Page:Encyclopedie Planches volume 5.djvu/395

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On reconnoît qu'on a tiré du petit-lait toute la brocotte qui peut s'en dégager, & qu'on y a versé assez d'aigre, lorsqu'il ne se forme plus sur les bouillons une écume blanche. On donne aux cochons le petit-lait pur, après en avoir remis dans le baril une quantité égale à celle qu'on en a prise, afin qu'elle s'aigrisse avec l'autre. Les markaires accommodent des truites & font de la salade avec cet aigre, ils en boivent même pendant la préparation du fromage pour se rafraîchir, & ils le font avec un certain plaisir. Le petit-lait non aigri & dépouillé de tout caillé, se nomme puron ou spuron.

La brocotte qu'on ne peut pas consommer sur-le-champ, se met sur une serviette qu'on noue par les qua-tre coins, & qu'on suspend ainsi, fig. 15. elle s'égoutte & forme des fromages qu'on nomme Schigres. On les vend & on les consomme dans les environs; c'est proprement un fromage secondaire précipité du petit-lait, par le moyen d'un acide.

Cette opération revient assez à la maniere dont les Apothicaires éclaircissent leur petit-lait, en y mêlant de la crême de tartre qui agit comme acide, & qui dégage la partie caséeuse qui y est comme dissoute. La proportion de cette partie qui reste encore dans une espece de combinaison avec le petit-lait, m'a paru être environ le dixieme de la partie qu'on en a tirée d'abord. Ainsi du petit-lait dont on a tiré un fromage de quarante livres, on dégagera encore quatre livres de brocotte. Il paroît étonnant qu'on perde cette quantité là dans la plûpart des provinces de France, où l'on abandonne aux cochons le petit-lait qui a donné le premier fromage.

Fromage de Gerardmer.

Je parlerai ici par occasion des procédés qu'on suit dans la préparation des fromages de Gerardmer, qu'on fabrique aussi dans les Vosges, & qu'on débite dans toute la Lorraine & le Barrois; la comparaison des manipula-tions pourra être curieuse par les différences qui s'y trouvent.

On coule le lait dans un couloir d'une forme particuliere, fig. 16. & qu'on fait à Gerardmer. On le garnit, comme je l'ai dit ci-dessus. On place le couloir sur deux sortes de supports dont on peut voir la forme, fig. 17. & 5. ensuite on fait un peu chauffer le lait, si la température n'est pas à un certain degré, & l'on y met la présure. Lorsque le caillé est formé, on le verse dans des formes cylindriques dont le fond est proprement comme le cul d'une bouteille. Cette surface conique est percée de cinq trous, un à la pointe du cône, & les quatre autres dans une rigole où sa base vient aboutir. La forme a environ quatre pouces de diametre, sur deux piés de hauteur, & le cône du fond un pouce de hauteur sur quatre pouces de base. Cette disposition du fond de la forme m'a paru très-favorable à l'écoulement du petit-lait, & beaucoup plus que le simple plan de la base du cône. On favorise aussi cet écoulement par des entailles pratiquées sur la longueur du cylindre. Il y en a deux rangs; on laisse égoutter quelque tems le fromage dans cette forme, après quoi on le met dans une nouvelle forme qui est moins haute & plus large, & dont le fond est toujours un cul de bouteille, ensorte que cette impression reste dans le fromage moulé en creux. On transporte ces fromages un peu secs dans des caves où ils passent en moins de deux mois, à la faveur de la chaleur uniforme de ces souterreins.

On retire du petit-lait la portion de caillé qui y reste. Toute l'opération est semblable à celle que j'ai décrite. Il y a seulement de la différence entre la brocotte qu'on dégage de ce petit-lait qui n'a pas été exposé à une chaleur aussi grande que dans la prépara-tion du fromage cuit, & la brocotte que j'ai décrite. La premiere n'est proprement qu'une écume légere qui ne forme pas des masses aussi fermes & aussi mattes que celle du fromage cuit. Elle s'enleve avec une écumoire & se fouette ensuite avec un balai qui la fait mousser, fig. 20. elle est liquide comme la crême cuite & en a le goût.

On employe pour battre la crême dans quelques-unes des chaumes où l'on fait du beurre, une machine fort ingénieuse, fig. 19. & qui accélere le travail. C'est une boîte circulaire où l'on renferme la crême: on lui communique un mouvement de rotation sur un axe dont le prolongement porte une manivelle. La crême s'élance contre les planches trouées qui la traversent comme autant de rayons, & se bat. Cependant l'usage de cette machine n'est pas général, parce qu'on s'est apperçu qu'elle produisoit un déchet considérable par la quantité de crême & de beurre qui reste adhérente dans les réduits multipliés de ses parois intérieures.