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Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/203

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— On aurait trouvé en Amérique deux millions dans un coffre de Charles Humbert. On va jusqu’à dire que son cri d’alarme de juillet 1914 fut concerté avec l’Allemagne. C’est singulier. J’ignore cet homme, je le crois avide et brutal, mais je l’imagine très sincèrement va-t-en-guerre.

— Le 27. Retrouvé un ancien ministre, mobilisé, couvert de brisques et de palmes. Il a pris la mentalité d’État-Major. On sent que les pertes ne portent pas sur ses pareils. Ce sont, comme aux manœuvres, des chiffres sur du papier, des états. Parlant de coups de main, il dira : « Il y a eu de la casse. » Ou : « On a cassé de la vaisselle. » Voilà ce que sont pour lui les hommes : des débris de faïence.

— De divers côtés, on me dit que le Bloc de la Chambre, qui suit le Cabinet dans la guerre sans fin, agit par haine du socialisme, auquel il ne veut pas laisser l’initiative et le bénéfice de la paix…

— Le 28. Rencontré, au déjeuner qu’organise le mercredi Maurice Pottecher, M. Demartial. Il s’est spécialisé dans l’étude minutieuse des responsabilités de la guerre d’après les documents diplomatiques. Il met tout sur le dos de la Russie. Il prétend que la France pouvait refuser d’épouser la querelle serbe — malgré l’alliance — à l’exemple de l’Angleterre, qui n’entra en guerre qu’après l’invasion de la Belgique.

— Départ pour Mareuil-sur-Ay, en Champagne, où mon fils est cantonné.

— Clemenceau est inquiet. Il craint une percée. En attendant, il décide qu’au 1er juin tous les officiers reprendront le képi éclatant du temps de paix, car les grades y sont apparents et on ne pourra plus les ignorer pour le salut. Oh ! Ce salut militaire, comme il y tient. Confondrait-il avec le salut du pays ?