Page:Encyclopedie Planches volume 5.djvu/390

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vertu de sa légereté respective; elle se porte outre cela vers cette surface par un plus grand nombre de points, eu égard à la masse du petit-lait. Malgré cette disposition favorable, la crême employe deux ou trois fois vingt-quatre heures à former une couche qui recouvre le petit-lait. Il semble qu'elle est beaucoup plus de tems à se séparer du caillé & du petit-lait après l'enlevement des parties qui composent le fromage, que ne sembleroit le comporter la petite quantité de crême qui reste. Le beurre au reste fait de cette crême secondaire est d'un meilleur goût que celui fait de la premiere crême. Il paroîtroit par-là que ces portions plus adhérentes au petit-lait entraîneroient peut-être avec elles plus de ces principes salins que le petit-lait tient en dissolution. Il en est de même de la partie caséeuse, car le brocote qui est un fromage secondaire est, comme nous l'avons vû, un mets plus agréable que le lait cuit avec tous ses principes.

Quoi qu'il en soit de la raison physique de cet effet, lorsqu'on présume que toute la crême qui peut se former à la surface du petit-lait en est séparée, on soutire le petit-lait par l'ouverture latérale, & la crême reste au fond de la baste; on l'enleve avec une écuelle; on remet dans la baste une nouvelle charge de petit-lait, avec un douzieme environ de lait nouvellement tiré, & on attend l'effet du repos.

Pendant ce tems-là on ne perd point de vue le gâteau de caillé qu'on a laissé au fond de la baste; il y prend en peu de tems une certaine consistance, qui fait qu'il conserve la forme du fond de la baste où il s'est moulé. On le retire de la baste & on le serre fortement avec les deux mains sur une table fig. 8. & dans une fescelle fig. 11. pour en exprimer le petit-lait le plus qu'il est possible; ensuite on le met dans une baste fig. 2. de même forme que la premiere, & on la tient inclinée de telle sorte que l'ouverture latérale qu'on a soin de ne pas boucher puisse laisser échapper le petit-lait à mesure qu'il s'égoutte, & le verser dans une auge destinée à le recevoir fig. 10. B.

On a outre cela l'attention de placer le caillé sur un lit de paille qui garnisse exactement tout le fond de la baste fig. 7. Ce lit de paille a plusieurs avantages, il empêche que le gâteau de caillé ne touché immédiatement le fond de la baste & ne bouche l'ouverture latérale qui sert à l'écoulement du petit-lait; mais ce qui est bien plus important, cette paille en laissant échapper le petit-lait à mesure qu'il se dégage du gâteau fait qu'il n'en imbibe pas les parties inférieures auxquelles il resteroit adhérent sans cette précaution. Lorsqu'on a plusieurs gâteaux de caillé, on met dessous le plus nouveau, & on le charge de ceux qui sont déjà égouttés. Par cet arrangement les gâteaux remplis de petit-lait s'égouttent sur la paille sans humecter de nouveaux les autres. D'ailleurs le poids de ceux-ci servant à comprimer les inférieurs hâte la sortie du petit-lait. Les gâteaux de caillé restent dans cet état deux ou trois fois vingt-quatre heures.

Lorsque la saison n'est pas chaude on place la baste près du feu, & dans l'espace de tems dont je viens de parler toute la pâte du caillé, par un effet continu de la présure aidée de la chaleur, augmente de volume assez considérablement; on y voit une infinité d'yeux, de vuides, qui sont dispersés dans la masse comme dans une pâte levée; on dit alors que le caillé est poussé, & on l'appelle Tomme; d'après ce fait je suis très-tenté d'attribuer à l'action de la présure les trous du fromage cuit dont je n'ai point développé la cause.

Je dois faire remarquer qu'on lave soigneusement de trois en trois jours, dans de l'eau tiede, la paille qui sert à soutenir les gâteaux de caillé, de peur que le petit-lait qui s'y attache ne contracte un goût d'acide qu'il communiqueroit à la tomme. On ne lave la paille qu'une fois, après quoi on en met de nouvelle.

