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Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/12

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faits avérés, Zeppelins sur Londres, guerre sous-marine, férocité voulue des débuts de la guerre, dont témoignent les carnets et les ordres trouvés sur les prisonniers, les rapports des neutres ?

— De Tristan. Un photographe, mobilisé et permissionnaire, voit sa femme accoucher d’un petit nègre, souvenir du passage des troupes noires. Il dit mélancoliquement : « Trop de pose. »

— Dans les gares, les métros, en une semaine j’ai vu trois fois ce spectacle : un soldat amputé sur ses deux béquilles, qui tombe, s’allonge, ses béquilles projetées au loin. La foule le relève. C’est atroce. On crie d’horreur. Comment les cerveaux ne craquent-ils pas ? Comment les cœurs n’éclatent-ils pas ? Comment ne hurle-t-on pas : assez !

Non, ce n’est pas de l’héroïsme. C’est de l’insensibilité. Ce sont des choses qui n’arrivent pas à soi. C’est aussi du respect humain.

— Je ne puis pas admettre la formule : « Les lois de la guerre ». Il y a la guerre, l’horreur déchaînée, la tuerie, le retour à la barbarie. Les nuances dans l’art de tuer ne peuvent pas se distinguer. Quelle est la différence entre la tuerie par le vide que fait l’abus de 75 ou l’asphyxie du gaz délétère ?

— Le détachement du public s’affirme. Allons ! C’est une expédition coloniale, à 80 kilomètres de Paris, avec, dans les tranchées, deux millions de culs-terreux.

— Vous qui lirez cela plus tard, n’oubliez pas que les belligérants n’étaient renseignés que par leurs journaux, donc d’une façon unilatérale. Toutes les informations étaient optimistes, ampoulées et partiales. Jamais on ne mettait sous nos yeux des gestes de pitié, des spectacles d’horreur. On ne nous laissait voir qu’une face de la vérité… Et encore, une face regardée à travers des verres roses. Cet