Page:Encyclopedie Planches volume 6.djvu/334

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celle que la nature indique elle-même par la disjonction ou le repos entre le si b & l’ut de cette table, & que chacun sent, même ceux qui sont le moins initiés dans cette partie. (Voyez la conjonction des deux tétracordes de cette gamme). L’interruption de la suite naturelle des nombres détermine encore cette disjonction, puisque le terme 15 qui sert ordinairement à exprimer le son si, n’a exactement point lieu. C’est encore une production de l’art & non de la nature que de l’admettre au rang des harmoniques comme le fait M. Baliere (Théorie de la Musique art. 134. & 357.) Le corps sonore ne le produit point, il s’arrête au quatorzieme harmonique vingt-neuvieme degré du son fondamental, du-moins proportionnellement à la faculté de l’ouie & de la voix; ce qui est un garant authentique des bornes que leur prescrit en ce cas la nature, & auxquelles se rapportent exactement l’étendue des voix en général, & celle des instrumens d’accompagnement, à claviers, qui est de quatre octaves. Car tout ce qui excéderoit ces organes, comme nous l’avons déjà dit, soit à l’aigu, soit au grave, deviendroit impraticable aux uns & inappréciable aux autres (20). Que ceux qui résisteront à cette proposition secouent les préjugés contraires qu’ils pourront avoir à cet égard, & ils éprouveront s’ils ne se sentiront pas entraînés par un penchant naturel à cette succession mélodique. D’ailleurs on en a eu la preuve dans maintes expériences. On a éprouvé même que des enfans dénués de toute connoissance musicale, dégagés par conséquent de l’habitude & de la prédilection à cet égard, ayant été mis sur la voie, rendoient exactement cette succession diatonique, & jamais celle qui est en usage avec le si , qu’au contraire c’étoit toujours le si b qu’ils entonnoient naturellement, soit qu’ils procédassent en montant dans cette succession, soit qu’ils y procédassent en descendant. On a réïtéré l’expérience, non content qu’elle fût toujours uniforme, on a cherché un moyen nouveau, afin d’éloigner encore une inclination d’habitude qu’ils auroient pû contracter; on a employé pour cet effet une nouvelle dénomination des sept degrés successiss de la gamme (21), qui consiste à substituer aux syllabes anciennes ut, re, mi, fa, sol, la, si b les 7 voyelles suivantes a, é, è, i, o, u, w & qui a semblé y être favorable; on a toujours retrouvé constamment la même succession, rendue même avec beaucoup plus d’exactitude & de facilité qu’auparavant. Nous nous croyons dispensés d’en dire davantage sur ce sujet; on peut consulter là-dessus le tome III. de l’Encyclopédie, pag. 144, colonne 2. (& la Théorie de la Musique, chap. 1. art. 8. seconde partie, ch. 1. pag. 69. & suiv.)


PLANCHE XVII.

La seconde expérience que nous rapportons ici rectifiée, qu’on attribue au célébre Tartini, est celle dans laquelle un son grave est produit par le concours de deux sons aigus. (Voyez l’exemple A de cette Planche). Cette expérience est exactement l’inverse de la précédente, de celle de la succession harmonico-mélodique, en ce que ces mêmes harmoniques, ces mêmes sons pris ensemble, à quelque intervalle que ce soit, répondent à l’intention de la nature dans l’uniformité du premier système, & produisent une espece de bourdon, qui est exactement le son grave & fondamental de ces sons aigus, & à la même distance que l’expérience énoncée ci-dessus détermine (22), c’est-à-dire que quelque in-tervalle que l’on fasse entendre, soit sur deux instrumens à vent, ou même par le concours de deux voix féminines, comme une seconde, une tierce, une quarte, une quinte ou une sixte, &c. & qui sonneront ensemble; le bourdon en question se fera sentir & apprécier d’une oreille juste & consommée en musique, à la distance & à l’unisson de chacun des sons harmoniques graves marqués en A du même exemple. Voyez |aussi l’exemple B, dans lequel on a désigné encore les harmoniques intermédiaires, sous-entendus, par des petits points noirs placés au-dessus de ces sons graves, dans l’ordre conforme au principe de la résonnance, afin de faciliter la recherche nécessaire de leur vraie situation, & que les lecteurs puissent en faire aisément la comparaison. Ainsi l’on voit donc par-là que les mêmes sons harmoniques produits par les graves, sont eux-mêmes réciproquement régénérateurs ou complémens de ces derniers; & qu’il ne se trouve dans tous ces divers produits aucun son étranger au principe physique de la résonnance. Nous allons en fournir seulement une preuve. Qu’on veuille, par exemple, analyser l’accord parfait ut, mi, sol, en combinant de toutes les manieres possibles tous les intervalles des sons qui le composent, soit de deux en deux sons pris à la fois, soit de trois en trois, &c. on aura toujours pour bourdon ou son fondamental au grave ut. Si l’on en veut faire autant de l’accord de septieme affectée à la dominante tonique ainsi sol, si, re, fa, on aura aussi pour son grave fondamental le sol; bien entendu que la tierce de re à fa sera prise ici en raison de 18 à 21. semblable en cela à celle de à du ton ut que nous établissons pour principe. Car si cette tierce au contraire, se trouvoit être comme de à , on auroit en ce dernier cas si b, sa tierce mineure; ce qui est indiqué dans cet exemple par les guidons, comme des cas d’une substitution particuliere qu’occasionneroient les instrumens que l’on employeroit à cet effet, s’ils étoient disposés relativement au tempérament en usage, qui admet ces intervalles indistinctement l’un pour l’autre (23). Or dans le cas où l’on feroit donc résonner à la fois ces quatre sons sous ces deux acceptions fondamentales, il en résulteroit un double bourdonnement, l’un pour sol, si, re, qui seroit sol au grave, & l’autre pour re, fa, qui seroit si bémol, ce qui produiroit une dissonnance très-dure par rapport à la succession des quatre sons fa, sol, sib & si


(20) D’ailleurs, en examinant la chose de plus près, on verra que ce n’étoit peut-être pas sans raison que les anciens ajouterent une seizieme corde à leur système, afin d’éviter non-seulement la disjonction qui étoit entre la mése & la paramése, ou pour détruire la succession des trois tons de suite, comme on le pense; mais encore s’ils sentirent la nécessité d’y introduire cette corde, dite trite synémménon, qui est notre si b, c’est qu’ils touchoient de plus près à la source que nous, & que doués d’un sentiment plus fin, ils se laissoient conduire par la nature.

(21) Ce qui a été la matiere d’une lettre que j’ai publiée, & qui a été insérée dans le Mercure de France au mois de Décembre 1765.

(22) On observera que ceci s’entend de deux sons, dont l’intervalle est fixe & non sujet à variations, ainsi qu’il arrive fréquemment sur les instrumens à vent vif, ou dans les voix même; car pour peu qu’il y ait de l’altération soit par défaut, soit par excès, la loi change, & l’observateur dérouté peut aisément prendre le change; ce que nous aurons occasion de démontrer plus loin. Il suffit d’avertir seulement ici de se mettre bien en garde contre de telles erreurs, surtout lorsque les régénérateurs sont susceptibles de porter à l’oreille deux impressions sonores presque semblables.

(23) Vraie source d’incapacité, où ont puisé les créateurs du tempérament en musique. Selon M. Rouss. diss. sur la Musiq. moderne, p. 55, le tempérament est un vrai défaut; c’est une altération que l’art a causé à l’harmonie, faute d’avoir pu mieux faire.