

Ces papiers sont percés avec une espece de peigne de fer dont les dents sont d'acier, & représenté par la fig. 7. Pl. III. que l'on nomme quarteron.

Il y en a de différens, suivant les sortes d'épingles: celui d'un pouce neuf lignes de longueur, deux pouces de hauteur, avec un manche ou queue d'un pouce sur six lignes, sur lequel on frappe avec le marteau représenté par la fig. 8. Ce quarteron convient aux épingles des numéros VIII. & IX. Il coûte 1 liv. 5 sols; le marteau en coûte 12. Ce sont les bouteuses qui se fournissent de ces outils: elles peuvent percer douze douzaines de milliers de trous par jour, gros ou menus.

Une bonne bouteuse peut placer ou bouter dans les papiers quartre douzaines de milliers d'épingles par jour, & une bouteuse ordinaire deux douzaines de milliers, grosses & petites: elles ont 1 sol par douzaine de milliers pour cette opération.

Elles sont aussi chargées d'éplucher les épingles pour rebuter les défectueuses; & pour percer le papier, bouter les épingles & les éplucher, elles ont 2 sols 6 den. par douzaine de milliers, grosses & petites. Les plus fortes ouvrieres gagnent 4 sols par jour à ces trois fonctions, n'en faisant que deux douzaines de milliers; & les enfans de six à huit ans, qui peuvent y être employés, attendu la facilité de l'opération, peuvent gagner 1 sol par jour pour bouter seulement.

Ces bouteuses font aussi, dans leur marché, l'empreinte ou la marque des marchands sur les papiers: elles en font un millier par heure, en frappant du plat de la main la feuille de papier sur la planche qui est fixée sur une table, & sur laquelle elles mettent la couleur d'ocre en détrempe avec une grosse brosse.

Les dimensions des outils & machines précédentes, relativement aux desseins, sont conformes aux outils & machines, sur lesquels ces observations ont été faites, & il est facile de connoître ce que l'on peut y changer.

On peut présentement savoir le prix auquel les épingles reviennent aux fabriquans, & par la connoissance du prix de ceux qui les vendent, savoir en quoi consiste leur bénéfice. Pour mettre en état de faire ces calculs: voici un détail qui concerne la sorte d'épingle numérotée VI. dont la longueur est de neuf lignes.

Le douzain ou les douze milliers dudit numéro VI, pese une livre neuf onces six gros sans papier, & on a vu par le mémoire de la façon dont on prépare le fil pour le réduire anx différentes grosseurs convenables à la fabriquation des épingles, que celui qui a passé par neuf trous, revient à trente-un sol trois den. la livre,

ce qui produit, pour une livre neuf onces liv. s. d six gros. . . . . . . . . . . . . . . . . 2 9 7 Pour dresser & couper les tronçons. . . . . . 1 Empointer. . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 3 Tourneur de la roue à empointer. . . . . . . 1 9 Repasser la pointe. . . . . . . . . . . . . . 1 Tourneur de la roue à repasser. . . . . . . . 1 Couper les hanses. . . . . . . . . . . . . . 9 Tourner le fil de la tête des épingles. . . . 3 Couper ce fil ou les moulées. . . . . . . . . 9 Le marchand fait cuire les têtes, dont la dépense pour le feu est estimée. . . . . . . 3 Pour frapper la tête des épingles. . . . . . 8 Pour décrasser & jaunir les épingles, une demi-livre de tartre pour dix douzaines, & le feu

 estimé, non compris le tems des ouvriers
 qui est employé dans les prix précédens....      1

Pour faire blanchir les épingles, le tartre &

 le feu sont estimés. . . . . . . . . . . . .     1

Pour placer & bouter les épingles dans le papier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Pour le papier sur lequel les épingles sont piquées, la main de papier pese une livre, &

 coûte 6 sols. Il entre cinq onces trois gros
 de papier pour la douzaine de milliers desdites épingles, qui valent audit prix. . . .     2

Les outils & faux frais estimés. . . . . . . . 4 Total du prix de la douzaine de milliers d'épingles du numéro VI. . . . . . . . . . . . 3 7 3