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Page:Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, 7e et 8e entretiens.djvu/258

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prix ſi-bas, qu’ayant peint les deux batailles qui ſont aujourd’huy dans le Cabinet du Duc de Noailles, il eût bien de la peine d’en avoir ſept écus de chacune.

Il n’a pas eſté le ſeul, dit Pimandre, qui a trouyé un abord ſi rude & ſi faſcheux. Vous m’avez appris que les plus grands Peintres n’ont pas toûjours eû dans les commencemens la fortune favorable.

Il faur conſiderer, répondis-je, qu’encore que le Pouſſin euſt déja trente ans lors qu’il arriva à Rome, & qu’il euſt fait pluſieurs ouvrages en France, il n’eſtoit néanmoins connu que de peu de monde ; & ſa maniere de peindre aſſez diferente de celle qu’on pratiquoit, & qui eſtoit comme à la mode, ne le faiſoit pas rechercher. Il a conté luy-mesme aſſez de fois qu’ayant peint dans ces commencemens-là un Prophete, il n’en put avoir que la valeur de huit francs, & que cependant un jeune Peintre de ſa compagnie l’ayant copié, eût quatre écus de ſa copie. Le peu de cas qu’on faiſoit alors de luy & de ſes ouvrages ne le rebutoient pas, ſongeant moins à gagner de l’argent qu’à ſe perfectionner. Il ſe paſſoit de peu de choſe pour ſa nourriture & pour ſon entretien : il demeura meſme aſſez long-