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Page:Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, 7e et 8e entretiens.djvu/261

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en obſervant les choſes qu’un Peintre devient habile, plûtoſt qu’en ſe fatiguant à les copier.

Ce diſcernement ſi juſte & ſi exquis qu’il avoit dés ſes plus jeunes ans, & la forte paſſion qu’il avoit pour ſon art, faiſoient qu’il s’y donnoit tout entier avec grand plaiſir, & qu’il ne paſſoit point de temps plus agréablement que lors qu’il travailloit. Tous les jours eſtoient pour luy des jours d’étude, & tous les momens qu’il employoit à peindre ou à deſſeigner luy tenoient lieu de divertiſſement. Il étudioit en quelque lieu qu’il fuſt. Lors qu’il marchoit par les ruës, il obſervoit toutes les actions des perſonnes qu’il voyoit ; & s’il en découvroit quelques-unes extraordinaires, il en faiſoit des notes dans un livre qu’il portoit exprés ſur luy. Il évitoit autant qu’il pouvoit les compagnies, & ſe déroboit à ſes amis, pour ſe retirer ſeul dans les Vignes & dans les lieux les plus écartez de Rome, où il pouvoit avec liberté conſiderer quelques Statuës antiques, quelques veûës agréables, & obſerver les plus beaux effets de la nature. C’eſtoit dans ces retraites & ces promenades ſolitaires qu’il faiſoit de legeres eſquiſſes des choſes qu’il rencontroit propres, ſoit pour