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Page:Encyclopedie Planches volume 5.djvu/372

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charbon de terre, sur tout lorsqu’il est sulfureux; on sait les accidens qui en résultent, & les dangers que courent les ouvriers en pareil cas; l’atmosphere dans laquelle ils se trouvent étant abondamment chargée de parties inflammables, une seule étincelle de feu, qui peut provenir du travail des ouvriers, les lumieres même dont on est obligé de se servir, produisent souvent un embrasement subit, qui consumant avec violence & promptitude, cause la mort aux travailleurs.

L’inconvénient des eaux quoique moins dangereux en apparence, n’est pas moins redoutable, puisqu’elles occasionnent la cessation du travail lorsqu’elles sont en trop grande abondance, ou que les moyens ne sont ni assez puissans, ni assez prompts pour détruire le mal; mais heureusement l’industrie & la méchanique d’accord en ce point, ont fait des prodiges, & on verra toujours avec autant d’admiration que de surprise, l’ingénieuse machine à feu de Fresne près Condé en Haynault, servir à l’extraction des eaux des mines de charbon de terre, jusqu’à une très-grande profondeur par le seul moyen des eaux elles-mêmes & de la matiere dont on fait l’extraction.

Les puits ne sont mis en usage que dans les cas indispensables; des galeries de niveau à des rivieres, à la mer elle-même, traversent des montagnes, elles servent à l’exploitation des matieres, elles évitent des travaux considérables qu’occasionnent les puits, elles portent à l’instant sur des matieres plus épurées qui ne se trouvent jamais qu’à une très-grande profondeur; otez à ces mineurs les avantages de cette position sur le bord de la mer, d’une riviere, vous en admirerez davantage la fécondité de leurs inventions, vous verrez dans les mines de Neucastle sortir en douze heures de travail, de 300 piés de profondeur 6162 boisseaux de charbon de terre mesure d’Angers.

Vous serez encore plus surpris de voir un seul cheval rouler, par les secours de l’art, de la mine au magasin, sept chauthers de Neucastle, ou 5320 livres de charbon sur un même chariot.

On conclura peut-être de-là que l’abondance de la matiere inspire naturellement les moyens & le desir de la faire valoir, & qu’on est bien éloigné de jouir en Anjou des mêmes avantages; on m’objectera que depuis un tems immémorial qu’on travaille aux mines situées dans cette province, on n’est point encore parvenu à trouver cette grande veine ou plateur, que ce sont des filons épars sur la superficie de la terre, obliques, perpendiculaires, horizontaux, ayant peu d épaisseur, & toujours interrompus; la tradition du pays apprendra que communément à quatre-vingts & cent piés de profondeur on doit perdre toute espérance d’extraire avec avantage du charbon de terre, qu’à ce terme le toit & le mur d’une veine ou filon qu’on a exploité avec attention & qui a fourni beaucoup de charbon, se réu nissent presque toujours, & qu’inutilement approfondiroit-on pour reconnoître si ce filon n’a point de suite.

L’on seroit tenté de céder à ces raisonnemens fondés sur l’expérience, si la connoissance des endroits où l’on s’occupe du même travail n’apprenoit aussi que dans le pays de Liege, par exemple, très-abondant en mines de charbon de terre, il faut pour trouver la grande veine ou plateur, approfondir au-moins de trois ou quatre cens piés en suivant un filon oblique, quelque-fois très-inégal, paroissant souvent à sa fin, & qu’à cette profondeur il devient horizontal, ce qui forme le plateur ou banc de niveau, qui après une fort grande étendue, remonte vers la superficie de la terre; il se trouve ainsi une grande quantité de bancs paralleles les uns sur les autres, suivant la même direction, ayant jusqu’à quatre piés d’épaisseur, & toujours entre le toit & le mur, pour se servir des termes de l’art; on voit donc que pour parvenir à l’exploitation de ces veines horizontales ou plateurs qui font le plus grand avantage des mines, il faut descendre jusqu’à quatre cens piés, & l’on remarque qu’il n’est pas un ouvrage en Anjou qui soit poussé à cette profondeur.

