Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/163

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— Anatole France dîna avec Barthou chez Lapérouse, le 9. Barthou parla peu des scandales. Il dit cependant qu’il avait rédigé le communiqué qui absolvait Malvy. Il reconnut que la situation était plus grave que jamais.

— Quand des délégués anglais visitèrent le front russe, depuis la Révolution, on leur demanda fréquemment : « Que ferez-vous des colonies allemandes ? » Ils répondirent d’abord qu’ils les garderaient. Puis, devant le fâcheux effet de cette déclaration, ils rectifièrent : ils les garderaient en gage, jusqu’au paiement des indemnités dues par l’Allemagne.

— Le 12. On publie la demande d’armistice des maximalistes, assaisonnée de commentaires injurieux et méprisants.

— Un curé du faubourg Saint-Germain dit la férocité des vieilles douairières de 80 à 90 ans qui, tout en fourgonnant leur feu, clament « qu’il faut en tuer, en tuer ». Celles qui ont perdu leur petit-fils exigent que celui de la voisine périsse aussi. Un déluge de méchanceté, de cruauté, qui n’a jamais été atteint, est déchaîné par la guerre.

— Le 12. Jean L… fait « popote » chez une institutrice près de Villers-Cotterets, qui est restée humaine comme auraient dû l’être toutes les femmes dans cette guerre. (Car, elles, on ne pouvait pas les accuser de lâcheté.) Elle a vu des rébellions de mai. La main étrangère n’y était pour rien. Simplement des gens à qui on promettait des permissions depuis onze mois et qu’on maintenait en ligne. Si loyaux, que certaines troupes mutinées prirent part à des assauts et contre-attaquèrent. Cette femme vit des soldats déculotter un commandant, le fouetter et le renvoyer. Un général passa sous les huées d’une double rangée de soldats.