Dès que la tomme est poussée, on l'emploie à faire des fromages. Pour cette grande opération le vacher se met sur une table ovale faite à-peu-près comme la table d'un pressoir, avec une rigole tout-autour, & une goulerotte opposée diamétralement à la place qu'il occupe fig. 8. 9. & 10. Cette table est soutenue sur trois piés & se nomme Chevre. Le vacher met d'un côté une baste pleine de gâteaux de tomme, & de l'autre les trois pieces qui composent le moule du fromage. Ces trois pieces sont, 1°. la fescelle (fecella) ou le fond fig. 11. 2°. La feuille fig. 12. 3°. La guirlande fig. 13. La fescelle est une petite boîte cylindrique de huit pouces environ de diametre intérieur, dont le rebord qui s'évase a deux pouces & demi d'élévation; le fond est un peu élevé au centre fig. 11. B, comme dans la forme de Gerardmer; on y a pratiqué cinq trous, un dans le milieu & quatre dans le contour. La feuille est un cercle de bois de hêtre ou de fer-blanc, dont une partie rentre sur elle-même, de sorte qu'elle s'engage à volonté dans la fescelle. Cette lame circulaire a quatre pouces & demi de largeur. La guirlande est une portion de cône évuidé qui a deux pouces trois quarts de largeur sur sept pouces du petit diametre supérieur, & huit pouces & demi de diametre inférieur; il faut observer que ces dimensions ne sont pas constantes, & qu'elles changent suivant la grosseur des fromages, mais celles-ci sont les plus communes & elles varient peu.

Le vacher prend un gâteau de tomme & en coupe un morceau qu'il paitrit dans la fescelle après y avoir jetté une petite poignée de sel. Il acheve de remplir la capacité de la fescelle de la tomme paitrie, salée & réduite en pâte, qu'il comprime le plus exactement qu'il peut. Ensuite il engage dans la fescelle le bord inférieur de la feuille, & remplit cette feuille avec le même soin de tomme paitrie & salée. Il place enfin dessus la guirlande qui maintient la feuille, parce qu'elle entre dans la guirlande de la largeur d'un pouce, il la remplit jusqu'au bord avec la pâte du caillé. On voit dans la fig. 14. a, les pieces du moule en situation; le vacher recouvre le tout d'un morceau de toile, & transporte le fromage avec son moule sous une presse fig. 14. B.

Cette presse est composée d'une table soutenue sur quatre piés; une rigole circulaire environne l'endroit où se place le fromage fig. 15. une planche chargée de grosses pierres est établie sur deux montans placés à une extrémité, & on la souleve de l'autre, & on l'arrête par le moyen d'une cheville qui se place dans les trous d'un troisieme montant fixé à l'autre extrémité fig. 16. On met le fromage dans le milieu de la table; on abaisse dessus la planche supérieure chargée de pierre, en ôtant la cheville. Le fromage se resserre & se comprime par le rapprochement de la fescelle & de la guirlande qui entrent dans la feuille fig. 14. B; le petit-lait s'écoule par les cinq trous de la fescelle & par les intervalles des trois pieces. On garde ce petit-lait, & comme il a dissout une certaine quantité de sel, il sert à humecter la surface des fromages qu'on garde à la cave.

Le fromage reste sous presse pendant vingt-quatre heures environ, on le retourne ensuite dans le moule, & on l'y laisse encore quelque tems sous presse. On l'en retire pour le mettre sécher sur une planche à côté de la cheminée, afin qu'il puisse prendre un supplément de sel. Alors on le transporte dans la laiterie ou dans une cave, & on a soin de l'humecter avec le petit-lait chargé de sel, dont j'ai parlé, lorsqu'on s'apperçoit que sa surface est seche; car comme le sel marin est déliquescent, lorsqu'il a pénétré en quantité suffisante la masse du fromage, il se montre à la surface par une légere humidité. Ainsi l'état de sécheresse indique qu'il n'a pas eu assez de sel. On retourne les fromages tous les jours en les essuyant avec la main, & au bout de cinq mois de cave ils sont faits. Les petits fromages n'ont besoin que de trois mois avant que d'être marchands.

On bat la crême qui s'est séparée du petit-lait, comme je l'ai dit, dans un vaisseau conique fig. 19. avec un bâton armé de deux planches en croix fig. 17. ou d'une seule planche percée de trois trous en croissans fig. 3. Dès que le beurre est séparé on soutire le petit-lait; on le met bouillir, & l'on en dégage par l'ébullition seule le fromage secondaire sans le fecours d'un acide fig. 18. La partie caséeuse paroît moins adhérente au petit-lait après l'extraction de la partie butyreuse; on met ce fromage secondaire dans une serviette qu'on tient suspendue en travers de la cabanne. Art. de M. Desmarêts.