Des recherches exactes sur la nature & les variations des veines de charbon de terre, convainquent en outre que quand on a découvert un filon horizontal, quelque peu épais qu’il soit, il faut toujours présumer qu’il y en a d’autres dessous ou dans le cas d’obliquité & de la perpendiculaire, plusieurs autres paralleles, parce que dans le fait on a trouvé qu’à la profondeur de 150 piés il y a généralement deux, trois ou plusieurs filons les uns sur les autres ayant des couches de différentes na-tures & épaisseurs, de maniere que les mineurs ne peuvent jamais être assurés à quelque profondeur que soient conduits leurs puits, qu’ils aient atteint le filon le plus bas, car quoique le nombre en soit limité par la nature, les bornes de cette limitation sont inconnues aussi bien aux Naturalistes les plus savans, qu’au commun des mineurs.

On s’est d’ailleurs convaincu par soi-même, qu’il est dans cette province des filons assez constans qu’indiquent les anciennes fouilles; on en a reconnu cinq différentes, obliques, à-peu-près paralleles, ayant’depuis un pié jusqu’à quatre d’épaisseur, qui paroissent se continuer très-loin & sans interruption, dans l’étendue des paroisses citées ci-dessus; les puits les plus profonds entrepris sur cette direction n’atteignent pas 300 piés, ils n’en ont même communément que 100 & 120, d’où l’on conclut que loin d’en tirer aucune conséquence au préjudice de l’existence de la grande veine, tout semble opiner en sa faveur.

L’on conçoit sans peine que la facilité qu’on trouve dans l’exploitation ordinaire des mines d’Anjou, doit déterminer à ne point aller chercher avec beaucoup de dépense à une plus grande profondeur en terre, ce qu’on trouve aisément à la superficie, mais qui pourra s’empêcher de convenir qu’il est très-fâcheux que cet avantage particulier & momentané produise pour l’avenir un mal très-réel? on se rebute aisément des moindres difficultés par l’espérance d’un bien prochain; les ouvriers que le seul appas du gain détermine, & dont les vues & l’intelligence sont toujours bornées, sont les premiers à persuader au propriétaire qu’ils ont fait l’entiere extraction d’un filon, ils recomblent les trous avec d’autant plus de facilité, que les frais qu’ils ont faits ne sont pas considérables, la plus grande & la meilleure partie du charbon reste en terre, & se trouve perdue pour toujours, parce que d’anciens ouvrages comblés semblent s’opposer & s’opposeront en effet par la suite à de nouvelles recherches, qui seroient cependant nécessaires pour parvenir à découvrir la grande veine.

En même tems que l’on se plaint d’un abus que l’on sent être entierement au détriment futur de la province, on ne peut s’empêcher de convenir qu’il est difficile d’y apporter un remede certain, puisque les facultés des propriétaires des différens terreins où peuvent s’ouvrir ces mines de charbon de terre, ne leur permettent pas d’entreprendre des travaux assez considérables pour se flatter d’une réussite telle que celle que l’on desire, & que cependant ils retirent de leur exploitation actuelle un bénéfice certain en extrayant à peu de frais les filons épars & petites veines que produit leur terrein, & sont en même tems le bien du commerce. On desireroit donc en bon citoyen, qu’en cherchant à prévenir les abus pour l’avenir, on pût faire un bien présent.

C’est-là vraiment le cas de faire, ainsi qu’on l’a proposé pour les carrieres d’ardoise, une carte Minéralogique de toute l’étendue du pays où l’usage a fait établir des mines; on voudroit qu’on y marquât très-exactement toutes les fouilles faites jusqu’à ce jour, qu’on prît toutes les instructions nécessaires & possibles pour constater quelle a été la nature de leur exploitation & de leur profondeur; on desireroit qu’on n’en pût ouvrir aucune nouvelle qu’on n’eût déterminé & fait approuver la situation par gens à ce connoisseurs, on auroit par ce moyen, & ceux qu’un travail raisonné & suivi sur cette matiere pourroit suggérer, la consolation de ne point nuire aux travaux à venir, d’éclairer même, & de guider avec certitude ceux qui les entreprendront, de faire naître l’industrie & l’émulation, & d’assurer l’existence d’une matiere précieuse, qu’un abus plus longtems perpétué ne manqueroit pas d’anéantir.