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AIR

l’habitation d’un grand nombre d’hommes réunis dans un eſpace circonſcrit ; car il eſt bien prouvé 1o. qu’un homme vivant conſomme ou vicie en 24 heures, par ſa ſeule reſpiration, vingt muids d’air, chacun de 288 pintes, & quarante muids par les vapeurs qui ſortent de ſon corps ; de ſorte que, renfermé dans une chambre, il altéreroit ainſi 60 muids d’air pendant cet eſpace de temps. 2o. Que 300 hommes, qui durant un mois ſeroient placés dans l’étendue d’un arpent de terrain, y formeroient, de leur propre reſpiration, une atmoſphère de 71 pieds de hauteur, qui deviendroit bientôt peſtilentielle ſi elle n’étoit pas diſſipée par les vents ; obſervation démontrée par ce qui arrive dans les camps, qui reſtent trop long-temps au même endroit.

Que ſeroit-ce ſi à cette cauſe, toujours ſubſiſtante, on ajoute celles qui réſultent de l’établiſſement de pluſieurs arts nuiſibles à la pureté de l’air, qu’on s’obſtine à renfermer dans l’enceinte des villes, &c. tandis que d’un autre côté on détruit tout ce qui pourroit corriger l’air, en arrachant le peu d’arbres & de végétaux qui ſe trouvent répandus dans leurs divers quartiers. Voyez Fosse d’aisance, & Pompe anti méphitique.

On ſera bientôt convaincu que l’air qui a de bonnes ou de mauvaiſes qualités, peut avoir une grande influence ſur la reſpiration, & conſéquemment ſur la ſanté, lorſqu’on fera attention à la grande capacité du poumon. Elle eſt telle qu’à chaque inſpiration, il reçoit environ 40 pouces cubiques d’air, & qu’il en chaſſe 38 à chaque expiration. Or, dans l’eſpace d’une minute on exécute vingt fois ce mouvement d’inſpiration, 1 200 fois dans une heure, & 28 800 fois dans un jour. Donc le poumon reçoit dans une minute 800 pouces cubiques d’air, 148 000 par heure, & 1 152 000 par jour.

Pour m’aſſurer de cette quantité d’air qu’on reçoit dans le poumon à chaque inſpiration, j’ai fait faire une eſpèce de nez de métal, dont l’ouverture propre à la reſpiration eſt ſoudée avec un tube recourbé en manière de ſiphon renverſé. La grande branche du ſiphon entre dans un vaſe cylindrique plein d’eau & d’air, & renverſé ſur la tablette de la machine hydro-pneumatique. On marque avec un index la hauteur de l’eau dans le vaſe cylindrique dont on connoît le diamètre. Lorſqu’on inſpire par le nez l’air du vaſe cylindrique, l’extrémité ſupérieure de la longue branche du ſiphon étant plongée dans l’air de ce vaſe, on voit l’eau de la cuve s’élever pour remplacer l’air qu’on a fait entrer dans le poumon, alors on marque le nouveau niveau de l’eau du vaſe. Les deux marques ou indices déſignent la hauteur du cylindre d’eau dont on connoît le diamètre, qui eſt celui du vaſe, & conſéquemment déſignent la quantité d’air qui a été reçue dans le poumon ; quantité qu’il eſt facile de réduire en pouces ; les plus ſimples notions de géométrie & d’arithmétique ſuffiſent pour faire cette évaluation. Cette expérience étant faite pluſieurs fois par une même perſonne, & enſuite par différentes, on prendra un milieu entre tous les réſultats, & on trouvera qu’il approche aſſez de la quantité que nous avons aſſignée. Il eſt inutile de prévenir qu’il faut fermer la bouche pour n’aſpirer l’air que par le nez. J’ai nommé cet inſtrument nazelière pneumatique.

On connoîtra l’air qui ſort du poumon à chaque expiration avec un autre appareil, qui ne diffère du précédent que parce qu’on a ſoudé à un ſiphon renverſé de même dimenſion, une eſpèce de muſelière qui recouvre la bouche. Avant que de faire le mouvement d’expiration, on ferme les narines avec les doigts pour forcer l’air à ſortir ſeulement par la bouche. Alors on voit l’eau du vaſe cylindrique deſcendre dans la cuve hydro-pneumatique, & l’air le remplacer. Les deux indices mis aux deux niveaux de l’eau du vaſe, indiquent la quantité d’air expiré, qui eſt communément moindre d’un vingtième, conſéquemment elle eſt d’environ 38 pouces cubiques, nombre moyen entre pluſieurs réſultats. J’ai donné à cet inſtrument le nom de muzelière pneumatique. Il eſt inutile d’obſerver que les bords des parties de ces inſtrumens qui s’appliquent ſur le contour du nez & de la bouche, ſont garnis avec de l’étoffe, pour que l’air extérieur ne paſſe pas par les joints.

On peut varier ces ſortes d’expériences de différentes manières ; par exemple, il eſt facile de rechercher quelle eſt la quantité d’air qui entre ou qui ſort dans une inſpiration ou expiration très-forte. Il paroît qu’elle eſt les trois-quarts de l’inſpiration ou expiration naturelles. On peut reſpirer plus fréquemment ou plus lentement dans un temps donné, & examiner les réſultats, &c. &c.

Mais outre la quantité d’air qu’on expire à chaque fois, il reſte encore dans le poumon une quantité d’air conſidérable, qui me paroît être d’environ 160 pouces cubiques ; car la capacité des véſicules du poumon réunies eſt de plus de 200 pouces cubiques.

Pour avoir à-peu-près une idée de l’organiſation intérieure du poumon, & des capacités ſenſibles de cet organe, on peut jeter un coup d’œil ſur une injection faite avec de l’étain fondu dans un poumon ; elle préſentera, après le refroidiſſement, & après qu’on aura diſſéqué & ôté la ſubſtance du poumon, une eſpèce d’arbre métallique en relief, avec différentes branches, ramifications & ſous-ramifications analogues ou plutôt correſpondantes aux diviſions & ſous-diviſions des routes de l’air dans le poumon. J’en ai pluſieurs de ce genre dans mon cabinet de phyſique.

Cependant les hommes & les animaux peuvent ſupporter une grande condenſation de l’air, comme on l’obſerve dans les mines de Pologne, de Suède, &c.